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Les mandats des opérations de maintien de la paix de l'ONU en République Démocratique du Congo face aux réalités locales: utopisme ou réalisme?

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par Claude BOYOO ITAKA
Université de Kinshasa - Licence 2012
  

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CHAPITRE III. LA NECESSITE DES NOUVELLES ORIENTATIONS ADAPTEES AUX REALITES GEOPOLITIQUES ET SECURITAIRES DU CONGO

Depuis qu'elle a été déployée en RDC, la MONUSCO en partenariat avec les FARDC ont mené plusieurs opérations militaires qui ont permis de neutraliser certains groupes armés dans certains territoires de la partie orientale du Congo. Toutefois, ce succès initial est de courte durée : d'une part, loin d'être défaits, les groupes armés se sont simplement délocalisés : ils s'enfoncent un peu plus dans la profondeur du territoire congolais à chaque opération militaire ; d'autre part, les FARDC s'avèrent incapables de rendre leur « victoire » durable, c'est-à-dire de conserver le terrain gagné97(*).

Cette nouvelle crise au Kivu révèle l'enlisement du plan de résolution de ce conflit et met en lumière les paramètres du problème de cette région : la mauvaise gouvernance de Kinshasa, l'ingérence du voisin rwandais et l'inefficacité des outils internationaux de réponse à la crise (MONUSCO et CIRGL). D'où la nécessité des nouvelles approches de sortie de crise et de pérennisation de la paix dans la région des Grands Lacs.

Le chapitre précédent a présenté une brève recension des crises que la RDC a connues depuis 1998 ainsi que des politiques qui ont été mises en place pour les résorber. Quel état des lieux peut-on en dégager afin de mieux appréhender les opportunités de pacification? Quelles pistes de solution pouvons-nous recommander pour en assurer des meilleures chances de succès?

Avec des orientations réalistes, pragmatiques et optimistes, ce chapitre propose un certain nombre de recommandations pour la réussite de cette opération et la pérennisation de la paix en RDC. Avant tout, il présente d'abord les particularités des conflits armés en RDC leur qualification juridique ainsi que les principaux mécanismes de leur résolution.

La meilleure façon de résoudre ces conflits étant l'attaque à ses causes profondes, la maitrise des principales causes et enjeux parait à cet effet incontournable. Pour déterminer les causes immédiates et lointaines de l'instabilité de la RDC, il faut procéder à un examen critique de l'origine et de la nature des rébellions et des autres organisations putschistes dans la région, de leurs liens, de leurs principaux sponsors, de leurs buts, de leurs stratégies, des régimes qu'elles ont combattus et de ceux qu'elles ont instaurés. Ainsi donc, l'instabilité actuelle de la région des Grands-Lacs en général et de la RDC en particulier résulte d'une combinaison de plusieurs facteurs dont les principaux sont décrits ci-après :

- L'exploitation et le commerce illicites des ressources naturelles ainsi que la prolifération et le trafic des armes,

- La mauvaise gouvernance politique : Autoritarisme, ethnicisme et violation de droits humains ;

- Les velléités expansionnistes de certains pays voisins de la RDC,

- La discrimination et la marginalisation de certains groupes de la population,

- Le problème de nationalité des Banyarwanda,

- L'impunité des rebelles criminels,

- La recherche du leadership régional, etc.

Ceci étant, la meilleure solution consistera à la prise en compte de tous ces facteurs. Pour cette raison, la MONUSCO doit d'abord s'attaquer aux principales causes à fin de parvenir à la stabilisation de la région. Pour y parvenir, nous proposons une reconfiguration générale du mandat de la MONUSCO comme alternative.

Section 1. La reconfiguration générale du mandat de la MONUSCO comme condition de restauration de la paix en RDC

§1. Exposé des faits

Il est scientifiquement démontrable, en effet, que dans le processus de prise de décision dans les affaires internationales, les règles juridiques sont sans cesse définies et redéfinies afin que la politique poursuivie soit adaptée à des faits et des contextes nouveaux car ce qui est essentiel dans la recherche de la légalité d'un acte, c'est le degré de conformité de cet acte avec l'espoir qu'une communauté donnée place en lui.

