V- Revue de littérature
Il s'agit de faire un tour d'horizon sur les études
portant sur notre sujet. Dans son mémoire de Master recherche en Science
politique intitulé : Penser l'intérêt européen :
du compromis entre intérêts nationaux à
l'intérêt général européen9,
Paul HÉRAULT entreprend une démarche de construction d'un
intérêt général européen à partir des
intérêts nationaux des États membres de l'Union. D'abord,
il passe en revue les théories de l'intérêt national tout
en faisant un rapprochement avec la construction européenne. Ensuite, il
montre comment l'intérêt européen se détache de
l'intérêt national en tant qu'un concept à construire,
à rechercher et qui doit s'affranchir; car l'intérêt
européen n'est pas réductible à la somme des
intérêts nationaux. Enfin, l'auteur présente les acteurs,
les entraves et les facteurs pour la réalisation d'un
intérêt général européen. Cependant, l'auteur
ne montre pas l'influence de l'intérêt national sur le processus
de construction européenne.
Sabine SAURRUGER dans un ouvrage intitulé
théories et concepts de l'intégration européenne,
publié en 2009, examine tous les outils conceptuels et analytiques
permettant de comprendre le processus de construction européenne. Dans
le chapitre 11 de cet ouvrage qui,
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parle de la sociologie des relations internationales et
l'intégration européenne, l'auteur pense que le fil conducteur
des différentes approches des relations internationales est la crise de
l'État-nation et pense que c'est l'intérêt national qui
guide le comportement de l'État sur la scène internationale. Ce
faisant, il présente les travaux de Martha FINNEMORE sur les
intérêts nationaux dans la société internationale
comme les plus significatifs sur la question. Selon FINNEMORE, les
intérêts des États sont construits par l'interaction avec
les autres. Aussi affirme-t-il : « les intérêts et les
valeurs véhiculés par les acteurs internationaux changent dans
les contextes normatifs10 ». L'auteur parle aussi du
dépassement des intérêts égoïstes dans un
système intégré. Car, l'intérêt national
n'est pas un donnée, il est un construit à travers l'interaction,
et que l'intérêt national défendu au nom de la
souveraineté étatique au niveau européen est
considéré par les approches sociologiques comme une
institution11, c'est-à-dire comme un dogme. L'approche de
l'auteur permet de comprendre les visions de l'intérêt national
qui constituent les dynamiques et ou les oppositions au processus
d'intégration régionale européenne.
En 1973, MORTON Davis publiait un ouvrage intitulé
La théorie des jeux. Cet ouvrage est un guide qui permet aux
joueurs, entendus ici, comme acteurs de la scène internationale de
prendre des décisions, de choisir leur tactique. Ainsi, l'auteur pense
que l'État en optant pour les « jeux à somme nulle
» privilégie ses intérêts au détriment des
autres. Ce qui n'est pas le cas pour les « jeux à n joueurs
», car ici pour gagner plus, l'État doit s'unir aux autres.
L'État possède un potentiel qui nécessite la collaboration
des autres pour se réaliser. Ces théories ont
l'inconvénient d'être très abstraites et de ne pas faire un
rapprochement direct avec le processus d'intégration, bien que
permettant de lire les intentions des États vis-à-vis du dit
processus.
Un séminaire national sur le thème : «
les États-nations face aux défis de l'intégration
régionale en Afrique de l'ouest : le cas du Cap-Vert12
», s'est tenu à Praia, île de Santiago, Cap-Vert, 4, 5
avril 2007. Dans le rapport final, les experts ont démontré que
dans un monde globalisé, à des défis nouveaux et complexes
où les facteurs qui déterminent les avantages
10 Sabine SAURRUGER, Théories et
concepts de l'intégration européenne, Paris, Presses de
Sciences-po, 2009, p.365.
11 Ibid. p.366.
12 Rapport final séminaire national sur les
États-nations face aux défis de l'intégration
régionale en Afrique de l'ouest : le cas du Cap-Vert. 4, 5 avril
2007.
En 2003, certains auteurs africains publièrent un
ouvrage collectif titré : L'intégration régionale en
Afrique centrale, Bilan et perspectives sous la direction de Hakim Ben
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comparatifs et compétitifs sont par ailleurs fluides et
mobiles, il est important de rechercher l'encrage pour faciliter le processus
d'intégration dans le marché global, dépasser les
égoïsmes nationaux et de faciliter la libre circulation de
l'élite régional pour favoriser la construction de projets
communs régionaux.
Abdou DIOUF dans un article intitulé : « Afrique :
l'intégration régionale face à la mondialisation »
passe en revue les effets de la mondialisation sur les processus
d'intégration en Afrique. Ce faisant, il insiste particulièrement
sur les obstacles au processus d'intégration à savoir : la
bureaucratie institutionnelle, les égoïsmes nationaux, l'exaltation
de la construction préalable à l'État-nation à
l'intégration régionale. L'auteur propose à cet effet, la
logique d'intégration contre les intérêts nationaux et
l'abandon de souveraineté permettant de redynamiser le processus
d'intégration. Toutefois, l'auteur ne fait pas allusion de façon
claire à la fonction protectrice des intérêts nationaux des
États de l'intégration régionale en Afrique.
Dans son rapport de stage diplomatique soutenu à
l'IRIC, Anderson OUAMBA-DIASSIVY met en évidence le rapport entre la
souveraineté des États et l'intégration en zone CEMAC. Il
y ressort que les velléités souverainistes et
égoïstes des États constituent l'entrave majeure au
processus d'intégration. Mais, il convient de remarquer que l'auteur ne
démontre pas comment la souveraineté de l'État peut
être plus protégée au niveau régional que
national.
