A. Les maltraitances subies par les enfants de la part des
creuseurs adultes
Certains enfants subissent des maltraitances de la part soit
des creuseurs adultes, soit des autres acteurs oeuvrant dans les sites miniers
artisanaux. Les témoignages des enfants prouvent qu'ils sont victimes
parfois des pratiques dégradantes de la part des creuseurs
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adultes. Ces derniers les giflent, les injurient, leur jettent
des cailloux, les tirent les oreilles ou les cheveux, les chassent une fois
qu'ils passent tout près de leurs minerais. Ils les considèrent
comme des petits voleurs des minerais. A ce sujet, Jean Audet et Jean
François Katz (2006, 113- 114) précise que les violences
physiques sont les plus facilement diagnostiquées. Il s'agit
essentiellement de coups parfois très violents, mais aussi de gifles,
oreilles et cheveux tirés, secousses brutales. Il en résulte des
lésions cutanées, plaies, hématomes, ecchymoses. Monga
avec ses coéquipiers trouvés dans la carrière 5 ans,
dénoncent les maltraitances qu'ils subissent de la part de creuseurs
adultes :
« Nous subissons parfois de mauvais traitements de la
part des creuseurs. Ils nous giflent, nous tabassent si nous passons juste
à côté du remblai de leurs minerais. Ils nous
considèrent comme étant de voleurs de leurs minerais. Comme nous
sommes enfants, nous n'avons pas la force de faire face à leur violence.
L'unique moyen de se sauver est de fuir ».
Mbuyi et ses 5 amis ont aussi relevé quelques
maltraitances subies en ces termes :
« Les creuseurs nous envoient pour leur acheter les
cigarettes, les boissons alcooliques (Kabondo, Bols et Munkoyo)14,
etc. Si seulement nous osons refuser, ils nous chassent même de la
carrière. Pour ne pas être chassés, nous sommes
obligés de leur obéir. Il arrive même que certains
creuseurs nous ravissent tous les minerais ramassés, sous
prétexte que nous les ramassons sur leurs remblais. Etant enfants, nous
n'avons pas la force de les battre. Nous restons sans rien faire ».
Ces déclarations sont répétées
également par Kahenga et Patrice, ils rassurent être victime de
maltraitances de la part des creuseurs adultes.
Les filles qui vendent des denrées alimentaires ne sont
pas épargnées aux maltraitances des creuseurs. Elles
déclarent subir des mauvais traitements. Cela est le cas du
témoignage de Dorcas et ses cinq amies, toutes vendeuses des
denrées alimentaires dans la
14 Les termes Kabondo et Bols désignent les
boissons alcooliques à forte dose. Il s'agit du whisky qui a 40 à
45% de vol. Tandis que Mukonyo est une boisson locale non alcoolique faite sur
base de la farine de maïs ou de la farine de manioc mélangée
aux tisanes avec de l'eau qui se fermente au bout de quelques jours.
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carrière dite « 5 ans ». Dans leur
témoignage éloquent, les filles dénoncent les mauvaises
pratiques qu'elles subissent de la part de creuseurs :
« Nous sommes sujets de mauvais traitements de la part
des creuseurs. Ils nous injurient et touchent nos seins avant de payer nos
dettes. Surtout lorsque qu'un creuseur vous drague et que vous refusez, il va
beaucoup vous injurier. Même pour payer les dettes, ils payent
difficilement. Parfois, ils nous font attendre jusque le soir, pour nous payer.
D'autres fuient carrément avec nos dettes ».
Tous ces propos témoignent les différentes
maltraitances que subissent les enfants dans les sites miniers. Jean Audet et
Jean François Katz (2006, 114) explicitent que le terme de «
maltraitance physique » est souvent employé pour toutes formes de
traumatismes non accidentelles infligés aux enfants par les adultes, les
parents ou ceux qui ont la garde ou la responsabilité des enfants.
