Secret et proces penal au cameroun( Télécharger le fichier original )par Pauline Priscille NGO NOLLA Université de Yaounde IIS SOA - DEA Droit privé option sciences criminelles 2010 |
II- L'autorité morale de la chose jugée81- La chose jugée en matière pénale implique une interdiction de remettre en cause un jugement, en dehors des voies de recours prévues à cet effet. L'autorité morale n'est faite que de respect disait fort opportunément J.-R. BLOCH140(*). L'autorité morale de la chose jugée implique donc le respect de cette interdiction en dehors des voies de recours. Elle passe par la non divulgation du contenu des discussions du délibéré (B) et ceci d'une manière pérenne (A). A- La pérennité du secret des délibérations 82- Le principe est acquis en matière pénale que le secret vise entre autres la préservation de la présomption d'innocence et à garantir l'efficacité des investigations. C'est dire qu'au moment de la fin de la procédure, ces objectifs tombent en désuétude car l'innocence ou la culpabilité du mis en cause est établie, et les investigations sont closes. Néanmoins en ce qui concerne le secret des délibérations, il est avéré qu'il doit le rester de manière pérenne. Il n'existe pas en la matière un délai au-delà duquel ce secret peut être levé. B- La non divulgation du contenu des discussions du délibéré 83- Les discussions du délibéré sont secrètes lors de leur déroulement et même après le rendu de la décision de justice la sanctionnant. Elles posent le problème de savoir s'il faut que soient révélées les positions adoptées par chacun des juges qui a pris part à la délibération? Car, il arrive que la décision rendue publiquement au final ne soit que la délibération, résultat de la majorité. D'où l'intérêt de ce que d'aucuns appellent opinions séparées ou opinions dissidentes. 84- Les opinions séparées consistent en la publication anonyme ou non de l'opinion minoritaire dans les affaires suscitant un débat juridique intense et comportant un enjeu essentiel sur une question de société. Cette option viserait selon ses partisans à améliorer la lisibilité du débat devant la Cour de cassation, à admettre plus de transparence dans les méthodes de jugement et à faire progresser la jurisprudence. Ainsi, l'information des juristes et du public serait plus complète, plus éclairée141(*). Les juridictions de Common Law, n'y voient aucun inconvénient et vont plus loin en s'attachant à l'option des opinions dissidentes. Aussi, un arrêt de la Cour suprême des Etats Unis, par exemple, sera publié avec dans son corps, s'il y a eu au cours du délibéré des juges dissidents, l'exposé de la «dissenting opinion», le ou les noms des juges dissidents et leur motivation142(*). En droit positif, l'article 470 du CPP aux alinéas 3 et 4 énonce que : « Après délibérations, les membres de la Cour votent et l'opinion ayant obtenu la majorité des voix constitue la décision de la Cour, aucun membre de la Cour ne peut s'abstenir de voter. S'il y a une opinion dissidente, elle est consignée au dossier». Le dossier de procédure à la phase de jugement est de consultation aisée pour le Ministère public143(*) et les avocats des parties144(*). Il semble que le législateur ait pris fait et cause pour la publication des opinions dissidentes remettant en cause la suprématie du secret du délibéré. Ce choix nous paraît opportun car la démocratie est certes la loi du nombre, mais la minorité qui a eu son mot à dire mérite d'être entendue. Face aux différentes déclinaisons que prend le secret lors du déroulement du procès pénal, il existe l'obligation de respect de ces secrets qui participe d'une garantie supplémentaire non négligeable. * 140 Ecrivain, essayiste, penseur politique, journaliste et poète français. * 141 J-P ANCEL, Les opinions dissidentes, 5ème conférence du Cycle de conférences annuelles sur les méthodes de jugement, Mardi 18 octobre 2005 Grand' chambre, Cour de cassation. * 142 M. H. ADER, Justice et Secret.* 143 Article 394 (1) Si le Tribunal estime que les faits reprochés au prévenu constituent un crime, il se déclare incompétent et ordonne la transmission du dossier de procédure au Ministère Public. * 144 Article 413 (1) Lorsque l'accusé fait choix d'un conseil ou que le Président lui en a désigné un d'office, ce dernier peut à tout moment prendre connaissance des pièces du dossier. (2) Toute pièce versée au dossier entre la clôture de l'information et la clôture des débats doit être portée à la connaissance du conseil de l'accusé qui peut, le cas échéant, demander le renvoi de la cause. |
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