Chapitre 3 : Les tentatives de l'industrie musicale
pour sortir de ce marasme
Afin de se libérer des problèmes auxquels
l'industrie musicale se trouve confrontée, de nouvelles orientations
stratégiques furent envisagées et des plateformes de
téléchargement légales furent mises en place
parallèlement à la lutte menée contre les pirates.
I - De nouvelles orientations
Malgré les efforts fournis par les maisons de disque
pour proposer aux consommateurs des nouveautés et rendre le support Cd
plus attrayant : packaging soigné, digipack, bonus ... Rien n'y fait,
ces efforts n'ont pas contribué à faire reculer le
téléchargement illégal de façon significative. Le
prix jugé excessif restant toujours un élément
dissuasif.
Les majors ont tenté de contourner le
problème posé par le téléchargement illégal
en mettant en oeuvre une stratégie visant à toucher les
catégories de la population qui ne téléchargent pas.
La stratégie a consisté à cerner les attentes de
chacune des catégories de population et à répondre le
mieux possible à leurs attentes : si l'on prend l'exemple des moins de
12 ans, l'enjeu était de leur proposer des musiques entrainantes avec
des paroles simples, le tout appuyé par un clip en dessins animés
diffusé dans le cadre d'un partenariat avec des chaines de
télévisions (exemple de Ilona avec « un monde parfait
»).
Mais ces stratégies négligent les 15-30 ans qui
sont repérés comme les plus importants utilisateurs de MP3 et
aussi comme la partie de la population qui consacre le plus de temps au loisir
« écoute de la musique », il était donc
nécessaire que les maisons de disque puissent proposer une offre
satisfaisante pour ces personnes.
II - Les plateformes de téléchargement
légales
Face à l'intégration croissante du
téléchargement dans les habitudes d'écoute, les maisons de
disque se devaient de réussir à fournir une offre attrayante pour
le public.
C'est à partir d'avril 2003 avec
l'arrivée de Itunes que le marché français du
téléchargement musicale s'est réveillé.
S'appuyant sur le succès de son Ipod, Apple a
complètement orienté le marché jusqu'à même
imposé le prix totalement arbitraire de 0,99€ par titre
Maxime Varloteaux - Mémoire de recherche - 25
Master 1 Management - Parcours Marketing
téléchargé. Or, ce prix n'a pas pour
objectif d'accroitre ses revenus mais simplement de stimuler les ventes de son
baladeur, principale source de revenu de Apple : « C'est un tout nouveau
modèle économique que propose Apple. La vente de musique lui
permet de vendre plus de baladeurs et vice versa15» admet
Pierre Pouels, ancien Pdg de Sony France.
Emportées par la déferlante Itunes, les autres
plateformes ont également appliqué ce prix de 0,99€ le titre
et de 9,99€ l'album. Appliqué par quasi tous, ce prix est devenu un
étalon de la valeur de la musique sur internet. Ces dernières ont
également opté pour la vente au titre inspirée elle aussi
de Itunes.
Face à cette nouvelle façon de vendre la
musique, il a fallu adapter les moyens de paiement, les différents
acteurs ont adopté des solutions relativement similaires : un
système d'audiotel qui permet au client de créditer son compte
d'un certain nombre de titres, des cartes pré-payées vendues en
magasin, paiement par sms ou par carte bancaire.
La problématique principale de ces sites est
de réussir à convaincre les internautes de payer pour leur
musique. Pour cela, les plateformes légales doivent
réussir à concurrencer les réseaux peer-to-peer en terme
d'offre. Il faut donc qu'elles soient en mesure de fournir le plus riche des
catalogues possible.
Pour déterminer si ces plateformes légales sont
compétitives, il suffit en principe de comparer leurs offres avec la
quantité de musique échangée sur les réseaux de
peer-to-peer : certains organismes spécialisés dans l'observation
de ces réseaux (comme par exemple la NPD) sont plutôt optimistes
sur les chances de succès de ces plateformes légales même
si le nombre de titres téléchargés légalement reste
encore loin de ceux obtenus illégalement. Bien que l'évolution de
l'audience enregistrée par ces sites connaisse une évolution
très positive, ce succès populaire ne leur permet pas d'asseoir
un modèle économique et donc d'assurer une rentabilité
suffisante.
