VI-Problématique
L'Union Européenne qui, est un modèle
d'intégration régionale essaye de définir, de construire
un intérêt européen, de protéger
l'intérêt national des pays membres. En Afrique, la notion
d'intérêt national reste ambigüe et ambivalente face au
processus de construction d'intégration régionale. Au regard de
la nécessité d'une intégration totale de l'Afrique, on est
tenté dès lors de se poser la question principale suivante :
quelle est l'influence de l'intérêt national sur le processus
d'intégration régionale en Afrique ? Cette question fait appel
à deux
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interrogations subsidiaires : existe-t-il une relation entre
la défense de l'intérêt national et la dynamique du
processus d'intégration en Afrique ? Au regard de l'ambivalence de la
notion d'intérêt national, dans quel sens faut-il l'exalter pour
booster le processus d'intégration régionale en Afrique ? Comme
nous pouvons le constater, une telle problématique doit reposer sur les
hypothèses précises.
VII-Hypothèses de travail
Ce sont les réponses provisoires aux questions
fondamentales de l'étude. Celles-ci pourront être
confirmées ou infirmées au terme d'une analyse approfondie des
faits. Les hypothèses de cette analyse se déclinent ainsi qu'il
suit :
H1-La profondeur d'une intégration régionale
dépend de la perception que les États ont dudit processus.
L'intérêt national étant le principe d'action des
États sur la scène internationale, il existe donc une relation
entre celui-ci et l'intégration régionale en Afrique.
H2-Le processus d'intégration en Afrique a du mal
à prospérer, car les États ne définissent leurs
intérêts qu'en termes de puissance et de façon
égoïste. Face aux défis et aux enjeux de
l'intégration en Afrique, ceux-ci ne préservent que leurs
intérêts nationaux égoïstes au détriment de la
construction régionale africaine. Toutefois, l'intérêt
national conçu sous le prisme de l'altruisme favorise la dynamique
d'intégration régionale en Afrique. En effet, les États
participeraient au processus d'intégration pour mieux préserver
leurs intérêts nationaux du fait qu'ils se sentent plus en
sécurité au sein d'un système intégré
africain. Aussi, ils adhérent par calcul d'addition des
intérêts nationaux multiples.
VIII-Choix théoriques et méthodologiques
1-Choix théoriques
Ce sont diverses théories qui seront convoquées
pour analyser cette problématique. Ainsi, les théories
réalistes, constructiviste, fonctionnaliste, néo-fonctionnaliste,
intergouvernementa-liste et des jeux seront au centre de notre travail.
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Le réalisme est l'approche traditionnelle des relations
internationales. Cette approche privilégie l'État et en fait
l'acteur essentiel, voire exclusif de la scène internationale
caractérisée par l'anarchie. Ainsi, aucune autorité
supérieure aux États n'est en mesure de veiller à leur
droit et à leur protection. Par conséquent, les États ne
peuvent compter que sur eux-mêmes pour protéger leur
intérêt. Pour MORGENTHAU, « le principal poteau
indicateur qui aide le réalisme politique à trouver sa voie
à travers le domaine de la politique internationale est le concept
d'intérêt national défini en terme de
puissance15 ». Ce paradigme nous permettra de comprendre
le comportement des États vis-à-vis de l'intégration
africaine car « Le réalisme n'est pas nécessairement
lié à l'État-nation16 ».
La théorie constructiviste de l'intérêt
national permet d'identifier l'intérêt national à un
construit social qui trouve son origine dans l'identité des
États, c'est-à-dire dans la représentation que les
États se font d'eux-mêmes, d'autrui et du système
international17. Ainsi, l'intérêt national d'un
État est donc moins construit par l'État lui-même qu'il
n'est façonné par les normes et valeurs qui, partagées
internationalement structurent la vie politique internationale lui donnent
signification18. L'intérêt national construit en termes
altruistes, permettant la conduite d'une politique étrangère
satisfaisant en même temps l'intérêt national et des
États amis, permettra de comprendre pourquoi les États
recherchent leurs intérêts nationaux dans un système
intégré ou alors démontrer que l'intérêt
national des États est plus défendu dans un système
intégré que par les États eux-mêmes pris
isolement.
La théorie des jeux; est un ensemble d'outils pour
analyser les situations dans lesquelles ce qu'il est optimal de faire pour un
agent dépend des anticipations qu'il forme sur ce qu'un ou plusieurs
autres agents vont faire. L'objectif de la théorie des jeux est de
modéliser ces situations, de déterminer une stratégie
optimale pour chacun des agents, de prédire l'équilibre du jeu et
de trouver comment aboutir à une situation optimale. Cette
théorie nous permettra de comprendre le comportement des États
dans la recherche des intérêts nationaux car « les hommes
agissent
15 Hans J. MORGENTHAU cité par Marie Claude
SMOUTS, Dario BATTISTELLA, Pascal VENNESSON, Dictionnaire des relations
internationales : approches, concepts doctrines, 2e
édition, Paris, Dalloz, 2006, p.454.
16 Ibid. p.457.
17 Ibid. p.302.
18 Martha FINNEMORE cité par Sabine
SAURRUGER, Théories et concepts de l'intégration
européenne, Paris, Presses de Sciences-po, 2009, p.365.