Au chapitre précédent, nous avons fait une analyse critique du mandat de la MONUSCO qui nous a permis de relever quelques avancées et faiblesses de Mission onusienne en RDC. Mais, il semble qu'avec l'intensification des hostilités dues à la création du Mouvement du 23 Mars et la prolifération des groupes armés dans la partie orientale du Congo, le mandat de la MONUSCO ne le permet pas à bien gérer cette situation. Devant cette impasse, il s'avère nécessaire qu'il soit redéfini dans le simple but de lui permettre non seulement de stopper ces crimes et ensuite de stabiliser cette région qui a tant souffert des conflits armés pendant des décennies.

Parmi les faits qui nécessitent la redéfinition du mandat de la MONUSCO nous pouvons citer entre autre : la recrudescence et l'intensification des conflits armés dans la région de Kivu, la dégradation des conditions humanitaires de la part des populations, l'agression dont la RDC est victime, la menace contre la paix et la sécurité internationales, la nécessité d'un mécanisme régional de résolution des conflits, etc.

1. Des actes d'agression de la RDC et de menace contre la paix dans la région de Grands Lacs

Dans l'ordre international contemporain, l'agression apparaît comme le crime le plus grave qui puisse être commis dans les relations entre Etats. C'est peut-être même le plus grave des crimes internationaux : non seulement il porte atteinte à l'existence-même de l'Etat victime et, ce faisant, aux principes essentiels du droit international, mais encore il est généralement à l'origine des autres crimes considérés comme les plus graves par la communauté internationale, en particulier le crime de guerre et le crime contre l'humanité. En ce sens, l'agression peut être considérée comme la mère de la plupart des crimes internationaux résultant de la violence de l'Etat98(*).

Depuis la fin des années 1940, l'Assemblée Générale des Nations Unies a déclaré à plusieurs reprises qu'il était possible et souhaitable, en vue d'assurer la paix et la sécurité internationales de définir l'agression. Après des travaux de longue haleine, une définition de l'agression sera finalement adoptée par l'Assemblée Générale le 14 décembre 1974. D'après celle-ci, il y a agression lorsqu'un Etat use de la force militaire contre la souveraineté, l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un autre Etat ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations unies99(*). Ainsi, est également une agression une invasion, mais aussi un blocus ou un bombardement. L'arrêt Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua de la Cour internationale de justice (27 juin 1986) y ajoute « l'envoi par un État ou en son nom de bandes et de groupes armés (...) contre un autre État d'une gravité telle qu'il équivaut à une véritable agression accomplie par des forces régulières. »

Arrêtons-nous un moment sur ce point pour montrer aux acteurs étatiques de la vie internationale de la sous-région qu'ils connaissent bien le contenu de cette règle et que, par conséquent, ils ne pêchent pas par manque de connaissance, mais par volonté délibérée100(*). En effet, étant tous membres des Nations Unies, les Etats de la sous-région des grands lacs sont censés savoir que l'obligation du règlement pacifique est inscrite à l'article 2, paragraphes 3 et 33 de la Charte des Nations Unies et qu'elle est réaffirmée «avec plus de force», comme le dit Nguyen Quoc Dinh101(*), par la «Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats» votée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 24 octobre 1970. Le passage pertinent de ce texte déclare: «Tous les Etats doivent régler leurs différends internationaux avec d'autres Etats par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient mises en danger». En plus, la guerre est prohibée, et d'une manière générale l'emploi de la force dans les relations internationales. Les deux prescriptions - l'interdiction du recours à la force et l'obligation du règlement pacifique - sont du jus cogens102(*). L'ensemble de ce droit n'est pas ignoré des Etats de l'Afrique des grands lacs, mais ils l'ont violé consciemment103(*).

Dans le cas sous examen, l'agression de RDC par ses voisins ne date pas d'aujourd'hui. Elle commence depuis 1998 où le Rwanda et l'Ouganda ont officiellement soutenu la rébellion de l'AFDL pour renverser le régime de MOBUTU. De même, lors de la deuxième guerre du Congo, les deux Etats n'ont pas hésité pour armer et soutenir plusieurs groupes armés congolais et/ ou étrangers dans le simple but de renverser L.D. KABILA et bien contrôler les territoires de la partie orientale du Congo. Même si le Conseil de sécurité n'a pas voulu reconnaitre, il ya lieu de confirmer sans peur d'être contredit que ce sont des actes d'agression en vertu des principes du droit international.

