1.1.1.3- Les interactions sociales dans les modèles de
délinquance urbaine
L'urbanisation est globalement récente en Afrique
sub-saharienne : environ 15% de la population vivaient dans les villes en
1960 et 30 % en 1990 (les proportions des même années
étaient de 61 % et 73 % dans les pays industrialisés). Dans sa
partie occidentale entre 1960 et 1990, la population urbaine a
été multipliée par six (06), soit de 13 à 78
millions. Elle devrait encore connaître une forte croissance d'ici 2020
(de 78 à 275 millions) selon les études de perspectives à
long terme de l'Afrique de l'Ouest (OCDE, 1994). Cette urbanisation se
caractérise par son extrême disparité entre une capitale
tentaculaire et un réseau de villes nettement plus petites.
Cette croissance rapide de la population et de l'urbanisation
dans les pays en développement ne s'accompagne pas d'une politique
adéquate conduisant ainsi à des difficultés d'accès
à des services sociaux de base et publics.
Ainsi, concernant la politique sécuritaire plusieurs
études parues ces dernières années ont essayé de
comprendre pourquoi des Etats ou des villes aux caractéristiques
similaires avaient des taux de criminalité différents et il est
apparu que les différences de politique de sécurité
publique ne suffisaient pas à expliquer ces différences. Il a en
fait fallu dépasser le cadre un peu restrictif du modèle initial
et prendre en compte dans l'analyse le fait que le choix d'un individu
dépend certes de ses préférences mais également de
son environnement économique et social.
Dans ce domaine, les travaux de Glaeser et Sacerdote font
désormais autorité. Dans un premier temps, Glaeser et Sacerdote
(1999) suggèrent que la très forte variance des taux de
criminalité dans le temps et dans l'espace est due à la
présence d'interactions sociales et à leur intensité. Les
résultats suggèrent que les interactions sociales ont un impact
important sur les petits délits; un impact plus modéré sur
les crimes plus importants et un impact pratiquement négligeable sur les
meurtres et les viols. Ces résultats sont renforcés par le fait
que les auteurs estiment aussi leur modèle sur d'autres variables telles
que les décès provoqués par des maladies ou par suicide et
trouvent un impact négligeable des interactions sociales sur ces
variables.
Dans un second temps, Glaeser et Sacerdote (1999) tentent
d'expliquer le fait que les taux de criminalité soient plus
élevés dans les villes. En appliquant une méthode de
décomposition similaire à celle utilisée dans l'article
précédent au modèle de Becker, les auteurs tentent
d'isoler les facteurs de criminalité et de violence dans les grandes
villes nord-américaines. Environ un quart de la corrélation entre
la taille de la ville et son taux de criminalité provient du fait que
les gains retirés du crime sont plus élevés dans les
grandes villes. La plus faible probabilité d'arrestation observée
en ville explique à peine 20 % de cette corrélation. En revanche,
entre un tiers et la moitié de l'impact de l'urbanisation sur la
délinquance provient d'une plus grande proportion de ménages
dirigés par des femmes dans les grandes villes. Cette variable peut
être vue comme une approximation du degré de cohésion et de
contrôle social des individus et ces résultats suggèrent
donc l'importance du capital social comme facteur de réduction de la
criminalité.
Il convient de citer Lederman (1988) qui estime l'impact de
plusieurs indicateurs de capital social sur les crimes violents pour une coupe
transversale de pays. Les différentes variables de capital social
utilisées sont issues d'enquêtes comparables entre pays et portent
sur la confiance envers autrui, la participation à des organisations
(associations, syndicats partis politiques, etc.) et la religiosité. Il
en résulte que la prévalence de la confiance envers autrui
réduit significativement les taux de délinquance. En revanche,
les autres variables ont des effets plus ambigus, notamment du fait de la
difficulté à isoler la composante du capital social strictement
exogène par rapport au crime (Lederman, 1988cité par Megan et
Amoussou, 2011). D'où l'importance des écrits sur les violences
urbaines des sociétés africaines qui ont pour
caractéristique fondamentale la solidarité.
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