Pour introduire cette synthèse, on remarque que les
digital natives ont conscience de ce qu'ils sont. Ils savent ce qu'ils
représentent et reconnaissent leur usage intensif du web. Ils notent la
fracture avec le monde de l'entreprise et n'acceptent pas forcément le
modèle traditionnel qu'utilisent leurs managers pour tenter de les
gérer. Les managers ont conscience de la fracture entre les deux
générations et admettent même qu'ils sont plus durs avec
les digital natives.
Pour synthétiser les résultats de l'ensemble de
nos enquêtes, on note que les connaissances informatiques ne sont pas
unanimement détenues par les digital natives. On peut synthétiser
cela en disant que les digital natives ont une meilleure compréhension
du Web 2.0. Pour les digital immigrants, ils ont une meilleure connaissance de
la sécurité informatique semble-t-il (mais c'est aussi
peut-être à cause de la trop forte représentativité
d'employés ayant de très nombreuses formations sur ce sujet). En
utilisant l'étude de Ester HARGITTAI et Y.P. HSIEH113 et en
la comparant à nos résultats, nous remarquons que les digital
natives français ont la plus haute moyenne des moyennes à 3,57
(soit 0,01 de plus que les digital immigrants) ce qui en fait la
génération la plus compétente dans l'ensemble des
connaissances de l'informatique et du web par rapport aux digital natives
américains et aux digital immigrants français. Lors de l'un de
nos entretiens semi-directif, Alice dira que « le digital c'est comme les
langues, si tu immigres jeunes dans un nouveau pays, tu vas facilement devenir
bilingue. C'est pareil pour nous, on est né dans le digital ça a
été bien plus facile d'apprendre ». Même si nous
sommes partagés par rapport à nos résultats, nous pouvons
par notre étude empirique confirmer que les digital natives ont en
général bien une meilleure connaissance du web et de
l'informatique. Florence ARENOU, Médecin Chef au Logis des Francs,
structure hospitalière, et manager de 40 salariés, et Delphine
ROUDOT, Chef de Projet Digital
113 Eszter HARGITTAI et Y.P. HSIEH, Succinct Survey Measures
of Web-Use Skills. Social Science Computer Review, 2012, p. 15-16
101
à HighCo et manager de 2 salariés semblent
penser la même chose, les compétences sont égales, ce sont
plutôt les comportements qui sont différents et qui
évoluent avec le temps.
Avec la méthode de l'Ennéagramme pour chercher
les types de personnalités, on note que les digital natives tendent
à se centrer sur l'émotionnel. Cela correspond en partie au
plaisir immédiat et à l'importance du court terme. De plus, la
confiance et le relationnel permettent de les motiver. Vincent GREGOIRE-DELORY,
Maître de Conférences à l'Université catholique de
Toulouse, explique ces changements par l'adaptation de nos cerveaux à
cette nouvelle ère numérique : « la plasticité du
cerveau, le cerveau va s'adapter à ça, un cerveau moins
académique. » A l'inverse, une mauvaise ambiance impactera de
manière négative leur efficacité. Le digital immigrant est
centré sur le mental. Le passé est une notion importante car il a
permis de créer leur processus de réflexion.
Pour ce qui est des comportements, on note que la plus grande
des différences entre les digital natives et les digital immigrants se
situe au niveau du changement dans l'espace et le temps. Les digital natives
souhaitent obtenir les choses rapidement, apprécient le moment
présent, ont besoin sans cesse d'agir. Malheureusement, cette
rapidité les fait survoler l'information car l'instant T est important.
Ils préfèrent être tout le temps en mouvement même
s'ils seront moins concentrés. Cela leur permet de gagner en
réactivité et en efficacité mais sont perdants dans leur
vision des stratégies à long terme. Pour Dario POLLACCI,
Responsable Service chez Liebherr et manager, avec les moins de 30 ans, il doit
être « plus direct et malheureusement leur donner moins de marge de
manoeuvre car ils n'ont pas une implication à long terme ». Le
deuxième point qu'on peut noter est cette méfiance de
l'autorité et le besoin d'un bon relationnel pour s'impliquer. Cela
provient peut être du fait que comme le souligne les participants de
l'entretien semi-directif, les managers ont plus de 30 ans et portent bien trop
d'intérêt à la hiérarchie et à l'organisation
quitte à perdre en humanisme.