Dans un rapport intitulé : État de
l'intégration régionale en Afrique II, Rationalisation des
communautés économiques régionales, la Commission
Économique des Nations Unies pour l'Afrique propose des solutions pour
harmoniser les actions des acteurs (gouvernements, les institutions
régionales et sous-régionales, les partenaires au
développement) en vu de parachever le processus d'intégration
régionale en Afrique. Ce faisant, elle rappelle que les raisons qui
encouragent les États à procéder aux adhésions
multiples dans les communautés économiques régionales en
Afrique sont principalement et successivement politiques, stratégiques
et économiques. C'est dire en d'autres termes que les États
adhèrent au processus d'intégration régionale en Afrique
pour tirer les intérêts ci haut énumérés. Ce
rapport a le mérite de montrer que l'intégration consolide les
intérêts nationaux des États membres.
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HAMMOUDA, Bruno BEKOLO-EBE et Touna MAMA. Dans cet ouvrage,
ils passent en revue le processus d'intégration à travers
plusieurs grilles d'analyse qui ressortent les difficultés
d'intégration régionale en Afrique Centrale, parmi lesquelles on
cite les conflits entre intérêts nationaux et engagements
sous-régionaux et les appréciations divergentes des couts et
avantages de l'intégration. En évoquant les principes sur
lesquels doivent être basés le processus, les auteurs font
allusion au principe phare selon lequel « en cas de conflit
d'intérêts entre l'individu et le groupe, la priorité est
donnée aux intérêts du groupe ». Ce principe
signifie que dans le processus d'intégration régionale,
l'intérêt général du groupe est primordial parce
qu'il concoure a la réalisation et à la consolidation des
intérêts nationaux des membres du groupe.
Dans un article intitulé : « Le
constructivisme dans la théorie des relations internationales
», Audie KLOTZ et Cecelia LYNCH étudient le
constructivisme par rapport aux autres théories des relations
internationales. Les auteurs s'intéressent plus particulièrement
aux origines des intérêts et au rôle des agents de
changement. En insistant sur le caractère historiquement contingent de
la souveraineté comme principe permanent des relations internationales
et des arrangements intersubjectifs, les auteurs pensent que les
intérêts des acteurs sont conditionnés par les cadres
institutionnels et par les autres acteurs. Comme la plus part des
constructivistes, ils affirment que les arrangements intersubjectifs comme les
organisations internationales concourent à la consolidation des
intérêts des membres. A cet effet, ils précisent que
l'interaction entre les États conduit à la construction des
intérêts13. Cependant, les auteurs ne précisent
pas la nature des intérêts qui se dégagent des arrangements
intersubjectifs. S'agit-il des intérêts communs, des
intérêts individuels ou d'un tout?
Dans un ouvrage collectif intitulé : Politique
étrangère. Nouveaux regards, sous la direction de
Frédéric CHARILLON, la politique étrangère est
analysée dans sa dimension théorique et pratique. La contribution
de Dario BATTISTELLA dans cet ouvrage porte sur la notion
d'intérêt national et s'intitule : « L'intérêt
national. Une notion, trois discours ». Dans cet article, l'auteur
clarifie la notion d'intérêt national depuis son origine en
163914, date à la quelle,
13 Alexander WENDT, « Anarchy is what States
make of it », cité par, Audie KLOTZ et Cecelia LYNCH, « Le
constructivisme dans la théorie des relations internationales »,
revue critique internationale n°2-hiver 1999, P56
14 Dario BATTISTELLA, « L'intérêt
national. Une notion, trois discours », in Politique
étrangère, Nouveaux regards, Frédéric
CHARILLON, (dir), Presses de Sciences Po, Paris, 2002, p 141
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le premier ouvrage dans lequel la politique
étrangère est analysée en termes d'intérêt.
En outre, il la passe au crible des théories réaliste,
libérale et constructiviste.
En effet, selon l'auteur, l'intérêt national chez
les réalistes est défini en termes de puissance et n'est pas
réductible aux intérêts privés. C'est donc un
intérêt défini de façon égoïste. Pour
les libéraux, l'intérêt national est la somme des
intérêts privés des acteurs internes mais qui n'exclut pas
l'existence d'intérêt commun au niveau international. Pour
l'auteur, l'intérêt national des libéraux est un
intérêt qui tient compte de celui des autres comme chez les
constructivistes. D'après ces derniers, l'intérêt national
est un construit social qui trouve son origine dans l'identité d'un
État; c'est-à-dire des représentations que les
États se font eux-mêmes d'autrui et du système
international. Il s'agit donc d'un intérêt défini de
façon altruiste. En définitive, l'auteur précise au regard
des trois discours de l'intérêt national que loin de s'affronter,
ils se complètent plutôt.
Dans son ouvrage intitulé L'Union Africaine face
aux contraintes de l'action collective publié en 2013, Guy MVELLE
démontre que l'action collective de l'UA est mise à mal par les
comportements stratégiques de certains États africains qui
préfèrent leurs intérêts égoïstes au
détriment des positions de l'organisation continentale. L'auteur
précise que la défense des intérêts
égoïstes au sein des organisations internationales n'est pas
l'apanage des pays africains. Cet état de fait est aussi perceptible
dans les entités comme l'ONU et l'Union Européenne. Tout en
démontrant l'impact négatif de ces comportements
stratégiques sur le processus d'intégration, il précise
qu'ils peuvent êtres atténués par des construits d'actions
collectives comme l'amélioration des programmes de coopération
technique et la mise en oeuvre effective du fond d'intégration.
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