Les mandats des opérations de maintien de la paix de l'ONU en République Démocratique du Congo face aux réalités locales: utopisme ou réalisme?( Télécharger le fichier original )par Claude BOYOO ITAKA Université de Kinshasa - Licence 2012 |
1.2. Description sommaire du mandat de la MONUCElle a connu plusieurs missions qui découlent de l'économie générale des résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité, lesquelles déterminent leur nature. Elles ont ainsi changé à chaque étape du conflit. Il nous a été évidemment difficile de détailler ici toutes les résolutions du Conseil de Sécurité depuis la création de la MONUC jusqu'en 2010. Le contenu et la synthèse de toutes ces résolutions étant repris en annexe au tableau sur l'évolution du mandat de la MONUC, nous nous attarderons ici à l'analyse de trois principales phases des mandats de la MONUC. La MONUC fut placée, dès sa création, sous le chapitre VI de la Charte, ce qui suppose le non - usage de la force. C'est pourquoi on l'a qualifiée de Mission d'observation des Nations unies qui, correspondant à une « OMP de première génération»46(*), avec comme tâche principale de surveiller le respect du cessez - le - feu convenue dans l'Accord de Lusaka. Aux premières heures de sa création, la MONUC, dirigée par le Représentant Spécial du Secrétaire Général, agissant en coopération avec la commission militaire, avait pour mandat initial de (d')47(*) : - Etablir des contacts avec les signataires de l'Accord de cessez-le-feu, au niveau des quartiers généraux et dans les capitales des Etats signataires ; - Etablir une liaison avec la commission militaire mixte/ OUA et lui fournir une assistance technique dans l'exercice de ses fonctions découlant de l'accord de cessez-le-feu, y compris les enquêtes sur les violations du cessez-le-feu ; - Fournir des informations sur les conditions de sécurité dans tous les secteurs d'opérations, notamment sur les conditions locales affectant les décisions futures concernant l'introduction du personnel des Nations Unies ; - Elaborer des plans en vue de l'observation du cessez-le-feu et du dégagement des forces ; - Maintenir la liaison avec toutes les parties à l'accord de cessez-le-feu afin de faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire aux personnes déplacées, aux réfugiés, aux enfants et autres personnes touchées et d'aider la défense des droits de l'homme y compris ceux de l'enfant. Bien que le calendrier d'action voté par les signataires de Lusaka n'ait pas été scrupuleusement respecté, la MONUC a accompli de ce premier mandat, l'essentiel de sa mission. Au fur et à mesure que la situation évoluait, le Conseil de sécurité envisagea l'étude des mesures permettant d'élargir ce mandat et autoriser le passage à la phase suivante. C'est la phase du lancement proprement dit de la Mission Onusienne avec la résolution 1291 du 24 février 2000, l'envoi de 5.537 militaires, plus le personnel d'appui nécessaire. Au paragraphe 7 de cette résolution, l'on peut relever de nouveaux éléments quant audit mandat : - De surveiller l'application du cessez-le-feu et d'enquêter sur les violations du cessez-le-feu ; - D'établir et de maintenir en permanence une liaison sur le terrain avec les quartiers généraux des forces militaires de toutes les parties ; - De superviser et de vérifier le désengagement et le redéploiement des forces des parties ; - Dans les limites de ses capacités et de ses zones de déploiement, de surveiller l'application des dispositions de l'Accord de cessez-le-feu concernant l'acheminement de minutions, d'armes et d'autres matériels de guerre à destination du théâtre des opérations (...) ; - De faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire et de veiller au respect des droits de l'homme (...) ; - De coopérer étroitement avec le Facilitateur du dialogue national, de lui apporter appui et assistance technique et de coordonner les autres activités menées par les organismes des Nations Unies à cet effet ; - De déployer des experts de l'action anti-mines pour mesurer l'ampleur du problème posé par les mines et les engins non explosifs, de coordonner l'action anti-mines ». Malheureusement, sur le terrain les belligérants n'ont pas désarmé malgré la présence des casques bleus. Au contraire, ils ont intensifié les combats et violé systématiquement les accords sur près que tous les points. Il a fallu pratiquement deux ans, de novembre 1999 à juin 2001 pour obtenir un cessez-le-feu effectif