Alors que la Résolution 1807 du Conseil de Sécurité des Nations Unies recommande à tous les États de prendre les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture, la vente ou le transfert directs ou indirects, depuis leur territoire ou par leurs nationaux, ou au moyen d'aéronefs immatriculés sur leur territoire ou de navires battant leur pavillon, d'armes et de tout matériel connexe, ainsi que la fourniture de toute assistance et de tout service de conseil ou de formation se rapportant à des activités militaires, y compris tout financement et toute aide financière, à toutes les personnes et entités non gouvernementales menant des activités sur le territoire de la République démocratique du Congo. » ; Le Rwanda et l'Ouganda continuent à violer non seulement cette résolution mais également les grands principes du droit international notamment le pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la Région des Grands Lacs qui consacre dans son préambule « la nécessité de respecter la démocratie et la bonne gouvernance ainsi que les principes fondamentaux consacrés par la charte des Nations Unies et par l'acte de l'Union africaine, notamment l'intégrité territoriale, la souveraineté nationale, la non-ingérence et la non-agression, l'interdiction pour tout Etat membre de permettre l'utilisation de son territoire comme base pour l'agression ou la subversion contre un autre Etat membre104(*) ». De même, le protocole sur la non-agression et la défense mutuelle dans la Région des Grands Lacs invite les Etats membres à s'abstenir d'envoyer ou de soutenir des oppositions armées ou des groupes armés ou rebelles sur le territoire d'un autre Etat membre ou de tolérer sur le territoire des groupes armés ou rebelles engagés dans des conflits armés ou impliqués dans des conflits armés ou impliqués dans des actes de violence ou de subversion contre le gouvernement d'un autre Etat105(*).

Dans le cas de la rébellion du M23 le doute n'est plus permis. L'implication rwandaise et ougandaise pour la déstabilisation de la RDC était encore, il y a encore quelques années, un secret de polichinelle. Même si le Conseil de sécurité n'a pas reconnu ou ne veut pas le reconnaitre, aujourd'hui les preuves sont couchées noir sur blanc et signées des experts des Nations unies. Plusieurs rapports des experts de l'ONU révèlent le soutien matériel, financier et humain du Rwanda et Ouganda aux rebelles du M23 qui affrontent l'armée régulière congolaise (FARDC) au Nord-Kivu depuis mai 2012.

Depuis le début de son mandat en 2011, le Groupe d'experts des Nations Unies a trouvé des preuves substantielles attestant l'appui par des responsables rwandais à des groupes armés opérant à l'Est de la RDC106(*). Le Groupe a recueilli également des preuves sur des violations de l'embargo sur les armes et du régime des sanctions, commises par le Gouvernement rwandais. Les violations de l'embargo sur les armes et du régime des sanctions comprennent:

- L'assistance directe à la création du M23 en facilitant le transport des armes et des troupes à travers le territoire rwandais ;

- Le recrutement de jeunes rwandais et d'anciens combattants démobilisés, ainsi que des réfugiés congolais pour le M23;

- La fourniture d'armes et de munitions au M23;

- La mobilisation et lobbying auprès des leaders politiques et financiers congolais en faveur du M23;

- Les interventions directes des Forces rwandaises de défense (FRD) sur le territoire congolais afin de renforcer le M23 ;

- L'appui à plusieurs autres groupes armés, ainsi qu'à des mutineries des FARDC à l'Est du Congo;

- Le soutien à des personnes sanctionnées, soumises au gel des avoirs et à l'interdiction de voyager.

Depuis que le M23 s'est établi dans des positions stratégiques le long de la frontière rwandaise en mai 2012, le Groupe a recueilli des preuves accablantes démontrant le soutien des hauts officiers des FDR, en leur qualité officielle, aux rebelles en leur fournissant des armes, de l'équipement militaire et de nouvelles recrues. En plus, le Conseil de Sécurité est conscient de la gravité des faits en RDC lorsqu'il Considère dans sa Résolution 2053 que la situation en République démocratique du Congo continue de menacer la paix et la sécurité internationales dans la région.