Un autre groupe d'enfants nous a déclaré :
B. Les maltraitances subies par les enfants de la part
des négociants
Les enfants subissent aussi des mauvais traitements de la part
des négociants. Ces deniers les trompent quant aux prix à leur
payer après avoir leur rendu des services. Ils sont également mal
payés lors de la vente des minerais aux négociants. Ces derniers
leurs donnent de l'argent qui n'équivaut pas à la vraie valeur
des minerais achetés. Ainsi quelques enfants ont déclaré
:
« Certains acheteurs nous volent les minerais, en nous
trompant le poids. Les balances qu'ils utilisent sont réglées de
manière à afficher un poids inférieur par rapport au poids
réel ».
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« Nous cassons les pierres à la recherche du vrai
minerai de malachite que nous vendons aux négociants à 350 et 400
Francs par Kilos. Le prix varie selon la qualité du minerai. Il arrive
parfois nous amenons du bon minerai, mais le négociant nous donne
l'argent pour le minerai de moindre qualité. Cela nous arrive parce que
nous sommes des enfants ».
Cette manière de se comporter des négociants est
une exploitation des enfants. Le
rapport de la BIT (2009, 9) sur les questions de genre, le
travail des enfants et les pires formes du travail des enfants dans les mines
et carrières au Burkina-Faso, éclaire que l'Unicef a
élaboré il y a environ dix ans, une série de
critères pour désigner un travail qui relève de
l'exploitation de l'enfant. Ces critères sont :
· Un travail à temps plein à un âge
trop précoce ;
· Trop d'heures consacrées au travail ;
· Des travaux qui exercent des contraintes physiques,
sociales et psychologiques excessives ;
· Une rémunération insuffisante ;
· L'imposition d'une responsabilité excessive
;
· Un emploi qui entrave l'accès à
l'éducation ;
· Des atteintes à la dignité et au respect
de soi des enfants ;
· Un travail qui ne facilite pas l'épanouissement
social et psychologique complet de l'enfant.
Ce rapport poursuit que les enfants sont souvent très
mal payés voire pas du tout rémunérés, les plus
souvent, leurs conditions de travail dépendent entièrement de
l'employeur15. Dans le même ordre d'idées, Luc
Claessens (2008, 14) renchérit que dans le secteur minier, la
maximalisation du bénéfice passe bien avant le bien-être
des enfants. Après avoir reçus une rémunération qui
ne correspond pas à la tâche exécutée, les enfants
ne savent pas à qui se plaindre pour avoir gain de cause.
A cause de l'exploitation minière artisanale, les
enfants subissent également des contraintes de la part de leurs parents
à la maison.
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C. Les contraintes parentales
Les enfants subissent des contraintes de la part de leurs
parents. Ces derniers les obligent de se rendre dans les carrières pour
se débrouiller disent-ils. Ainsi, les enfants s'y rendent pour y exercer
les travaux faute de quoi, ils se verront priver la nourriture. Ainsi,
Falangani Mvondo (2002, 133) explique que de nombreux parents poussent
d'ailleurs eux-mêmes leurs gosses à la rue, parce qu'ils sont
acculés, incapables d'assumer leurs responsabilités. « Voyez
les enfants du voisin, ils se débrouillent seuls. Vous avez grandi, vous
ne pouvez pas en faire autant. ? Avec les parents incapables de les
nourrir, expulsés de l'école pour n'avoir pas payé les
frais scolaires, oisifs, inoccupés, mais soucieux d'étudier
malgré tout, que peuvent faire ces enfants ? Ils les poussent à
pouvoir exploiter les minerais ou encore à exercer d'autres
activités rémunératrices dans les carrières afin de
se prendre en charge. Cela transparait dans cet extrait de Kahenga :
« Si vous demandez quelque chose aux parents, ils vous
disent que vos amis sont en train de chercher l'argent dans la carrière
et vous, vous ne faites rien. De tels propos, nous obligent à nous
prendre en charge en allant chercher l'argent dans les carrières. Si
nous n'amenons rien, les parents nous traitent de gourmant, comme quoi, nous
avons dilapidé tout l'argent dans la carrière ».