alors qu'en termes de l'Accord de Lusaka, le cessez-le-feu devrait entrer en vigueur au plus tard le 2 septembre 1999. C'est la première défaillance de la MONUC qui n'a pas su s'imposer pour faire respecter le cessez-le-feu. Cette situation s'explique en grande partie par l'utopisme de ce mandat qui, après la signature des accords de Lusaka en 1999, a demandé aux Nations unies de déployer quelques centaines d'observateurs militaires dans un pays aussi vaste que l'Europe occidentale pour contrôler le respect d'un cessez-le-feu précaire et le désengagement des forces en présence sur une ligne de 2 000 kilomètres48(*). Plus tard la MONUC fut élevée au rang d'une « OMP de deuxième génération»49(*). Non seulement que son mandat a été élargi à des tâches de nature interne visant la consolidation de la paix, mais encore le Conseil de sécurité a décidé, comme pour renforcer les moyens d'action de la Mission, de le placer sous le chapitre VII de la Charte. La décision du Conseil se justifiait par la dégradation de la situation sécuritaire dans l'Ituri et les menaces persistantes et les tensions dans ce domaine dans le Nord - Kivu et le Sud - Kivu, ainsi que par les graves violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire qui les accompagnent. Ainsi a - t - il autorisé la MONUC, dans sa résolution 1493 du 28 juillet 2003 et surtout dans sa résolution 1565 du 1èr octobre 2004, d'utiliser tous les moyens nécessaires, y compris donc la force, dans la limite de ses capacités et dans les zones de déploiement de ses unités, pour s'acquitter de ses missions. L'insécurité n'a pas pour autant été résorbée et la MONUC s'est trouvée plusieurs fois dans une crise de confiance avec la population locale. La troisième phase dudit mandat a porté sur le désengagement des forces dont la question du passage avait été préludée par les résolutions 1291 §11 ; 1392 § 6 où le Conseil « Prie le Secrétaire général de lui présenter (...) des plans de désengagement ainsi que des éléments d'actualisation du concept d'opérations » ; et 1341, §20 où le Conseil souligne « qu'il est prêt à envisager de réexaminer une nouvelle fois le concept d'opération pour la MONUC, le moment venu et en fonction de l'évolution de la situation, afin de surveiller et de vérifier le retrait des troupes étrangères (...) ». En bref, les grands axes de l'action de la MONUC ont été centrés entre autres, depuis sa création, sur l'observation du cessez - le - feu, la vérification du retrait des troupes étrangères, le programme de désarmement, démobilisation, rapatriement, réinstallation et réinsertion (DDRRR) des membres des groupes armés étrangers, l'appui à la réforme du secteur de la sécurité notamment l'unification de l'armée, la formation de la police, la normalisation des relations entre la RDC et les Etats voisins et la préparation des élections. La Mission a également joué un rôle dans la mise en oeuvre de l'Accord global et inclusif sur la transition en RDC, notamment, en apportant son soutien logistique à la transition et en assurant la sécurité des acteurs politiques à travers le déploiement de sa force neutre à Kinshasa50(*). La mission d'assurer la sécurité du territoire de la RDC a impliqué pour la MONUC, l'obligation d'observer et rendre compte, dans les plus brefs délais, de la position des mouvements et groupes armés et de la présence militaire étrangère dans les principales zones d'insécurité ; surveiller le respect de l'embargo sur les armes ; saisir ou recueillir les armes et tout matériel connexe qui entreraient dans le territoire congolais en violation des dispositions pertinentes relatives à l'embargo sur les armes ; aider les autorités douanières congolaises à empêcher les mouvements transfrontaliers d'armes ; aider le Gouvernement à améliorer sa capacité de déminage. Ces tâches ont certes tenu à la vie, mais aussi à la survie de la République démocratique du Congo. * 46 MONUC Magazine n°23, mai - juin 2005, PP. 19 - 20. * 47 Article 5 de la Résolution 1279 du conseil de Sécurité de l'ONU adopté le 30 Novembre 1999 * 48 Guéhenno. J.M., « Maintien de la paix : les nouveaux défis pour l'ONU et le Conseil de sécurité. » In: Politique étrangère N°3-4 - 2003 - 68e année p. 691. * 49 REYNTJENS, F., «La deuxième guerre du Congo : plus qu'une réédition», in L'Afrique des grands lacs, Annuaire 1998 - 1999, L'Harmattan, Paris, P. 275. * 50 BALINGENE KAHOMBO, Op.cit, p.35. |
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