1.1.1.5- Pauvreté, forces
de sécurité et insécurité urbaine
De toutes les raisons évoquées pour expliquer
les violences urbaines, la plus récurrente dans nos
sociétés est la pauvreté. Elle constitue dès lors
un a priori dans la composition des facteurs pouvant intervenir dans
la définition de l'insécurité urbaine. Cependant cette
pauvreté ne peut à elle seule expliquer le crime d'un individu
d'autant plus qu'elle n'est pas seulement l'apanage des démunis mais
aussi des « hommes anormaux » si l'on peut percevoir la
criminalité urbaine comme étant le signe d'une déficience
morale des individus impliqués dans ces actes. Dans son oeuvre
intitulée la Violence des villes, Pedrazzini (2005) s'est
intéressé à la présentation du squelette des crimes
urbaines dans les pays de l'Afrique francophone subsaharienne sans pourtant
s'attarder sur la particularité de chaque ville. Les faubourgs, encore
nommés banlieues ou bidonvilles dans nos villes contemporaines, sont
désignés comme étant le lieu par excellence où se
concentrent les pauvres désoeuvrés, exclus et victimes des
inégalités. Il montre dans son oeuvre tout en essayant de donner
une définition plus équitable des violences, comment au fil des
temps il est devenu facile de coller l'étiquette de «
méchant » d'outsider, de bandit, d'illégal, de gangster,
etc. au pauvre délabré en donnant comme excuse son mode de vie
précaire qu'on rattache souvent à sa mentalité. Comme le
disait Saint Marc-Girardin (1945), cité par Depaule (2006), «
Les barbares qui menacent la société ne sont pas dans la
Caucase (.....) Ils sont dans les faubourgs de nos villes
manufacturières ». Certes, la pauvreté explique la
violence de certains individus, mais réellement, tous les pauvres ne
sont pas méchants comme le pensent certains qui n'hésitent
même pas à mettre toutes les stratégies en oeuvre pour s'en
éloigner. Il est d'ailleurs démontré que ces pauvres, dans
la plupart des cas, n'ont que l'arme de la violence devant toutes les pressions
du moment. « La violence des bidonvilles, la violence des pauvres,
celle des gangs qui la contrôlent aussi, après tout, ne sont pas
le produit des actions de ces gangs, moins encore de ces habitants. Ce sont au
contraire, comme les mers lunaires les cratères dévastés
que forment, en les frappant de plein fouet, ces comètes que sont la
globalisation, l'économie néolibérale, l'urbanisation non
durable, la pauvreté » (Pedrazzini, 2005). D'où
l'hypothèse selon laquelle, tout comme les personnes victimes des
violences urbaines, les auteurs sont eux aussi victimes des exigences du monde
urbains dans lequel ils vivent et qui ne leur donne pas de choix en raison de
leur situation socioéconomique moins enviable. Les actes de violence
dans les villes ont une forme duale : la forme individuelle et la forme
collective ; mais il existe une forme intermédiaire qui prend le nom de
bande quand il s'agit d'un groupe permanemment constituée avec des
meneurs d'équipe. Maryse (1997) en étudiant les bandes de jeunes
généralement fauteurs de troubles et d'autres a remarqué
que beaucoup des membres de la bande avaient expérimenté,
à l'âge où d'autres jeunes abordent à peine les
responsabilités de la vie adulte, des situations de grandes violences
dans et hors du milieu familial. (....) d'autres avaient connu la grande
pauvreté, contraints de survivre seuls à treize ou quatorze ans,
s'abritant dans des caves, chapardant pour manger, essayant agressions
d'échapper à la police des mineurs et aux juges. De la sorte,
l'attachement à une bande découlerait d'un état de
désespoir créé par l'absence ou la défaillance de
l'intégration sociale- source de pauvreté et la violence
exprimée par ces jeunes n'est que l'extériorisation des
injustices et des grandes amertumes dont ils ont été victime, ou
témoins, et camouflées en eux. Ces conséquences ayant
dès lors pour cause première le manque d'attention de la part des
gouvernants à l'endroit des populations défavorisées
recherchant un moyen pour s'intégrer et survivre. Mais selon Fenech
(2001) la meilleure des préventions reste la certitude de la
