3. Un réseau inachevé : le constat d'une
régionalisation impossible ?
3.1 Etat des flux économiques à Gdansk,
Brème et Riga
Tableau n°1 : Trafic portuaire de
Gdansk/Gdynia en 2006
Ports
|
Gdansk
|
Gdynia
|
Gdansk/Gdynia
|
Partie du Monde
|
Milliers de tonnes
|
%
|
Milliers de tonnes
|
%
|
Milliers de tonnes
|
%
|
Europe
|
13 480
|
61,2
|
10 462
|
85,6
|
23 942
|
70,4
|
Afrique
|
1 535
|
7,0
|
327
|
2,7
|
1 862
|
5,5
|
Asie
|
3 658
|
16,6
|
150
|
1,2
|
3 808
|
11,2
|
Amérique
|
3 091
|
14,0
|
1 276
|
10,4
|
4 366
|
12,8
|
Océanie
|
28
|
0,1
|
0
|
0,0
|
28
|
0,1
|
Total
|
22 034
|
100
|
12 218
|
100
|
34 006
|
100
|
Source : Latvijas Statistikas
Conception, réalisation : Nicolas Escach, 2008
220 Ici il est question des ferries effectuant des liaisons entre
les villes de la Baltique
221 SERRY, A., (2006), Op.Cit., pp.130-131
222 SERRY, A., (2006), Ibidem., pp.275
64
Les échanges économiques intra régionaux
en Baltique sont le fait de deux phénomènes : les flux maritimes
de natures diverses et les investissements directs à l'étranger.
Observons donc ces flux économiques pour les exemples de Brème,
Gdansk et Riga.
Un premier angle d'analyse peut être le relevé
des pays de destination ou de provenance des importations et exportations de
toutes natures223. A Gdansk 61.2% du trafic maritime se fait avec
l'Europe et à Gdynia, 85.6%. Le port de Gdansk apparaît donc
d'emblée plus international que celui de Gdynia, commerçant avec
l'Asie (16.6%) ou l'Amérique (14%). L'échelle européenne
semble donc bien adaptée pour analyser le trafic des ports de
Gdansk/Gdynia. Deux cartes des importations et exportations à
l'échelle de l'Europe permettent donc une mesure plus fine.
Carte n°6 : Principaux partenaires commerciaux
du port de Gdansk en 2006
![](Patrimoine-hanseatique-et-emergence-d-une-region-baltique--Breme-Gda324sk-et-Riga15.png)
Source : Yearbook of maritime economy 2007
Conception et réalisation : Escach, 2008 (logiciel
Wincarto)
Carte n°7 : Principaux partenaires commerciaux
du port de Gdynia en 2006
![](Patrimoine-hanseatique-et-emergence-d-une-region-baltique--Breme-Gda324sk-et-Riga16.png)
Source : Yearbook of maritime economy 2007
Conception et réalisation : Escach, 2008 (logiciel
Wincarto)
223 D'après le «Yearbook of Maritime Economy
2007»
65
A l'échelle de l'Europe, les importations/exportations
du port de Gdansk montrent une composante régionale très forte
mais pas exclusive. Le partenaire commercial le plus important est par exemple
les Pays-Bas avec 2 386 200 tonnes échangées en 2006. Suivent le
Danemark, le Royaume-Uni, l'Allemagne et la Suède (dans l'ordre).
L'Allemagne est donc loin d'être le seul partenaire commercial. Les
importations/exportations du port de Gdynia font apparaître une
omniprésence beaucoup plus évidente des partenaires commerciaux
régionaux. L'Allemagne occupe une place prépondérante
captant 34.9% du trafic avec 3 420 000 tonnes échangées en 2006.
Suivent la Suède avec 1 620 000 tonnes et la Finlande avec 1 618 000
tonnes. Entre les volumes échangés avec les pays scandinaves et
les volumes échangés avec l'Allemagne, on est donc dans un
rapport du simple au double.
Si l'on entre maintenant dans le détail qualitatif des
échanges, on voit que le trafic conteneurisé représente
2.45% du trafic de Gdansk mais 30.6% du trafic de Gdynia. Gdynia est le port
majeur d'entrée des conteneurs en Pologne (rappelons que les ports de
Gdansk et de Gdynia sont les deux premiers ports polonais en termes de trafic
en 2006). Si l'on représente cartographiquement les pays partenaires de
Gdynia dans le trafic de conteneurs, le résultat est clair : l'Allemagne
occupe une suprématie totale avec 3 257 200 tonnes sur les 3 738 700
tonnes échangées soit 87.7%. C'est sans doute parce que le trafic
de conteneurs représente une part importante de l'ensemble du trafic de
Gdynia et parce que ce trafic se fait plutôt vers l'Allemagne que le
trafic total de Gdynia s'oriente plus nettement vers la région baltique
et particulièrement vers les ports allemands.