Cependant, un paradoxe surgit dans cette affaire. Lorsque plusieurs sources de dignes foi continuent à publier des telles révélations, notre regret réside dans le fait de l'hésitation si pas du refus de la part de la communauté internationale de prendre des mesures appropriées pour sanctionner et réprimer des tels actes portant atteintes à la paix et à la sécurité internationales. L'indifférence de la communauté internationale à l'égard de la crise congolaise fait ainsi asseoir dans le chef de l'opinion congolaise l'inquiétude de voir en ces opérations de maintien de la paix non pas un ange gardien de la paix, mais une couverture de distribution de la mort aux Congolais par les Rwandais107(*). Déployer 17.000 hommes et fixer un mandat qui ne permet pas d'intervenir, c'est absurde, disait Laurent Fabius, Ministre des Affaires Etrangères de la France.

Depuis que la crise a commencé au Nord-Kivu, on entend des discours du genre "nous sommes préoccupés, nous suivons attentivement ce qui se passe à l'Est de la RDC, nous demandons que tout appui extérieur au M23 cesse, nous mettons en garde contre toute attaque aux forces de Nations Unies, nous allons traduire en justice tel ou tel autre...108(*)". La communauté internationale se contente seulement à des simples discours de condamnation du soutien extérieur du M23, des soit disant suspensions des aides aux pays agresseurs, l'interdiction de voyage aux responsables du M23, etc. Juridiquement, de par leurs formulations, les différents termes utilisés dans les résolutions et les déclarations de la communauté internationale face aux conflits armés en RDC témoignent le caractère déclaratoire et non obligatoire des textes.

La communauté internationale applique des mesures qui ne peuvent jamais aboutir à la résolution des conflits et à la stabilisation de la région alors que tous les éléments sont réunis pour que la force soit utilisée comme moyen de pression contre les agresseurs et leurs complices. La négligence de cette situation par la communauté internationale à cause de ses divisions quant à la qualification des faits la plonge malheureusement dans une incapacité de trouver des bonnes mesures et des sanctions dissuasives à tous les fauteurs de troubles.

Bref, la communauté internationale peut et sait comment arrêter l'hémorragie à l'instant, par une simple résolution du Conseil de sécurité, il suffit que l'ordre soit donné aux 17. 000 soldats de la mission onusienne de remplir leur mission de garantir la paix et la dignité des Congolais, en utilisant la force. Il faudrait en outre analyser et comprendre les vraies raisons des différentes incursions de ces pays voisins en RDC afin de trouver des mesures efficaces et réalistes de résolution de conflits armés au niveau régional.

* 97 Rapport de Crisis Group, L'Est du Congo : pourquoi la stabilisation a échoué, Briefing Afrique N°91, 4 octobre 2012, P.6.

* 98 Maurice Kamto, l'agression en droit international, Editions A.Pedone, Paris, 2008, p.12.

* 99 Lire à ce propos l'article 1er de la Résolution 3314 de l'Assemblée Générale de l'ONU.

* 100 NTIRUMENYERWA M. KIMONYO, G., « La crise dans la sous - région des Grands Lacs : quand les protagonistes tournent le dos au droit», in L'Afrique des Grands Lacs, Annuaire 2003 - 2004, l'Harmattan, paris, 2004, p. 12.

* 101 NGUYEN, Q.-D., P. DAILLIER et A. PELLET, Droit international public, 7eédition, Paris, LGDJ, 2002, p.822.

* 102 SALMON, J., (s/d), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p .631.

* 103 NTIRUMENYERWA M. KIMONYO Gervais, Op.cit, p.12.

* 104 Préambule du Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la Région des Grands Lacs adopté à Nairobi le 15 décembre 2006.

* 105 Article 5 du Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la Région des Grands Lacs

* 106 Addendum au rapport intérimaire du Groupe d'Experts sur la RDC (S/2012/348) concernant: Violations par le Gouvernement rwandais de l'embargo sur les armes et du régime de sanctions

* 107 OSSEMBE LUKADI KALEMA J., ''Rôle du Commissariat Général du Gouvernement chargé des affaires de la Mission de l'Organisation des Nations Unies en République Démocratique du Congo (MONUC) face à l'Accord de siège (SOFA) signé entre la République Démocratique du Congo et l'Organisation des Nations Unies'', in Cahiers Africains des Droits de l'Homme et de la Démocratie, n° 030, Vol. I, Octobre-Décembre 2010, p. 390.

* 108 EXTRAIT DU MESSAGE DE JULIEN PALUKU KAHONGYA, GOUVERNEUR DE LA PROVINCE DU NORD-KIVU, A L'OCCASION DE LA FIN DE L'ANNEE 2012 ET DU NOUVEL AN 2013.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand