Les enfants sont en situation de risque sanitaire par effet
d'être dans les sites miniers artisanaux. Seydou (2001, 22), note que les
risques sanitaires sont grandes pour les enfants qui sont affectés
pendant plusieurs heures par jour au creusage, lavage, triage, concassage,
tamisage et au transport des minerais. Le risque ne s'arrête pas
uniquement à cette catégorie. Même ceux qui vendent des
denrées alimentaires sont concernés par le risque, y compris les
bébés. De par la présence de leurs mères sur les
sites, les bébés sont exposés dès leur plus jeune
âge à la poussière et à la chaleur des rayons
solaires.
Ceux qui exploitent les minerais du cuivre et du cobalt, le
font sans aucune protection.
Ils sont pieds nus et mains non protégées. Les
autres qui lavent, concassent, trient, tamisent les minerais le font
également sans aucun équipement approprié. Or ces minerais
sont parfois accompagnés des matières chimiques, et qui
nécessitent une protection pour leur manipulation. De telles conditions
de travail, affectent la santé et la sécurité des enfants.
Ces conditions provoquent des maladies telles que :
· Les infections pulmonaires et la silicose dues aux fines
poussières ;
· Les infections oculaires ;
· Les infections dermatologiques diverses ;
· Les risques de surdité pour ceux qui concassent
les minerais ;
· Les maladies hydriques ;
· L'hémorragie nasale ;
· La malaria ;
· La verminose ;
16
www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRC/.../A_HRC_24_43_Add.2_FRE.doc
99
· La fièvre ;
· L'anémie ;
· La lombalgie ;
· La fatigue ;
· Les céphalées ;
· La grippe ;
· Les coliques.
La précarité de la situation alimentaire des
enfants constitue un autre facteur de risque sur les sites miniers. Les enfants
mangent sans tout fois se laver les mains. A ce propos, le rapport de l'Unicef
(2006, 24) sur le travail des enfants dans les mines et carrières du
Kasaï oriental, soutient que l'utilisation du savon assez
systématique quand il s'agit de se laver, n'est pas à l'honneur
au moment du repas. Par ignorance autant que faute de moyens, les enfants
travaillant dans les carrières ne font guère usage du savon avant
la prise d'aliments, ce qui les expose aux maladies dites des mains sales.
Gaël et son frère Monga explique la situation des maladies dans les
sites miniers artisanaux en ces termes :
« Nous souffrons des maladies telles que la toux, le
rhume, la tuberculose qui sont causées par la poussière que nous
inhalons ».
Par rapport aux maladies, Kahenga et ses 5 autres amis
expliquent que l'eau dans laquelle on lave les minerais n'est pas propre. Elle
est pleine d'acide. Les propos de Kahenga et ses 5 amis se traduisent en ces
termes :
« Oui parfois, nous tombons malade. D'abord l'eau dans
laquelle nous lavons les minerais est très sale. Cela cause des
maladies. Si vous n'êtes pas habitué à cette eau, vous
risquez de tomber malade. Car, il y a de l'acide dans cette eau. Après
avoir terminé à laver les minerais, le soir nous avons des
chatouillements dans tout le corps à cause de la mauvaise qualité
de l'eau. Et même la peau de nos paumes de mains est détruite
à cause de l'acide qui se trouve dans les minerais ».
100
Tous les lieux de lavage des minerais visités, sont
constitués des eaux stagnantes. Les minerais sont ainsi lavés
dans ces mêmes eaux toutes les années. L'opération de
lavage des minerais consiste à enlever la terre et les gangues qui
accompagnent les minerais. Or, les gangues sont des compositions chimiques qui
accompagnent les minerais. Kayeye17 relate comme suit la situation
de la pollution des eaux dans la ville de Kolwezi :
« Les rivières de la ville de Kolwezi sont toutes
polluées. Il y a quelques années, on avait prélevé
l'eau de la rivière Kalongo pour tester sa qualité. Le
résultat était que l'eau de cette rivière était
totalement polluée. Surtout, ce sont
les gangues qui accompagnent les minerais qui
dénaturent la bonne qualité d'eau. Les gangues sont des
compositions chimiques ».
Willy Kitobo (2009, 25-47) fait remarquer que dans une
étude menée au mois de juin 2005 sur un échantillon
d'environ 40 enfants de moins de 3 ans de la population voisine des digues
à rejets de Kipushi, a montré que 50 % d'entre eux
présentaient des teneurs en plomb dans le sang dépassant la
limite admise. Du fait que la teneur en plomb dans les tailings est plus grande
que celle en cadmium, le risque du saturnisme (intoxication aigüe au
plomb) chez les enfants est plus grand. Certes, les risques sanitaires sont
grands pour les enfants qui fréquentent les sites d'exploitation
minière.
Les enfants qui manipulent les minerais peuvent facilement
être irradiés, parce que dans certains sites, il y a des minerais
radioactifs. A ce propos, les témoignages de Kayeye et Djibu corroborent
: Il y a certains sites qui sont radioactive à Kolwezi,
malheureusement, on y trouve beaucoup d'enfants. Lors des entretiens avec
les enfants, nous avons constaté qu'ils étaient informés
de la radioactivité. Cela ressort dans la déclaration de
Gaël :
« Il y a présence de l'uranium dans certains
minerais. L'uranium est très dangereux, car il détruit le corps
humain, en brulant les entrailles et conduit à la mort. A cause de
l'uranium, les femmes enceintes mettent au monde des enfants
déformés. Mais les minerais que nous extrayons dans cette
carrière n'a pas de l'uranium. Car un test de radioactivité a
déjà été fait, le résultat avait
indiqué qu'il n'y avait pas d'uranium dans les minerais extraits de
cette carrière ».
17 Kayeye est le chargé des techniques et
opérations au bureau SAESSCAM/Kolwezi. Il est Géologue de
l'Université de Lubumbashi.
101
Malgré la sensibilisation, aucune mesure n'est prise
afin de les empêcher à accéder dans les sites. A part les
maladies, il y a également les accidents qui menacent la santé
des enfants. Le travail de concassage et de grattage expose les enfants
à des risques des blessures. Kahola (2008, 122) précise que les
accidents sont fréquents dans l'univers des exploitants artisanaux.
Parmi les garçons qui ont affirmé avoir été
victimes d'accidents dans la carrière, ils font mention aux blessures,
à l'éboulement et à la tombée dans les puits
d'extraction des minerais. Les éboulements, les blessures, les fractures
sont fréquentes dans les carrières. Dans ces conditions, les
carrières deviennent dangereuses pour les exploitants artisanaux et plus
particulièrement les enfants. Face à cette situation, Patient
s'exprime :
« Le mal de ce boulot, ce sont les maladies, les
éboulements et les accidents ».
Ce témoignage montre que les enfants savent tous les
risques qui peuvent leur surgir. Ils en sont conscient, raison pour laquelle
certains prennent de dispositions pour les échapper.
Enfin, un autre risque sanitaire auquel font face les
enfants, c'est la consommation d'alcool, de la drogue et de la cigarette.
Quelques enfants s'adonnent à ce comportement. La déclaration de
Gaël est éloquente par rapport à la consommation de la
bière, de l'alcool et de la cigarette :
« Une chose est que l'argent est un mauvais conducteur,
car il détruit les enfants. Certains vont au cinéma en lieu et
place de l'école. D'autres fument les cigarettes et boivent des boissons
alcooliques. Tout cela, parce qu'ils gagnent facilement de l'argent ».
La consommation des boissons alcooliques et de la cigarette
par les enfants a été également relevée par Kahenga
et Patrice en ces termes :
« Certains de nos amis se comportent mal dès qu'ils
ont de l'argent. Soit ils
fument et boivent de boissons alcooliques. Soit encore ils vont
aux cinémas ».
