CHAPITRE V
LA SITUATION SOCIOECONOMIQUE DE LA PECHE MARITIME A
L'ILE-A-VACHE
CHAPITRE V
LA SITUATION SOCIOECONOMIQUE DE LA PECHE
MARITIME
Dans plusieurs pays, le secteur de la pêche joue un
rôle socio-économique vital et occupe une place très
avancée parmi les secteurs de l'économie nationale en particulier
dans les pays qui sont à la fois producteurs, consommateurs et
exportateurs des produits halieutiques. Sur le plan alimentaire, les produits
de la pêche contribuent de façon déterminante à
satisfaire les besoins en protéines animales de la majorité de la
population mondiale. Rappelons que la production mondiale des pêches
était estimée en 2011 à environ 154 millions de tonnes
(FAO, 2012).
5.1. Aspects sociaux des pêcheurs maritimes
de l'Ile-à-vâche
A l'Ile-à-vâche, on retrouve une pêche
traditionnelle c'est-à-dire une pêche qui est
réalisée par des pêcheurs individuellement, utilisant
différents types d'embarcations non motorisées. Les techniques de
capture sont variées : filets divers, lignes diverses, nasses et
harponnage (fusil).
Selon notre enquête socio-économique menée
à l'Ile-à-vâche, la pêche maritime est
pratiquée exclusivement par des hommes. Et la majorité de nos
enquêtés ont leur âge compris entre 45 ans et plus
(Tableau 1).
En ce qui concerne leur niveau d'instruction, sur les 80
pêcheurs de enquête, 45 d'entre eux déclarent n'avoir jamais
été à l'école, soit 56,25 % ; 30 d'entre eux
ont atteint le niveau primaire, soit 37,5 % ; 5 d'entre eux ont atteint le
niveau secondaire, soit 6,25 % ; et aucun d'entre n'ont pu atteindre le
niveau universitaire.
A l'ile-à-vâche, la pêche est
effectuée parallèlement à d'autres activités, comme
l'agriculture et l'élevage. Parmi les 80 pêcheurs de
l'enquête, 14 d'entre eux, soit un pourcentage de 17,50%, sont
considérés comme des pêcheurs à plein temps. Ces
pêcheurs vont tous les jours à la pêche, sauf en cas de
réparations de leurs engins de pêche. Ils déclarent avoir
rentré directement dans la pêche sans exercer d'autres
métiers. 39 d'entre eux, soit 48,75% comme pêcheurs à
mi-temps et seulement 27, soit 33,75% comme pêcheurs occasionnels (ils
s'occupent d'autres activités secondaires). Ce pendant, on en
déduit que la pêche est considérée par la
majorité des pêcheurs comme une activité lucrative
permettant des bénéfices numéraires immédiats par
opposition aux autres activités secondaires (élevage et
agriculture) qui procurent des bénéfices à plus long
terme.
5.2. Les points de pêche
La pêche maritime a été toujours et est
encore aujourd'hui considérée comme étant
l'activité économique prioritaire dans la commune de
l'Ile-à-vâche. On estime que 63% de la population active de cette
commune s'adonne à cette branche d'activité. L'île contient
à peu près 10 points de pêche : Madame Bernard, Cayes
coq, Grand sable, La source, Source Bambara, Cocoyer, Pélantin,
Cayes-à-l'eau, Ilet-à- braie, Pointe-Est.
5.3. L'organisation sociale de la
pêche
A l'Ile-à-vâche, le secteur de la pêche
n'est pas organisé. Il faut dire qu'à travers ces
différents points de pêche, il n'existe aucune organisation ou
association éponyme (de pêche). Chacun se
débrouille de ses propres moyens et de ses propres savoir-faire. A
l'unanimité, les enquêtés avouent qu'ils n'ont jamais
reçu aucune formation en matière de pêche de la part d'une
ONG, ou de l'Etat haïtien. En conséquence, ces derniers se trouvent
généralement en position de faiblesse et subissent souvent les
décisions des Agences dans la fixation des prix d'achats des produits de
pêche.
5.4. Les embarcations de pêche
Les embarcations de pêche les plus utilisées
dans la commune de l'Ile-à-vâche sont les voiliers et les pirogues
(communément appelées «
Bois-fouillés »ou « Bwafouye »).
Parmi les 80 pêcheurs de l'enquête, seulement 3 d'entre eux qui
utilisent des chaloupes, soit un pourcentage de 3,75% (?Graphique3).
Par ailleurs, le caractère rudimentaire de ces embarcations et leur
faible capacité ne permettent pas aux pêcheurs de
s'éloigner au large des côtes de l'île pour une meilleure
exploitation des fonds marins (?les photos ci-contre).
Photos 15 & 16 : Vue d'un
bois-fouillé (Bwafouye) et d'un voilier
Source:Photo prise personnellement en Juillet
2013
so
5.5. La production
Nous partons du constat que le caractère traditionnel
de la pêche maritime à l'Ile-à-vâche ne permet pas
une exploitation réelle et grande échelle des produits
halieutiques. Notons que, malgré nos diverses recherches, nous ne
trouvons aucun document ayant des données statistiques concernant la
quantité de produits halieutiques produite annuellement à
l'Ile-à-vâche.
Par ailleurs, il n'existe aucun organisme local qui aurait pu
nous donner quelques chiffres peut-être même par estimation. C'est
en quelque sorte, l'une des limites de nos recherches.
