Quels changements au niveau de l'espace et du temps
ont pu s'opérer sur cette génération du fait qu'elle soit
ultra-connectée ?
L'espace et le temps sont à redéfinir pour
cette génération. La rapidité dans l'obtention de
l'information est primordiale. Ce besoin d'immédiateté porte un
nom, on dit que les digital natives ont un profil ATAWAD. C'est l'acronyme de
Any Time, Any Where, Any Device. Le web les a habitués à avoir
accès à ce qu'ils veulent, quand ils le veulent et o ils le
veulent. Ce besoin en provenance d'Internet devient un besoin dans le monde
réel. L'ubiquité de cette génération est
incroyable. Ils sont partout au même moment. C'est ce qui en fait une
génération qui voyage bien plus. La mondialisation couplée
au numérique a cassé les barrières de la langue et des
cultures pour uniformiser l'ensemble. Certains préfèrent
même parler de profil ATAWADAC (+ Any Content) dans l'idée de
liberté de l'accès aux contenus. Le terme français ATAWAD
est parfois celui de mobiquité28, fusion de mobilité
et ubiquité. L'Agence Nationale de la Recherche définit ce terme
comme étant le « don de la mobilité tout en gardant les
avantages de la sédentarité ». La caricature en vient
à généraliser cette génération comme
étant précipitée, peu portée sur le long terme et
habituée à zapper en permanence. Florence HERMELIN parle de
« dictature du live »29 qui crée des «
addictions à la vie séquencée des autres » par les
nombreux réseaux sociaux notamment. « Pour lui (le digital native),
le temps mort doit être comblé par une hyperactivité
numérique. Ses relations sont basées sur une «
joignabilité » constante et instantanée. » 30 Le
digiborigène n'est jamais inactif surfant sans cesse avec
l'hyperactivité. Cela se remarque par exemple avec l'ensemble des moyens
de communication qu'ils utilisent et l'immédiateté de la
réactivité en répondant à un message
instantané. Claire LOBET-MARIS, sociologue des usages des technologies
de l'information et de la communication aux facultés de NAMUR explique
qu' « avec les digital natives, on voit émerger un nouveau rapport
à la temporalité »31. Un autre
28 Agence Nationale de la Recherche
29 Florence HERMELIN, Inside #1 : Dans la
tête des Digital Natives, SixandCo
30 Marie GREFFE, Les « digital natives
» : une nouvelle espèce de travailleurs, FAR, 2011, p. 2
31 Claire LOBET-MARIS et Sarah GALLEZ, Les
Jeunes et Internet - Se construire un autre chez soi, FUND®2011
surnom des digital natives révèle bien cette
réalité : la Now Generation. « C'est très perturbant,
car le temps est une norme sociale, un élément de coordination
entre les gens. Le temps que leur renvoient les adultes est plus long, plus
structuré. Il est fait d'horaires. Il y a des ajustements que les
aînés devront consentir » prévoit Claire LOBET-MARIS.
Peut-on voir apparaître une fracture avec les digital immigrants ? Selon
elle en tout cas, un besoin d'apprentissage et d'adaptation est à
réfléchir pour ces non-natifs numériques.
Frédéric WINCKLER, président de JWT, agence de
communication et de marketing depuis 150 ans écrivait sur son blog
lefreddie.wordpress.com que
les digital natives vont trop vite. Il fait le portrait de cette
génération sur 8 « empreintes digitales », 8
comportements à connaître. Pour lui, Jean-Louis SERVAN-SCHREIBER
met en avant un point important dans son essai Trop vite ! qui porte
sur le court-termisme de notre siècle : « Notre goût pour la
vitesse nous aveugle »32. Les comportements
étudiés par Frédéric WINCLER sont selon lui
incroyablement révélateurs d'une génération qui a
« développé une véritable intolérance à
toute forme d'attente, à la frustration ou au manque. »33
22
32 Jean-Louis SERVAN-SCHERIBER, Trop vite !,
05/2010
33
http://lefreddie.wordpress.com