Les mandats des opérations de maintien de la paix de l'ONU en République Démocratique du Congo face aux réalités locales: utopisme ou réalisme?( Télécharger le fichier original )par Claude BOYOO ITAKA Université de Kinshasa - Licence 2012 |
§2. Incapacité technique et diplomatique de la MONUSCOParmi les faits qui limitent la flexibilité de cette force onusienne en RDC, il faudrait reconnaitre entre autre les incapacités techniques et diplomatiques aux quelles elle est frappée. 1. De l'incapacité diplomatico-juridique de la MONUSCOIl est nécessaire de souligner que le recours aux moyens de l'ONU est toujours soumis à une contrainte, qui est en même temps une force : le consensus entre les membres du Conseil de sécurité et, en particulier, ses cinq membres permanents93(*). Les Etats se déterminent en fonction de leurs conceptions, de leurs objectifs et de leurs priorités ; mais, s'ils n'apportent pas une réponse commune à une crise, les Nations unies seront dans l'incapacité d'agir. Deux écueils peuvent surgir : d'une part, le temps passé à la recherche d'un compromis incertain implique le risque de réagir trop tard pour empêcher une tragédie ; d'autre part, la conclusion d'un arrangement de façade peut ne pas donner à l'ONU les moyens de remplir son mandat ou lui fixer des objectifs irréalistes94(*). C'est le vrai problème de la MONUSCO qui, dès sa création voir même son évolution, fait toujours l'objet de controverse entre les grandes puissances ou les pays contributeurs des troupes. Elle a au départ fait l'objet de controverses entre les membres permanents du Conseil de Sécurité en concurrence les uns avec les autres tant pour la définition du problème que pour l'élaboration des solutions à apporter. Il ya dans ce débat antagonique deux groupes : d'une part ceux qui sont pour un mandat offensif, réaliste et adapté au contexte sécuritaire du terrain et d'autre part ceux, pour leurs intérêts respectifs, préfèrent doter cette force d'un mandat symbolique, irréaliste et donc inefficace sur le terrain. La recherche de compromis entre les antagonistes plonge malheureusement cette force dans une inertie et ne lui permet pas de s'adapter facilement aux réalités du terrain. Face à ce retard de l'ONU, D. Moïsi estime que : « parce que les Nations Unies, en vertu de leur mandat, ne peuvent être que réactives, elles interviennent toujours trop tard. Chaque fois qu'une intervention se révèle nécessaire, la composition de la brigade de « pompiers » doit être renégociée. La lenteur avec laquelle la coalition ad hoc est constituée contraste tragiquement avec l'urgence qui serait nécessaire à la réussite de l'intervention »95(*). 2. De l'incapacité technique de la MONUSCOLa principale caractéristique des opérations en Afrique est d'avoir été établies dans des « Etats faillis » ou affaiblis par de longs conflits, des Etats dans lesquels la police, la justice, la sécurité ne sont plus que l'ombre d'elles-mêmes. Les cessez-le-feu qui ont pu y être conclus avec des groupes armés n'ont pas la même autorité que des accords signés avec des Etats souverains. Ils sont en eux-mêmes plus fragiles parce que des bandes de brigands ne s'exposent pas aux mêmes conséquences qu'un Etat si elles n'honorent pas leur signature. Ces groupes peuvent aussi se fragmenter sous l'effet de dissidences multiples, fluctuer au gré d'intérêts contradictoires et changeants. Au coeur de ces territoires morcelés où peut se rallumer à tout moment la guerre de tous contre tous, le rôle des « acteurs du maintien de la paix », ONU ou autres, est de stabiliser la situation, de bâtir l'Etat de droit, de protéger la paix. Ce sont des tâches immenses, d'où leur appellation d'« opérations complexes ». Le succès des telles opérations repose principalement sur la mobilisation de troupes bien formées et dotées de l'équipement et de l'appui logistique qui leur permettront d'assurer les tâches complexes et souvent dangereuses qui caractérisent le maintien de la paix. Mais ces moyens, d'où proviennent-ils, actuellement, sur le plan militaire? Pour l'essentiel, des pays du Sud. Comme nous avons eu à démontrer précédemment que la grande partie des troupes de maintien de la paix de l'ONU proviennent des pays en voie de développement. Néanmoins, ces soldats sont souvent insuffisamment qualifiés et un équipement adéquat doit être financé par des Etats tiers. Et il est encore plus difficile de trouver du personnel militaire spécialisé pour des tâches complexes, comme par exemple dans le domaine de la reconnaissance ou de la logistique96(*). Face à toutes ces difficultés, il ya nécessité d'une nouvelle doctrine et des nouvelles orientations spécifiques adaptées à la situation géopolitique et socio-économique du Congo. Le chapitre suivant décrit la situation réelle et juridique des conflits armés en RDC et présente quelques orientations pouvant amener la Mission à maximiser les chances de réussite et la stabilisation du pays. * 93 Guéhenno, Art.cit, p. 691. * 94 Guéhenno, Art.cit, p. 689. * 95 MOISI Dominique, «Les Nations Unies entre paix incertaine et justice sélective », dans Ramses 2002, p. 62. * 96 Center for
Security Studies (CSS), « Le maintien de la paix A l'ONU: des
missions en évolution »,in Politique de
sécurité: analyses du CSS N° 7 |
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