Secret et proces penal au cameroun( Télécharger le fichier original )par Pauline Priscille NGO NOLLA Université de Yaounde IIS SOA - DEA Droit privé option sciences criminelles 2010 |
SECTION I: L'OPACITE DES INFORMATIONS CONCERNANT L'ETAT OPPOSEE AU PROCES PENAL12- L'Etat fait penser, à quelque chose d'abstrait de mécanique, d'essentiellement administratif et politique32(*). Cette armature a pour principe la distinction entre gouvernants et gouvernés, les premiers disposant de l'autorité et de la force publique pour commander aux seconds et s'en faire obéir33(*). C'est ce qui justifie la protection particulière dont le législateur couvre ses informations qui sont opaques. L'opacité des informations concernant l'Etat se manifeste par la complexité du secret d'Etat (§I) et induit une impunité en matière pénale (§II). §I- LA COMPLEXITE DU SECRET D'ETATLe secret d'Etat est complexe car il fait intervenir divers éléments, d'où l'étude de sa notion (I) et il revêt une importance particulière dans le procès pénal (II). I- La notion de secret d'Etat34(*)13- Selon le Dictionnaire Petit Robert : « le Secret d'État est une information dont la divulgation serait nuisible aux intérêts de l'État. ». A la lecture de cette définition, la préoccupation de savoir quels sont les intérêts de l'Etat se pose. En d'autres termes est-ce que l'intérêt protégé ici est relatif à certaines matières réservées, certains organes, ou certaines personnes ? Plus simplement est ce que toutes les informations relatives à l'Etat sont des secrets d'Etat ? La personne du Chef de l'Etat est à cet effet, symptomatique de la controverse et du flou qui entourent la quintessence de la notion de secret d'Etat. Puisque la pratique nous égare quant à la détermination du critère rattachant le Chef de l'Etat au secret d'Etat. Toujours est-il que la doctrine s'accorde pour dire que le secret d'État couvre toute information dont la divulgation nuirait aux intérêts fondamentaux de l'appareil de l'État. D'une manière générale, il s'applique à plusieurs réalités : la diplomatie35(*) qui est selon le dictionnaire Larousse, une science pratique des relations internationales ; les services de renseignement ; les informations confidentielles du gouvernement ou des organisations internationales ; les informations concernant des crimes graves de droit commun et la défense nationale. 14- Le secret de la défense nationale36(*) traditionnellement englobe tous renseignements, objets, documents ou procédés dont la divulgation ou la révélation serait de nature à nuire à la défense nationale. Le « secret défense »37(*), est aussi cette doctrine d'emploi des forces, qui énonce des idées directrices qui doivent permettre la conduite de l'action militaire en cas de conflit opposant le Cameroun à un autre pays. Les informations ici sont classifiées selon leur nature et leur accès est limité aux personnes ayant fait l'objet d'une habilitation particulière. On distingue quatre niveaux de protection des informations en matière de défense : le premier niveau est celui de la diffusion restreinte qui concerne des informations qui peuvent être connues de tous les militaires mais en respect des règles de discrétion professionnelle. Le deuxième niveau est celui du confidentiel défense qui porte sur des informations qui, réunies ou exploitées peuvent conduire à divulguer un secret défense ; le troisième niveau est relatif au secret défense dont la divulgation des informations peut nuire à la défense et le quatrième niveau très secret englobe les informations qui concernent les priorités gouvernementales de défense. L'article 109 CP dispose que : « Est réputé secret de la défense nationale pour l'application du présent code tout renseignement de toute nature susceptible d'aider des entreprises hostiles contre la République et qui n'a pas déjà été rendu public ». Ces entreprises hostiles sont par exemple : l'espionnage, la trahison, le terrorisme. 15- La primeur du secret d'Etat au regard d'autres normes telles le secret des sources d'informations est affirmée. Ainsi, en droit comparé, la Cour européenne, dans l'arrêt TELEGRAAF Media Nederland LANDELIJKE Media B.V. et autres c. Pays- Bas rendu le 22 novembre 2012 a pu réaffirmer que la protection des secrets de l'État justifie une atteinte aux secrets des sources journalistiques. Aux yeux de la Cour, la protection des sources n'est pas un droit absolu, et peut céder devant les intérêts supérieurs de l'État, notamment lorsque, comme en l'espèce, ses services sont victimes de fuites dont ils doivent rechercher l'origine38(*) . La grande étendue du champ d'application du secret d'Etat et l'imprécision des définitions laisse entrevoir qu'en la matière, le principe de légalité n'est pas toujours de mise. * 32 Larousse (Dictionnaire des synonymes). * 33Cf. E. BAUDIN, Cours de philosophie morale, éd. Gigord, 1936. * 34 Dans certaines législations, comme celle de la Grande Bretagne on parle de secrets officiels. * 35 Cf. BOUILLIER, in. Questions de morale: « Assurément on ne peut demander à des ministres des affaires étrangères et à des ambassadeurs de révéler des secrets d'État ». * 36 VOUIN in. Droit pénal spécial : « Les secrets de la défense nationale sont définis par la loi... on notera spécialement que des renseignements d'ordre économique ou industriel peuvent être réputés secrets de la défense nationale ». * 37 A. PEMBOURA, in. Le processus de formation de
la culture stratégique camerounaise: Analyse du rôle des
écoles militaires, mémoire de DEA en science politique,
Université de Yaoundé II Soa, 2005.
* 38 R. LETTERON, Secret des sources c. Secret d'Etat, Les tribunaux néerlandais estiment que la protection des secrets de l'État justifie une atteinte aux secrets des sources journalistiques. |
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