Graphique n° 3 Part des IDE cumulés
(1990-2006) par origine des investissements
![](Patrimoine-hanseatique-et-emergence-d-une-region-baltique--Breme-Gda324sk-et-Riga17.png)
Source : Memorandum of the Pomeranian Metropolis, Gdansk Banking
Academy, Gdansk 2006 Tiré de : Atlas of the Gdansk Metropolitan Area
2007
Conception et réalisation : Nicolas Escach, 2008
66
Si l'on considère les statistiques des investissements
directs à l'étranger, dans le cas de la ville de
Gdansk224, comme à l'échelle de l'ensemble de la
Poméranie225, l'Allemagne domine nettement par son apport de
capitaux constituant environ 21% des IDE. En revanche, les pays suivants
investissant à Gdansk et en Poméranie ne sont pas que des pays
baltiques. La France ou les Pays-Bas occupent une place au moins aussi
importante que la Suède, le Danemark ou la Norvège. Certes la
composante régionale est présente (16.5% des IDE à Gdansk
et 18.5% en Poméranie hors Allemagne) mais elle est assez faible.
Pour l'exemple de Gdansk et de Gdynia, il est donc possible de
conclure que : la régionalisation se fait surtout par les flux maritimes
et peu par les IDE, le port de Gdynia paraît plus régional que le
port de Gdansk et plus axé sur le trafic de conteneurs, les partenaires
commerciaux régionaux principaux sont l'Allemagne et les pays
scandinaves.
Le port de Riga ne peut être traité aussi
précisément que les ports de Gdansk et de Gdynia car peu de
statistiques à l'échelle du port ont pu être
trouvées. Faute de mieux, nous avons retenu des chiffres à
l'échelle de la Lettonie dans son ensemble226. Concentrons
nous donc sur les importations et exportations de Lettonie (maritimes et non
maritimes). L'Europe représente pour la Lettonie 93.4% de son
trafic227 soit quasiment la totalité. Si l'on prend en compte
les flux entrant et sortant de Lettonie en 2006, on constate que la composante
régionale est très forte. Les partenaires commerciaux les plus
importants sont les autres pays baltes (Lituanie, 2e, Estonie, 3e) et
l'Allemagne (1er partenaire commercial). L'importance des pays
baltes peut être attribuée ici à la présence de
tronçons de la « via Baltica » et de la « via Hanseatica
» qui ont pu créer un effet structurant. En revanche, il est
possible de supposer que l'importance de l'Allemagne est pleinement due aux
flux maritimes. La Suède, la Finlande et la Pologne occupent une place
essentielle mais ce qui est remarquable, ce sont les liens avec les pays de
l'ex-CEI (Russie, Biélorussie, Ukraine). Si l'on sépare à
présent les flux entrants des flux sortants, on remarque que les
importations viennent principalement d'Allemagne, des pays baltes et de
Pologne, Suède, Finlande ainsi que des pays de l'ex CEI, très
présents. Pour les flux sortants, les pays baltes, l'Allemagne, la
Suède, la Russie et le Royaume-Uni se détachent nettement. Le
Royaume-Uni est le premier marché d'exportation pour les produits
lettons, notamment le bois (Orcier, 2005).
Si l'on affine cette lecture quantitative par une lecture
qualitative, on s'aperçoit que la Lettonie échange avec la Russie
surtout des produits minéraux, avec l'Allemagne et la Suède
surtout des conteneurs. Le trafic de conteneurs qui était l'un des
éléments les plus importants du port de Riga sous l'Union
Soviétique est aujourd'hui en chute libre dans ce port passant de 24%
avant 1990 du trafic à 10% en 1995 (Serry, 2006). Les liens avec
l'ex-CEI sont en revanche toujours très importants. Si l'activité
des ports polonais repose pour une grande partie sur les ressources de
l'économie nationale,
224 D'après «Atlas of the Gdansk Metropolitan Area
2007»
225 D'après « Pomorskie Region Economy 2007 »
226 D'après « Statistikas Latvijas »
227 Moyenne exportations et importations
67
le cas des ports lettons dont les trafics portuaires
relèvent en grande partie des flux d'échanges en provenance ou en
direction de la Communauté des Etats Indépendants diffère.
Les ports lettons, libres de glace, sont en effet des ports de transit au coeur
du trafic Est/Ouest entre les pays de l'ex-CEI et l'Union Européenne.