Car nous ne pouvons nier que le tarif unique de 0,99€ le
titre est loin d'être un avantage pour ces plateformes. En effet,
à ce prix, nous ne sommes pas loin du prix d'un album physique de 15
titres comprenant en plus un livret (avec des photos ou encore les textes des
chansons) et d'éventuels bonus. Depuis avril 2009, cette tarification
unique a été révisée et désormais 3 tarifs
différents s'appliquent : 1,29€ pour les nouveautés et les
tubes, 0,99€ et 0,69€ pour les titres plus anciens. Les albums
complets eux, sont toujours proposés à 9,99€ en
nouveauté. Ce changement de prix résulte de la volonté des
maisons de disques de pratiquer une tarification variable afin de mieux
15 « Musique Des majors pas
très Net H par D.Bui, Le Nouvel Observateur,
27/05/2004
Maxime Varloteaux - Mémoire de recherche - 26
Master 1 Management - Parcours Marketing
compenser les baisse de vente de disques sur le marché
physique : ainsi, un titre peu demandé ou suffisamment ancien se verra
facturé 0,69€, tandis que les plus populaires ou les plus
récents seront vendus au prix de 1,29 euro. Apple a cependant
assuré que les titres à 0,69€ seront nombreux sur son
service.
Mais le prix ne doit pas être l'unique critère
sur lequel labels et plateformes de téléchargement légal
doivent faire un effort : les fichiers musicaux jusqu'alors fournis sur ces
plateformes légales étaient protégés par des DRM
16, des verrous numériques qui limitaient l'usage d'un
fichier légalement acquis (les MP3 acquis illégalement ne portant
pas ces verrous). Un fichier obtenu légalement n'était pas
lisible sur tout type d'appareil et était donc moins pratique à
utiliser qu'un fichier obtenu illégalement qui lui se lisait plus
facilement. Depuis avril 2009, les fichiers acquis légalement sont
dépourvu de ces verrous afin de contenter au mieux les consommateurs.
L'utilité des ces verrous étant de toute manière nulle car
une seule copie contrefaite suffit à alimenter le réseau
illégal, il est dès lors très difficile de freiner les
copies illégales.
· Le projet de la licence globale
Aujourd'hui lorsque l'on utilise une plateforme légale
pour acquérir des titres musicaux, 2 solutions s'offrent à nous :
payer au titre ou par album, ou alors souscrire à une formule
d'abonnement.
L'abonnement au téléchargement s'articule
autour de 2 offres : un téléchargement illimité dans un
catalogue pré-défini contre une certaine somme mensuelle ou un
nombre précis de titres payés d'avance à
télécharger. Ces formules de téléchargements se
révélant peu rentables et non porteuse de satisfaction pour le
consommateur, elles sont aujourd'hui remises en cause afm d'être si
possible remplacées par un projet de licence globale.
Le concept de licence globale vise à proposer
aux consommateurs un service de téléchargement légal
illimité sur tous les catalogues contre un certain montant inclus dans
les forfaits des fournisseurs d'accès Internet.
La stratégie de la licence globale consiste à
agir à l'endroit où le marché est le plus important c'est
à dire au niveau des fournisseurs d'accès internet et des
opérateurs téléphoniques car aujourd'hui prêt de 25
millions de français disposent d'une connexion haut débit
à leur domicile, ce qui représente 14,5 millions de connexions
haut débit. Ces chiffres montrent que la
16 Digital Rights Management (gestion numérique des
droits)
Maxime Varloteaux - Mémoire de recherche - 27
Master 1 Management - Parcours Marketing
licence globale serait le modèle le plus rentable, un
ajout de quelques euros destinés à la musique sur les forfaits
internet et mobile permettrait de dégager suffisamment de revenus pour
rémunérer correctement tous les acteurs de l'industrie musicale.
Seule difficulté, les fournisseurs d'accès internet seraient
obligés de comptabiliser les téléchargements afin de
répartir les revenus aux labels en fonction du
téléchargement par artiste.
Le projet de licence globale a été
refusé en 2006 par l'assemblée nationale, il a été
révisé afin d'être à nouveau présenté
courant 2010.
