La lutte contre la violence en milieu universitaire ivoirien( Télécharger le fichier original )par Gélase Amour DECHI Centre de Recherche et d'Actions pour la Paix - Diplôme d'Études Supérieures Spécialisées En Gestion des Conflits et Paix 2006 |
Paragraphe II- Les causes psychologique et socialeL'analyse de la cause psychologique de la violence en milieu universitaire (A) précèdera celle de la cause sociale (B). A- La cause psychologique L'Université, comme toute institution, a pour fonction de protéger physiquement et psychologiquement les individus. Elle a également pour fonction de contenir et de donner forme aux désirs et aspirations des individus. En acceptant de confier les conditions de réalisation de leurs rêves à l'institution universitaire, les étudiants, en contrepartie, acceptent de s'approprier un ensemble de règles qui régissent le fonctionnement institutionnel. Ils acceptent donc les limites imposées par l'Université parce que celle-ci leur permet d'évoluer de façon harmonieuse. Lorsque la crise multiforme qui frappe l'Etat s'aggrave, elle entraîne un dysfonctionnement de l'Université. Une difficulté survient à partir du moment où les faits de dysfonctionnement deviennent importants. Cela donne aux étudiants le sentiment qu'il y a une remise en cause de leurs projets, de leur identité, des repères. Dans ces conditions, ils se sentent trahi par l'institution universitaire, et n'acceptent plus les limites imposées par celle-ci. Le contrat entre les étudiants et l'Université est rompu. Des individus regroupés au sein d'association comme la FESCI vont alors créer des lois locales. Ils considèrent la désobéissance et la violence comme des solutions qui peuvent leur permettre de construire un avenir meilleur. La difficulté avec les lois locales, c'est qu'elles sont narcissiques. Une logique narcissique est nécessairement mortifère. Il n'y a pas de place pour deux. Tout individu qui sera contre la nouvelle loi sera perçu comme un ennemi à battre. L'ennemi battu, les tenants de la nouvelle loi sont renforcés dans leur position. Les étudiants sont désormais appréciés et valorisés en référence à la nouvelle loi locale. Les plus forts physiquement ou psychologiquement vont alors régulièrement imposer leurs "lois" aux plus faibles sans aucune mesure. Cette autorité acquise est nourrie par la capacité de ces derniers à défier l'ordre établi. Ainsi, face aux répressions des forces de l'ordre, les étudiants de la FESCI cherchent une côte de popularité consécutive à d'éventuels emprisonnements ou à des actes de bravoure liés au courage du combattant. Au prix de l'épreuve et du combat, ils sortent auréolés de gloire. C'est ainsi que des galons de général, de maréchal,... sont glanés et des surnoms tels CHEGUEVARA, MANDELA,... sont obtenus pour la cause des étudiants. Il importe à présent d'examiner la cause sociale de la violence en milieu universitaire. B- La cause socialeL'enseignement supérieur est « comme le sommet de la nouvelle société, comme le centre névralgique d'où doit émaner la loi spirituelle du peuple » 28(*). Malheureusement, il n'en est rien pour nos universités en proie à une crise sociale consécutive à une crise de l'éducation de base. Dans le temps, l'éducation des enfants était assurée par toute la société qui leur transmettait des valeurs morales. De nos jours, cette éducation est le fait de la seule famille biologique. Or, la crise économique conduit les parents à rechercher inlassablement la subsistance pour nourrir la famille. Ainsi, ils n'ont pratiquement pas de temps à consacrer à leurs enfants. L'éducation de ces enfants est confiée à la fille de ménage qui est souvent analphabète. A leur entrée à l'Université, ils n'ont aucun repère. Par conséquent, la crise sociale à l'Université prend la forme d'une dégradation des moeurs. En effet, l'esprit qui devrait y être célébré, fait place au corps. La célébration du corps est mise en exergue par l'extravagance des tenues vestimentaires des étudiants et surtout des étudiantes ; ce qui est de nature à réveiller les instincts de certaines âmes sensibles et à occasionner des actes de violences à l'encontre des étudiantes. La crise sociale à l'Université s'exprime également à travers l'irrespect de l'autorité. Le syndicalisme apparaît pour des étudiants comme un tremplin pour sortir de l'adolescence et affirmer leur « maturité ». Jouissant de l'impunité, ils défient alors l'autorité des enseignants, des responsables académiques et administratifs. Plongés dans le sentiment d'être exemptés de toutes sanctions et portés en héros par leurs camarades, ces étudiants supportent mal d'être ramenés à leur simple statut d'étudiants. Ils tolèrent difficilement la critique et la remise en cause. L'enseignant ou toutes autres personnes qui s'y aventurent, s'exposent à des représailles. La peur qu'une telle situation inspire permet d'expliquer pourquoi des étudiants se substituent à certaines autorités administratives. Du fait de cette même situation, et par la force des faits, des étudiants obtiendront de leurs maîtres ce qu'ils ne méritent point. Cette perte de l'autorité académique a pour conséquence l'altération de la notoriété de l'institution universitaire. Ainsi, les sources de la violence en milieu universitaire concernent d'une part, le dysfonctionnement de l'Université et, d'autre part, la conjoncture étatique. Une meilleure connaissance du phénomène de la violence importe d'ajouter à l'examen de ses sources l'analyse de ses manifestations. * 28 FARIAS (Victor), Heidegger et le Nazisme, Paris, Verdier Lagrasse, 1987, p. 118. |
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