répression. « Une prévention sans répression n'a
guère plus de sens qu'une répression sans prévention
», disait-il. La problématique de l'insécurité
urbaine dans nos pays est plus que jamais liée aux caractères,
à la composition, à la formation et au déploiement des
forces de sécurité étatiques. La plupart des crimes et
délits commis sur les personnes ou leurs biens sont dues soit à
l'absence des forces de sécurité, soit à leur
inefficacité, ou à leur complicité. Tout ceci fait dire
que la montée de l'insécurité obère les
capacités de la police en Afrique. Cette police qui
généralement souffre de plusieurs maux : manque de ressources,
d'entraînement, de responsabilisation véritable et de la
méfiance des communautés locales, ce qui les empêche de
faire face efficacement aux défis sécuritaires. «
Au-delà de la question des moyens, si la police ne se reforme pas
profondément, elle court le risque d'être
discréditée » (Roché, 2003). Au-delà de
tous ces aspects précités, le nombre d'agent de police par
habitant dans les populations africaines est déplorée par une
grande pléiade d'auteurs qui pensent qu'il devient impérieux
d'encourager l'effectivité de la police de proximité. Elle aura
le privilège, selon eux, de permettre de bénéficier de
l'appui et des connaissances des populations locales, lui apportant
accessibilité et efficacité. Les partenariats entre la police
nationale et la police de proximité présentent donc un moyen,
jusque-là peu reconnu, permettant d'élargir sensiblement la
couverture sécuritaire des zones urbaines en Afrique, à court
terme et de façon abordable. Baker (2010) dans sa publication d'article
intitulé « Forces non étatiques de maintien de l'ordre :
élargir les paramètres pour faire face à la violence
urbaine en Afrique», a donné le nombre des forces de
sécurité par habitant dans certains pays d'Afrique.
Tableau I : Ratios estimatifs des agents
de police par habitant en Afrique (Recherche effectuée par l'auteur)
Pays Africain
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Ratios estimatifs des agents de police par habitant
|
Pays d'autres
continents
|
Ratios estimatifs des agents de police par habitant
|
Guinée Bissau
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1 / 2 403
|
Jamaïque
|
1 / 400
|
Ouganda
|
1 / 1 839
|
Angleterre et Pays de Galles
|
1 / 402
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Rwanda
|
1 / 1 454
|
Inde
|
1 / 625
|
Libéria
|
1 / 857
|
Nigeria
|
1 / 722
|
Source : Baker (2010)
Ces chiffres montrent si bien combien le système
sécuritaire est défaillant, du moins par rapport à
l'effectif et nécessitant dès lors une réflexion plus
poussée sur la garnison sécuritaire des villes africaines.
L'autre aspect le plus souvent soulevé est celui opposant la justice
à la police. En effet, l'indulgence de la justice provoque un profond
malaise. La police en éprouve un profond découragement et se
demande à quoi bon prendre tous ces risques face à des jeunes
malfaiteurs sûrs de leur quasi impunité. « A peine
relâchés, ils les retrouvent dans leurs quartiers, encore plus
arrogants et plus déterminés à en découdre
» (Fenech, 200l). Il continue, il serait temps de moins se
préoccuper des causes du crime et de s'intéresser davantage au
criminel lui-même, de le considérer comme un individu capable de
faire des libres choix, y compris celui de sombrer dans la délinquance
sauvage mais en contrepartie d'en supporter toutes les conséquences. Au
même titre du découragement, il y a la question de la
rémunération des forces de sécurité qui est
à poser et il convient de s'y pencher profondément puisque la
pauvreté n'est plus seulement l'apanage des criminels dont les actions
sont à parer mais aussi des forces de sécurité. Tous ces
aspects liés à la pauvreté et aux forces de
sécurité ne sont pas négligeables dans l'explication de la
montée de l'insécurité urbaine car ils constituent les
facteurs potentiels de l'explication du phénomène. Alors comment
certains auteurs préconisent la lutte contre l'insécurité
urbaine ?
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