102
Face à cette situation, Kahola (2008, 143-145)
souligne que la consommation des cigarettes, des boissons alcooliques et de la
drogue est liée à la vie des exploitants miniers. Les uns fument
ou se droguent afin de se revigorer dans le travail lorsqu'ils se sentent
épuiser. Les autres, après une longue journée de travail
ne se privent pas de boire pour oublier les rudes conditions de travail dans
les carrières. Ils trouvent que les carrières leur prennent
beaucoup de temps. Quand ils ont gagné assez d'argent, ils vont se
distraire avec les amis, question de briser la monotonie de leur vie. Certains
enfants qui exercent les activités
rémunératrices dans les sites miniers
grandissent avant l'âge, en acquérant des
comportements qui ne
correspondent pas à leur âge, tels fumer du chanvre, boire des
boissons alcooliques à forte dose, etc.
B. Le Risque par rapport à la
scolarité
Certains enfants fuient l'école et vont dans les
carrières pour s'adonner aux différentes activités soit
rémunératrices, soit ludiques. A ce propos, Kahola (2008, 77)
soutient que les études primaires ne sont pas gratuites pour autant. Cet
enseignement de base n'est malheureusement pas donné à tous les
enfants. Les uns sont obligés de travailler dans les carrières
pour supporter les frais scolaires, les autres, parce qu'ils n'y trouvent pas
de l'intérêt. A ce sujet, Kahenga et Patrice déclarent :
« Nous étudions tous. Moi, je suis en
deuxième secondaire et Patrice est en 6ème à
l'école primaire Nyota. Il est en retard parce qu'il a abandonné
les études pendant deux ans. Il fouillait les cours pour exploiter les
minerais dans la carrière. Parfois, il nous arrive à penser de la
carrière, lorsque nous sommes dans la classe. C'est pourquoi certains
d'entre nous, fuient l'école pour se rendre dans la carrière, en
cachant les objets classiques sous la culotte pour échapper à la
vigilance de l'enseignant. Ils feignent comme s'ils vont à la toilette,
puis ils fuient et se rendent dans la carrière ».
Le rapport de l'Observatoire du Changement urbain (2006, 7)
précise qu'il a été constaté que la
proximité géographique joue un rôle important dans
l'attrait des enfants dans les carrières et les mines. Il en est de
même en ce qui concerne l'abandon scolaire, l'appartenance à une
famille pauvre et le fait d'avoir les proches, amis et membres de famille
3.3.1. La logique de rendre service
103
travaillant dans les mines et carrières. Le rapport de
Global Witness (2006, 32) renchérit qu'en général,
beaucoup d'enfants commencent à travailler dans les mines pendant les
vacances scolaires. Certains cessent ensuite complètement d'aller
à l'école car leurs familles n'ont pas les moyens de payer leurs
frais de scolarité. Mais aussi, il y a ceux qui fuient d'eux même
l'école pour se rendre dans la carrière. Gaël explique :
« Il y a ceux qui abandonnent eux-mêmes
l'école. Ils considèrent les heures de s'assoir dans une classe
en train de suivre les enseignements comme du temps perdu. Les autres trompent
la vigilance de leurs parents. Le matin, ils s'habillent en uniforme scolaire,
mais ils n'arrivent pas à l'école. Ils cachent dans les sacs la
tenue de la carrière. Après avoir travaillé, à
12H30, heure de la sortie de l'école, ils se lavent, mettent de nouveau
l'uniforme et rentrent à la maison. Vers 14 heures, ils reviennent de
nouveau exploiter les minerais dans la carrière jusqu'à 18
heures. Nous condamnons ce type de comportement. Mais aussi, il y a d'autres
enfants qui se comportent bien tout en apportant un secours financier à
leurs parents ».
Le risque d'abandon scolaire est grand pour ces enfants qui
étudient et qui fréquentent en même temps les sites
miniers, en y exerçant quelques activités
rémunératrices.
3.3. Les logiques explicatives de la présence
des enfants dans les sites miniers à
Kolwezi
L'explication des préoccupations auxquelles s'adonnent
les enfants dans les sites miniers artisanaux à Kolwezi passe par 5
logiques qui sont :
· La logique de rendre service ;
· La logique Lucrative ;
· La logique de divertissement ;
· La logique touristique ;
· La logique de dépendance maternelle.
104
Cette logique signifie que les enfants qui exécutent
différentes activités rémunératrices dans les sites
miniers, ne le font pas pour leur propre compte. Ils rendent services soit
à leurs parents avec qu'ils constituent une unité de travail,
soit encore à leurs amis ou autres personnes, sans toutefois s'attendre
à une contrepartie. C'est la personne à qu'ils rendent service
qui sera rémunérée. Eux le font par souci de rendre
service. C'est le cas des enfants qui aident leurs parents dans
l'exécution des tâches dans les sites.
3.3.2. 1a logique lucrative
C'est comme on dit : tout travail mérite un salaire.
Pour cette logique, les enfants visent un gain lucratif pour toutes
activités qu'ils exercent sur les sites miniers. Ils sont à la
recherche de l'argent afin de subvenir soit à leurs besoins propres,
soit encore aux besoins familiaux. Le rapport de l'ONU (2011, 9) sur les formes
contemporaines d'esclave, y compris leurs causes et leurs conséquences,
note : dès lors que les parents sont incapables de pourvoir à
leurs besoins fondamentaux, les enfants travaillent pour compléter le
revenu de la famille. Cette logique correspond au registre « self-service
» qui reprend toutes les pratiques et stratégies dont l'objectif
est l'accumulation, la survie et la débrouille (Tshinyama : 2009,
327).
3.3.3. 1a logique de divertissement
Les sites miniers ne sont pas toujours des lieux où
l'on exécute différentes activités afin de gagner de
l'argent. Ces lieux servent également des terrains où les enfants
s'adonnent aux différents jeux. Tous les sites investigués ne
sont pas très loin des habitations. Les enfants y accèdent
facilement. Les uns s'donnent aux activités ludiques pour se divertir.
Nous reconnaissons avec Mutombo (2011, 79) que chez les tout petits enfants la
carrière, n'est plus un lieu à leur interdiction, mais
plutôt c'est un parc d'attraction ludique. Ils n'y vont pas pour
exploiter les minerais, mais plutôt pour jouer, car ils n'ont pas autre
espace pour organiser librement leurs jeux.
3.3.4. 1a logique touristique
Certains enfants se retrouvent dans les sites miniers pour
observer la manière dont les différentes activités s'y
déroulent, sans toutefois participer à l'accomplissement de ces
activités. Ils font le tourisme des carrières. Cela se passe
souvent lorsqu'un enfant est envoyé par ses parents d'une cité
à une autre. Au lieu que l'enfant se rende directement là
où il est
105
envoyé, ce dernier peut s'arrêter dans une
carrière observant ce que font les autres comme activité. Et
après, il poursuit son chemin.
3.3.5. La logique dite : effet
d'entrainement
Cette logique concerne les « sans voix » « les
bébés » qui sont dans des sites miniers par le fait de la
présence de leurs mères. Les uns sont portés par leurs
mères ou par leurs frères et soeurs qui les bercent, ou endormis.
Ces enfants n'ont pas de choix. Leur présence dans les sites miniers
artisanaux est justifiée par la présence de leurs mères.
C'est comme l'on dit : l'accessoire suit le principal. L'accessoire ce sont les
bébés et le principal ce sont les mères. Les
bébés dépendent directement de leurs mères. Ils
sont là ou se trouvent leurs mères.
Pour terminer, voici ci-dessous de manière
synthétique, le tableau explicatif de la présence des enfants
dans les sites miniers artisanaux. Ce tableau synthétise toutes ces 5
logiques que nous venons d'énumérer ci-haut.
106
Tableau n°7 : Les logiques explicatives de la
présence des enfants dans les sites miniers