II. La politique de développement burkinabè
des biocarburants
Au Burkina Faso le pilotage de la politique du
biocarburant est assuré par le MMCE. Or, il s'agit d'un ministère
faiblement déconcentré qui est peu habitué à la
prise en compte des pratiques locales et des impacts locaux de ses politiques.
La stratégie du Burkina Faso en matière de biocarburant est
axée sur une régulation de l''exploitation de pourghère.
Globalement la stratégie du ministère est prudente. Elle cherche
à encadrer l'engouement incontrôlé qui a conduit les
burkinabè à planter du jatropha sans aucune visibilité sur
la qualité du produit, ses implications et ses coûts. Elle donne
notamment la priorité :
- aux trois conditionnalités suivantes qui sont
l'adéquation avec la sécurité alimentaire, la protection
de l'environnement, de la biodiversité et du développement
durable et le respect de la paysannerie traditionnelle ;
- au plafonnement des surfaces dédiées aux
biocarburants à 5,5% de la surface cultivable disponible du Burkina
Faso, soit 500.000ha (3/5 pour l'électricité, 2/5 pour le
carburant) jusqu'en 2025 pour satisfaire uniquement le marché national
et la possibilité de développer des filières courtes
destinées au marché local ;
- l'organisation de la profession autour notamment
d'organisations faîtières et d'un régime de
déclaration des surfaces cultivées ;
- un protocole de suivi qui associe les parties prenantes
regroupées dans le comité interministériel CICAFIB aux
autorités nationales et locales.
Les autorités gouvernementales ont centré les
débats des biocarburants autour de trois enjeux :
- impact des biocarburants sur les prix et sur la
sécurité alimentaire ;
- les processus d'homologation et de certification sur la
qualité des biocarburants et sur le respect de l'environnement par les
filières de production et de transformation ;
- les arbitrages entre les filières courtes pour le
développement local et les filières nationales et internationales
principalement axées sur le marché.
La mise en place d'une stratégie de
développement des biocarburants passe aussi par une substitution des
biocarburants aux hydrocarbures importés.
III. la substitution du jatropha au gasoil
La part du marché du jatropha au Burkina Faso est
principalement orienté dans l'alimentation des plateformes multi
fonctionnelles (PTF).Pour une meilleure compréhension présentons
ces PTF avec les avantages, les contraintes et les risques liés à
la substitution du gasoil au HVB du jatropha.
III.1 Description des plateformes
multifonctions : donc le marché du jatropha
Une plateforme multifonctionnelle est à la fois
un système de production d'énergie mécanique et
électrique ainsi qu'une entreprise de service énergétique
en milieu rural pour la transformation agricole. A l'initiative du gouvernement
burkinabè, un Programme national pour le développement de
Plate-forme multifonctionnelle, soutenu par le Programme des Nations Unies pour
le Développement (PNUD), a vu le jour en 2005 à la suite d'une
phase pilote achevée en 2004.
Une Plateforme multifonctionnelle permet la fourniture
d'énergie mécanique et électrique de manière
décentralisée; elle est conçue avec du matériel et
des pièces de rechange facilement accessibles. Dans la philosophie du
programme national des PTF, une Plateforme permet donc d'offrir des services
énergétiques pour des usages productifs, sociaux, individuels et
collectifs. Les services énergétiques permettent
d'économiser à la fois l'énergie humaine et le temps, et
suscitent la possibilité de génération de revenus, de
réduction de la pauvreté et favorisé le
développement humain. Les plateformes fonctionnent aujourd'hui au
gasoil. Mais qu'en est-il de son évolution ?
Tableau 04 : Evolution des PTF et leurs
consommations de gasoil
Rubriques/Années
|
2008
|
2009
|
2010
|
2011
|
2012
|
2013
|
2014
|
2015
|
2016
|
2017
|
Nombre PTF
|
269
|
469
|
669
|
869
|
1.069
|
1.269
|
1.469
|
1.669
|
1.869
|
2.069
|
Consommation de gasoil (m3)
|
673
|
1.173
|
1.673
|
2.173
|
2.673
|
3.173
|
3.673
|
4.173
|
4.673
|
5.173
|
Source : Communication PNUD.
On note une nette croissance du nombre des
plateformes multifonctionnelles et une hausse de la consommation de gasoil.
Illustration détaillée par la courbe ci-dessous :
Figure 03 : Courbe
d'évolution des PTF et leurs consommations de gasoil
Source : PNUD.
III.2 Les avantages et les contraintes liés
à la substitution
Tableau 05 : Les avantages et les contraintes
liés à la substitution.
Avantages
|
Contraintes
|
· Pas de saut technologique
· Réalisable à court terme
· Flexibilité du taux de substitution
HV/pétrole
· Flexibilité en termes de possibilité de
mélanger avec tout type d'huiles végétales
· -Marge d'expansion importante (jusqu'à 90% de
substitution avec le pétrole)
· Faible investissement pour les paysans
· Diversification de la production paysanne
· Sécurisation d'une filière de rente pour
les paysans
· Besoin équipements légers à tous
les stades de la filière
· Opportunité d'accès à des projets
crédits carbone pour la SONABHY et la SONABEL
· Réduction du coût de
l'électricité
· Réduction dépenses budgétaires
(subvention au
DDO ?)
· Amélioration de la balance commerciale
|
· Problème de qualité de
l'approvisionnement (huile ou
graines)
· Manques de normes pour analyse
et spécification des huiles
végétales comme carburants
· Coût de transport de l'huile
· Compétition avec l'alimentation
selon la matière première (effet
marché)
- Réduction recettes budgétaires
(TVA)
|
Source : Ministère des Mines des
Carrières et de l'Energie
IV. Historique de l'usine de transformation
BELWET
Le projet BELWET (production d'agro carburants à
partir du jatropha) a été initié grâce à la
rencontre avec Deutsch Bio Diesel. L'association BELWET a entrepris la culture
du jatropha dans le but d'exporter des graines en Europe. Pourtant, suite au
retrait de cette société, l'association s'est retrouvée
seule avec les engagements pris avec ses producteurs. Dans le même temps,
la polémique liée aux biocarburants surgissait, modifiant le
contexte c'est-à-dire que les pays européens ne voulant plus
importer de produits oléagineux des pays du Sud, BELWET recentra ses
activités sur le marché national ou régional.
Inaugurée en juillet 2010, l'usine de transformation de BELWET (la
première de ce type dans le pays) est située dans la zone
industrielle de Kossodo. Aujourd'hui, l'usine est en phase de test. Elle
emploie 45 personnes et a une capacité de production de 7.500 litres par
jour. L'usine dont les moteurs utilisent les tourteaux comme combustibles
réalise les différentes étapes de la transformation en
biocarburant : concassage, décantation, épuration chimique,
lavage. Dans cette phase test, l'huile de jatropha est destinée à
alimenter les PTF du Burkina Faso qui se développent depuis 2005 avec le
soutien du PNUD. Les plateformes fonctionnent aujourd'hui au gasoil. Les
communautés utilisant les plateformes pourraient devenir le principal
débouché d'une production d'huiles végétales de
jatropha produites localement qui se substitueraient partiellement ou
totalement au gasoil consommé par les moteurs. Le litre de jatropha est
annoncé à 550 francs CFA et 600 F CFA au village au lieu de 700
pour le litre de gasoil. BELWET compte sur des graines en provenance de 80.000
producteurs répartis dans 1.300 villages et ce sont quelques 86.000 ha
de jatropha qui seraient plantés dans tout le pays.
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