Dans ces échanges de transit qui représentent 80% du volume de
marchandises traitées dans le port de Riga (Orcier, 2005), la Russie
prend une part importante. Les ports baltes se livrent une intense concurrence
pour capter les trafics russes (de pétrole raffiné amené
vers les ports baltes par voie ferrée, et de pétrole brut
amené par oléoduc). La situation est en effet favorable : L'Union
Européenne compte pour 35% dans le commerce extérieur russe. Mais
la Russie n'est pas le seul hinterland de ces ports de transit. Pour la
Lettonie, le développement des relations avec les Etats de l'ex-CEI
permet de diversifier ses fournisseurs pour réduire sa dépendance
à l'égard de la Russie. Cela d'autant plus que, depuis quelques
années, la Russie cherche à gagner en autonomie en construisant
ses propres ports dans le golfe de Finlande (ports de Vyborg et de Vysotsk,
projet portuaire de Batareïnaïa, port de Primorsk). Pour des
états « enclavés » comme la Biélorussie ou le
Kazakhstan, les ports lettons peuvent constituer une porte de sortie (Orcier,
2005). L'importance de l'axe Mer Baltique-Mer Noire est à cet
égard à noter. Cet axe faisait partie des corridors
paneuropéens d'Helsinki (corridor IX) et reprend l'ancienne route de
commerce médiévale dite « des Varègues aux Grecs
» (Serry, 2006)
Les investissements directs228 à
l'étranger peuvent aussi être un important
révélateur. Or près de 60% des IDE en Lettonie proviennent
de pays riverains de la Baltique. L'Allemagne, la Suède, le Danemark et
l'Estonie occupent une place importante. Les IDE contrairement à
l'exemple de Gdansk/Gdynia participent bien ici à un processus de
régionalisation économique.
Pour l'exemple de Riga et de la Lettonie, il est donc possible
de conclure que : la régionalisation se fait par les flux maritimes et
par les IDE, l'intégration régionale et au sein de l'UE prend
encore majoritairement la forme d'un transit entre l'Est et l'Ouest
malgré l'importance que revêt l'axe Nord/Sud autour de la «
via Baltica » à travers l'apparition de plates-formes logistiques
et multimodales. Le transit se fait principalement entre la Russie et les pays
de l'Europe de l'Ouest (Allemagne, Danemark) et Scandinaves (Suède)
alors que les produits lettons sont exportés plutôt vers le
Royaume Uni.
L'exemple de Brème est un cas à
part229. En effet, Brème n'est pas situé sur la
Baltique. Seul 51.4% du trafic des ports de Brème/Bremerhaven se fait
avec l'Europe. La vocation internationale de Brème est donc nettement
plus affirmée que celle de Gdansk ou de Riga. Les villes asiatiques et
américaines constituent des partenaires privilégiés. A
l'échelle de l'Europe, en revanche, la composante régionale
baltique est très forte. Les principaux partenaires commerciaux outre
les ports allemands sont les pays scandinaves (Norvège, 1er
partenaire commercial, Suède, 4e, Finlande 3e),
La
228 D'après « Statistikas Latvijas »
229 D'après « Hafenspiegel Bremen/Bremerhaven 2006
»
68
Russie (2e partenaire), la Pologne (5e)
et les Pays Bas (6e). Si l'on distingue à présent
importations et exportations, la situation est quelque peu différente.
Les importations viennent principalement de Norvège avec 4 570 473
tonnes débordées en 2006 dont seulement 740 053 tonnes de
conteneurs, de Finlande et des Pays Bas. Les exportations s'orientent
principalement vers la Russie avec 2 055 903 tonnes dont 1 961 381 tonnes de
conteneurs, la Finlande avec 1 072 978 tonnes dont 747 727 tonnes de conteneurs
et la Pologne avec 1 033 208 tonnes dont 1 022 354 tonnes de conteneurs.
Russie, Finlande, Suède et Pologne sont les pays européens les
plus importants en termes de trafic de conteneurs pour
Brème/Bremerhaven. Le port de Saint-Pétersbourg concentre en
effet une bonne partie du trafic baltique de conteneurs. La répartition
du trafic conteneurisé entre les ports de la région a
été considérablement remaniée au cours des
dernières années. Alors que jusqu'en 1998, les conteneurs
empruntaient moins les ports russes que finlandais et baltes, les années
2000 voient ce trafic se réorienter sur ceux-ci. La moitié des
conteneurs est traitée dans les ports russes aujourd'hui, celui de
Saint-Pétersbourg essentiellement (Serry, 2006). Le port de Brème
soumet alors les autres pays à une certaine dépendance, exportant
ses conteneurs vers la Russie. Prenons l'exemple de la Lettonie : dans le
classement des partenaires commerciaux de Brème, le pays est le
29e pays vers lequel Brème/Bremerhaven exporte, le
15e pays duquel Brème/Bremerhaven importe et le
25e pays en termes de trafic de conteneurs.
Pour l'exemple de Brème, Bremerhaven, il est donc
possible de conclure que : la dépendance des villes baltiques à
l'égard de Brème est plus grande que la réciproque. Les
relations commerciales de Brème sont pour une part modeste
européenne mais ces relations européennes sont surtout baltiques.
Brème exporte surtout vers la Russie mais importe beaucoup des pays
scandinaves.
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