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parfois les uns contre les autres. D'autres fois, ils
coopèrent; la connaissance qu'ils ont les uns les autres varient et
leurs aspirations les conduisent à s'affronter ou à
coopérer19». Partant ainsi de cette théorie,
l'État qui choisira de s'intégrer pour défendre ses
intérêts aura choisi le jeu à n joueurs20 et
l'État qui sera réticent face à l'intégration
choisira le jeu à somme nulle pour promouvoir ses intérêts
au détriment de ceux des autres. La théorie des jeux nous
permettra donc de comprendre les intentions qu'ont les États en
adhérant au processus d'intégration en Afrique.
L'intergouvernementalisme dans ce travail vise à
démontrer le désintérêt qu'ont les États en
Afrique vis-à-vis du processus d'intégration lorsqu'il se
résume à la simple juxtaposition des souverainetés. En
effet, initié dès les années 1960, par Stanley HOFFMANN,
qui sera suivit de Robert KEOHANE, l'intergouvernementalisme considère
que les décisions des organisations internationales résultent
d'un marchandage entre les États rationnels. Stanley HOFFMANN, parle de
mise en commun de la souveraineté au sein des organisations
internationales qui sont des multiplicateurs de puissance. Cette théorie
de l'intégration nous permettra de comprendre si l'intégration
par le politique en Afrique est à même de consolider
l'intérêt national des États.
Le fonctionnalisme et le néofonctionalisme
s'intéressent tous aux raisons et aux procédures qui justifient
les interdépendances entre les États et entre les peuples en lieu
et place d'actions solitaires aux issues incertaines. Ces deux écoles de
pensée expliquent pourquoi les États acceptent de se lier dans le
cadre d'une organisation régionale. Cependant, leur différence se
situe au niveau de la nature du raisonnement. Alors que le fonctionnalisme a un
caractère normatif et tente d'établir les conditions qui
devraient mener à un monde plus pacifique et juste, le néo
fonctionnalisme est plutôt analytique et tente de comprendre les raisons
ainsi que les conséquences d'un processus d'intégration. Issues
des travaux de David MITRANY et d'Ernst HAAS, ces deux théories qui
appellent de tous leurs voeux à commencer le processus
d'intégration par les aspects fonctionnels, nous permettront de montrer
que l'intégration africaine saisie sous ce prisme est susceptible de
consolider l'intérêt national des États membres.
19 Davis MORTON, Théorie des jeux,
Paris, Armand Colin, 1973, p.5.
20 Dans le « jeu à n joueurs », pour
gagner plus, le joueur doit s'unir à d'autres. Si le joueur ne
coopère pas, il n'a aucun espoir d'obtenir plus de gains.
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2-Méthode
Les techniques sont des moyens de collecte de données
en vue d'effectuer un travail scientifique. Ainsi elles permettent d'atteindre
un objectif défini à l'avance. Elles sont très importantes
pour tout travail de recherche dans la mesure où elles se situent au
niveau des faits et pratiques. Comme l'écrit Madeleine GRAWITZ, «
choisir les techniques étant donné les particularités
et les moyens de chacune, c'est sélectionner à l'avance les
matériaux qu'elles recueilleront21 ». Le choix des
techniques dépend donc de l'objectif poursuivi. C'est le chercheur qui,
pour des raisons de disposition et de disponibilité choisi la
méthode la mieux adaptée à son travail. Le choix est donc
libre et conscient au vue de la multiplicité des méthodes
disponibles. La conscience ici tient au fait qu'après la collecte des
données, il faut bien les analyser afin d'y déceler ce qui n'est
pas à la portée du commun des mortels.
Dans le cadre de ce travail, l'analyse documentaire
constituera notre principale technique de récolte de données.
Elle vise à acquérir les connaissances du domaine dans lequel
s'inscrit notre thématique. Elle a pour objet d'analyser les
interactions qui existent dans les conceptions d'intérêt national
et le processus d'intégration. Ainsi, plusieurs types de documents
seront étudiés. Il s'agira : des ouvrages généraux
et spécifiques sur les relations internationales, sur la notion
d'intérêt national, sur l'intégration régionale; les
articles de revues scientifiques traitant de notre thématique et des
concepts le constituant; des textes officiels des organisations
d'intégration africaine; des sources électroniques.
3- Analyse des données
récoltées
Afin d'atteindre nos objectifs, nous allons adopter les
démarches analytique, explicative, comparative et empirique.
Les démarches analytique et explicative nous
permettront, tout naturellement d'expliquer et analyser les concepts qui
structurent notre thématique afin de faire un rapprochement entre eux
pour permettre la compréhension de l'influence de l'intérêt
national sur le processus d'intégration régionale en Afrique. Ces
démarches permettront de cerner l'influence de la conception
égoïste et/ou altruiste de l'intérêt national sur la
dynamique d'intégration régionale.
La démarche comparative elle, nous permettra de faire
les emprunts comparatifs au modèle européen de
l'intégration. Même si les deux réalités restent
tout de même différentes, le
21 Madeleine GRAWITZ, Méthodes des sciences
sociales, 7ème édition, Paris, Dalloz, 1986, p 446
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modèle européen peut être aujourd'hui
considéré comme avancé et donc susceptible de faire de
temps en temps un objet de référence. Elle nous permettra de
déceler si l'interaction entre l'intérêt national et
l'intégration est productrice des faits. Si oui quelle en sera la
profondeur par rapport à celle de l'Afrique?
La méthode empirique, part de l'observation de la
réalité extérieure vers l'objet pour tirer les
conséquences possibles en vu de la construction d'une théorie.
Elle permettra d'observer la réalité de l'intégration
régionale en Afrique et de déduire la perception que les
États ont de ce processus, d'analyser les comportements des États
en fonction des conceptions de l'intérêt national.
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