5.6. Circuit de commercialisation
La pêche étant corollairement signalée
antérieurement comme occupation de premier ordre de la commune de
l'Ile-à-vâche, la commercialisation des produits résultants
représente l'une des principales transactions au niveau de la commune
.Celle-ci met en scène un ensemble d'agents économiques qui
tissent entre eux des relations complexes permettant l'injection d'un flux
monétaire considérable dans le système.
Les transactions commerciales des produits dérivant
de la pêche à l'intérieur de la commune et vers
l'extérieur font intervenir les agents suivants : les
pêcheurs, les agences, les saras urbaines, les marchandes locales,
les consommateurs c'est-à-dire les particuliers, les hôtels et
restaurants.
Les agences, par
l'intermédiaire des
« délégués » (envoyés dans
d'autres points de pêche) ou directement (quand ils habitent à
proximité d'un point de débarquement) achètent et prennent
livraison entre les mains des pêcheurs. Ces produits de pêche sont
stockés avec de la glace dans glacières mobiles. Ils les
revendent à des grossistes de Port-au-Prince ou fonctionnent en
partenariat avec eux. La plupart d'entre elles jouent aussi le rôle de
fournisseurs directs à certains grand hôtels et restaurants.
Les saras urbaines sont celles
viennent au marché de la commune tous les « lundi et
jeudi [4] ». Elles n'ont que deux sources
d'approvisionnement, à savoir : les pêcheurs et les
marchandes locales (certaines sont femmes des pêcheurs). Elles
achètent des poissons salés, séchés, et des
poissons frais qu'elles procèdent à leur salage et/ou à
leur séchage. Elles conservent ces poissons pendant quelques jours pour
être vendus au marché public des Cayes ou de Port-au-Prince
(majoritairement à Port-au-Prince).
Les Marchandes locales sont celles
qui attendent la rentrée des pêcheurs sur le rivage et
achètent les poissons de taille plus ou moins réduites (toutes
catégories confondues). Elles les revendent aux détails au
marché public de la commune le même jour et parfois, elles
procèdent à leur salage et/ ou séchage pour les revendre
au bout de quelques jours aux saras urbaines.
5.7. Prix des produits de pêche au niveau
de chaque acteur
Le prix des produits de la pêche varie suivant la taille
et les catégories des produits, la complexité du processus
d'approvisionnement, le type et/ou le nombre d'acheteurs présents lors
du débarquement des pêcheurs sur le rivage. Ainsi, nous
présentons ces acteurs :
a. Les agences
Les agences achètent des
poissons et homards (moyens et gros) par livre. Le coût de la livre des
produits ou espèces en question varie selon sa taille.
____________________________________
4. Lundi et jeudi : jours du
fonctionnement du marché public de la commune de
l'Ile-à-vâche.
A rappeler que, les agences n'achètent pas les
espèces de petite taille. La livre des poissons de taille moyenne
s'achète à environ 60 gourdes et celle de taille
élevée s'achète 70 gourdes. La livre des homards de taille
moyenne s'achète à 65 gourdes et celle de taille
élevée s'achète à 75 gourdes (?Tableau 9).
b. Les saras urbaines et les marchandes
locales
Ces deux catégories d'acheteurs se confondent pour
avoir utilisé la même procédure d'achat face aux
pêcheurs.
Les prises, une fois débarquées par les
pêcheurs sur le rivage, sont achetées par les saras urbaines ou
les marchandes locales en gros (prix global). Le prix
négocié est généralement aux désavantages
des pêcheurs compte tenu de la non-possession de moyens de conservation
par ces derniers. Ces produits sont de tailles confondues (petits, moyens,
gros). Contrairement aux agences, les saras urbaines ainsi que les marchandes
locales n'utilisent pas vraiment une mesure pour quantifier les produits. Elles
se servent surtout de leurs yeux pour évaluer le prix. De ce fait, il
est impossible pour nous de présenter des chiffres pour ces
catégories d'acheteurs.
VERIFICATION DES HYPOTHESES
Pour les besoins de compréhension de notre travail,
nous procédons à la vérification des hypothèses:
· La première hypothèse s'est
révélée exacte. Le tableau 5 montre que tous les 80
pêcheurs, sur lesquels l'enquête a été menée,
n'ont jamais reçu de formations dans le domaine de la pêche. Il
n'y a donc aucune intervention de l'Etat haïtien ni ONG en faveur de ces
pêcheurs. Par ailleurs, ces derniers possèdent très peu
d'engins ayant pour la plus grande part de faible capacité de capture.
· La seconde hypothèse s'est
vérifiée dans les chapitres II (tableau 7) et V. Il n'existe pas
vraiment un marché formel pour l'écoulement des produits de
pêche à l'Ile-à-vâche. Il est clair que le circuit de
commercialisation existant n'est guère favorable aux pêcheurs de
la zone. Ces derniers ne se sont pas unis en association pour défendre
leurs intérêts sociaux et économiques. Sur les 80
pêcheurs de l'enquête, la plus grande part ont leur revenu mensuel
compris entre 1000 et 5000 gourdes, soit le plus faible niveau. Donc, la
faiblesse de leur revenu témoigne clairement qu'ils ne puissent pas
subvenir à leurs besoins primaires.
En définitive, nous pouvons affirmer que nos deux
hypothèses sont confirmées.
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