III - Lutter contre le téléchargement
illégal
La loi Hadopi, appelée aussi loi création et
internet, a été adoptée par l'Assemblée Nationale
le 15 septembre 2009, l'objectif de cette loi étant de mettre un terme
ou tout au moins de limiter les échanges d'oeuvres qui ont lieu sur les
réseaux peer-to-peer, sans l'accord de leurs ayants droits. Cette loi
annonce la création d'une autorité administrative : la Haute
Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection des droits sur
Internet, chargée de mettre en place les dispositifs de surveillance et
de sanctions des pratiques d'échanges de fichier de pair à
pair.
En cas d'infraction, une riposte graduée
commençant par l'envoi de courriels d'avertissements et pouvant aller
jusqu'à la suspension de l'abonnement internet des contrevenants est
prévue. Toutes ces dispositions sont soutenues par les
représentants des industries culturelles au nom des pertes
générées par le téléchargement
illégal, mais décriées par les associations de
consommateurs et d'internautes qui y voient une sanction
disproportionnée.
La loi Hadopi présente la particularité de ne
viser qu'une forme de piratage (le peer-to-peer). Or, il existe des pratiques
alternatives comme le direct download que nous avons vu dans le chapitre 2, qui
présentent l'avantage de contourner la loi Hadopi.
Une enquête réalisée fin 2009 par le
M@rsoin17 sur 2000 individus donne une première
évaluation des effets de la loi Hadopi sur les pratiques des internautes
français. Les internautes ont-ils réduits leurs
téléchargements illégaux depuis le passage de cette loi ?
Se sont-ils tournés vers des formes de piratage échappant
à Hadopi ? Ou alors sont-ils passés aux méthodes
légales ?
Cette enquête met en avant qu'à peine 15% des
internautes qui utilisateurs des réseaux peer-
17 Môle Armoricain de Recherche
sur la Société de l'Information et les Usages d'iNternet ; «
Une première évaluation des effets de la loi Hadopi sur les
pratiques des internautes français H par S.Dejan-T.Pénard-R.Suire
(M@rsouin, CREM et Université de Rennes 1 ; Mars 2010
Maxime Varloteaux - Mémoire de recherche - 28
Maxime Varloteaux - Mémoire de recherche - 29
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to-peer avant l'adoption de la loi Hadopi ont
définitivement mis un terme à cette pratique ; parmi ces
ex-téléchargeurs, seulement un tiers a renoncé à
toute forme de piratage numérique alors que les deux tiers restants se
sont tournés vers des méthodes alternatives échappant
à la loi Hadopi.
Il est aussi constaté que bien que le nombre
d'internautes fréquentant les réseaux peer-to-peer ait
diminué, le nombre de pirates numériques a lui, par contre,
légèrement augmenté depuis le vote de la loi.
Parmi les internautes qui fréquentent toujours les
réseaux peer-to-peer, 25% d'entre eux déclarent avoir
modifié leurs pratiques de piratage depuis le passage d'hadopi.
L'étude met en évidence les limites de la loi
Hadopi qui assimile le piratage à un protocole de communication : le
peer-to-peer, et réduit les pirates aux seuls utilisateurs de ce
protocole. La mise en place d'une autorité administrative
ciblant l'usage d'un seul type de réseaux semble avoir eu pour effet de
simplement modifier les techniques de piratage vers des méthodes qui
contournent les dispositions de la loi.
Enfm, les pirates numériques se révèlent
être dans la moitié des cas, également des acheteurs
numériques, donc couper la connexion internet des utilisateurs de
réseaux peer-to-peer pourrait potentiellement réduire la taille
du marché des contenus culturels numériques de 27%. Une extension
de la loi Hadopi à toutes les formes de piratage numérique
exclurait du marché potentiellement la moitié des acheteurs de
contenus cultuels numériques.
Il faut noter que la loi ne différencie aucunement
l'internaute qui télécharge, du propriétaire de la
connexion internet, et également, que au nom de la protection des
données personnelles, les fournisseurs d'accès internet
pourraient ne pas avoir à communiquer les coordonnées de leurs
pirates de clients.
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