Une fois que les enfants n'ont rien trouvé en termes
d'argent, ils sont mal alaise de pouvoir rentrer à la maison, parce
qu'ils seront traités de gourmands.
Les enfants doivent être entendus. Leurs opinions au
sujet des questions qui les concernent doivent être prises en compte, eu
égard à leur âge et à leur degré de
maturité (Hoop Roland : 2001, 18). Contraindre l'enfant afin qu'il
exécute une tâche rémunératrice dans la
carrière, est un comportement réprimé par la loi.
Il convient de réaffirmer avec Malemba (2003, 51-55)
que la place qu'occupe l'enfant dans les milieux congolais est définie
par la considération de la valeur culturelle allouée à
l'enfant. L'enfant apparait comme étant un germe du groupe et une
ressource assurant l'humanité de ses parents. Du point de vue physique
et psychologique, l'enfant est un être immature dont le
développement requiert soutien et entretien de la part de ses parents
fussent-
97
ils biologiques ou sociaux. C'est pourquoi la
procréation et l'amélioration du sort de l'enfant qui nait sont
des préoccupations légitimes dans toutes les coutumes du Congo et
de la part du monde entier. Mais les besoins de base de l'enfant ne se sont
toujours pas satisfaits, et ses droits fondamentaux non quotidiennement
respectés. Ce qui met en péril le devenir responsable et
productif de l'enfant d'aujourd'hui et adulte de demain. Au lieu d'assurer la
sécurité de leurs enfants, certains parents les
insécurisent en les contraignant d'exécuter quelques tâches
dans les carrières.
Face à toutes ces maltraitances, nous notons avec
Hamuli (2007, 25) que le travail des enfants dans les zones d'exploitation
minière artisanale comme une main d'oeuvre bon marché, entretient
des violations des droits de l'enfant. Raison pour laquelle la loi Congolaise
protège l'enfant contre toutes formes d'exploitation économique
de l'enfant par l'article 58 de la loi portant protection de l'enfant :
L'enfant est protégé contre toutes les formes d'exploitation
économique. L'exploitation économique s'entend de toute forme
d'utilisation abusive de l'enfant à des fins économiques. L'abus
concerne notamment le poids du travail par rapport à l'âge de
l'enfant, le temps et la durée du travail, l'insuffisance ou l'absence
de la rémunération, l'entrave du travail par rapport à
l'accès à l'éducation, au développement physique,
mental, moral, spirituel et social de l'enfant.
L'article 147 stipule : Les coups et blessures
volontaires portés sur l'enfant sont punis de trois à six mois de
servitude pénale principale et d'une amende de cent mille à deux
cent cinquante mille francs congolais. En cas de préméditation,
l'auteur est passible de six à douze mois de servitude pénale
principale et d'une amende de cent cinquante mille à trois cent mille
francs congolais.
3.2.1.2. Les Enfants en risque
Pour Jean Audet et Jean François Katz (2006, 116),
l'enfant en risque est celui qui connaît des conditions d'existence
menaçant sa santé, sa sécurité, sa moralité,
son éducation ou son entretien, mais sans qu'il soit maltraité.
Le risque provient de l'environnement socioéconomique et culturel. Le
rapport de l'ONU (2011, 13) sur les formes contemporaines d'esclave, fait
état de l'exposition des enfants aux mêmes risques que les adulte,
mais les enfants n'ont pas la même force et le même jugement pour
se protéger des dangers. Le travail
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a sur eux des effets beaucoup plus graves que sur les adultes
en raison de leur stade de développement anatomique, physique et
psychologique, ce qui les place dans une situation de
vulnérabilité accrue.16
Tous les enfants qui sont dans les sites miniers artisanaux
sont en situation de risque. Ainsi, il y a le risque sanitaire, le risque par
rapport à la scolarité, etc.
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