Patrimoine hanséatique et emergence d'une région baltique : Brème, Gdańsk et Riga( Télécharger le fichier original )par Nicolas Escach Ecole Normale Supérieure - Master STADE 2001 |
1.2 La gestion de la « ressource » hanséatique, premier pas vers son exploitation touristique ?Ces bâtiments constituent donc le patrimoine matériel de Brème, Gdansk et Riga. Sa gestion est susceptible de générer une activité touristique. La gestion intégrée d'une ressource patrimoniale140 comprend quatre éléments qui doivent être en interaction : la protection et la connaissance de la ressource, l'exploitation de la ressource, l'information sur la ressource. A Brème, la guerre a fait d'énormes dégâts et le Schütting et le Stadtwaage ont du être en grande partie reconstruits. L'hôtel de ville n'a, par contre, subi que peu de dommages. En revanche, dans les villes de Gdansk et de Riga, endommagées par la guerre, les restaurations effectuées ont été très controversées. Le terme même de « restauration 141» doit être évité : il s'agit souvent d'une reconstruction. Elle débute de manière surprenante dès l'époque communiste ce qui peut sembler paradoxal pour un régime qui est loin de faire la promotion de la Hanse. Les reconstructions entamées entre 1950-1960 et 1989 se sont poursuivies ensuite. Nous n'allons pas revenir sur la controverse de la reconstruction de la vieille ville de Gdansk qui débute dès 1945-1946142. La reconstruction de la Maison des Têtes Noires prévue dès 1976, mise en place à partir de 1991 et inaugurée en 1999-2000 a fait, elle aussi, scandale143. Les travaux effectués sont alors vivement critiqués : la sauvegarde des 140 Nous avons vu que le mot « patrimonialisation » devait être proscrit car il n'était pas répandu dans les régions de l'Est de l'Europe. L'emploi du mot ressource est donc préférable. 141 Sanierung 142 Dans les années qui suivent, les défenseurs de la théorie du XIXe siècle contre la reconstruction des bâtiments, affrontent ceux qui croient en cette reconstruction, les défenseurs du patrimoine allemand affrontent les plus fervents nationalistes, les défenseurs d'une reconstruction du Gdansk d'avant guerre, s'opposent à ceux qui veulent la reconstruire comme dans les années 1920, comme au XIXe siècle, ou même comme à l'époque médiévale. 143 Les deux dates sont d'ailleurs indiquées sur sa façade 44 bâtiments encore debout serait plus importante que celle des bâtiments détruits144, cette reconstruction nommée « rénovation » serait un mensonge, la qualité serait basse, le bâtiment appartiendrait à une culture étrangère à la culture lettone, plutôt agricole qu'urbaine, utilisant plutôt le bois145que la pierre, elle privilégierait la façade, véritable décor de théâtre, à l'intérieur. Pourtant, un sondage réalisé à Riga montre que la population a choisi la Maison des Têtes Noires comme ce qu'elle appréciait le plus dans les reconstructions des dernières années, faisant d'elle une pierre de voûte de la conscience de la ville. A Gdansk et à Riga, la reconstruction, y compris à l'époque communiste, s'est faite avec des documents d'époque. Des photos, des images, des tableaux, ont été, par exemple, collectés par Marian Pelczar à Gdansk. Le classement à l'UNESCO de ce patrimoine restauré ou reconstruit le connecte avec la possibilité d'un tourisme de grande ampleur : la vieille ville de Riga a été classée en 1997 et l'hôtel de ville et la statue de Roland de Brème en 2004. Certes, la place de la Hanse dans ces classements est très modeste. A Brème, les raisons du classement avancées montrent que la liberté politique acquise par la ville a été privilégiée. La Hanse n'apparaît dans les rapports que lors de rappels historiques ou lors d'une mise en situation de sa place dans un patrimoine plus large. A Riga, la référence à la Hanse est plus explicite mais est noyée au milieu d'autres références146. L'étude de l'ICOMOS rappelle le principe de représentativité unique de l'UNESCO qui ne peut faire de Riga un centre hanséatique : « En tant que cité hanséatique, il est impossible de comparer Riga en termes de globalité et d'authenticité à Lübeck (Allemagne) ou Visby (Suède), (villes déjà inscrites sur la liste du patrimoine mondial) ou bien Tallinn (Estonie) f...], si l'on évalue cette ville par rapport à son importance dans l'histoire architecturale européenne (en tant qu'ensemble d'édifices de l'Art nouveau/Jugendstil), il est impossible de nommer une cité susceptible d'être comparée à Riga »147. Le rapport parle d'une valeur exceptionnelle de l'architecture « Art Nouveau » et de l'architecture en bois du 19e, ces deux styles d'architecture ayant poussé au classement. Mais le label est un catalyseur qui permet aux professionnels de changer leur regard sur leur territoire, de prendre conscience d'un potentiel et de construire une nouvelle offre. C'est une forme de reconnaissance internationale qui engendre une retombée médiatique. Encore faut-il le gérer et communiquer sur son obtention pour qu'il accompagne les stratégies de promotion touristique. Cette communication passe par une mise en valeur, une exploitation et de l'information sur le patrimoine. 144 Il n'y a pas assez d'argent, en effet, pour tout reconstruire 145 Le style letton s'inspirant des Gutshöfen allemandes 146 La variété des réalisations esthétiques émanant de tous les courants de l'histoire est soulignée comme les nombreux édifices, véritables empreintes des trois groupes nationaux qui furent impliqués dans sa création : les Lettons, les Allemands et les Russes mais aussi d'autres groupes comme les Suédois, Juifs, Ukrainiens. Riga est un point de convergence entre les réalisations culturelles de l'Ouest et de l'Est. 147 UNESCO (1996), Evaluation des Organisation consultatives, procédure de classement UNESCO, pp.12, document téléchargeable à l'adresse suivante : http://whc.unesco.org/archive/advisory_body_evaluation/852.pdf (consulté le 01/05/2008). 45 A Brème, « les panneaux d'interprétation », organisés en circuits, sont nombreux et ont été réalisés par le Service des monuments historiques en étroite collaboration avec le centre de Brème pour la culture bâtie148 qui a proposé une base de données rassemblant divers monuments à protéger et mettre en valeur. Les monuments sélectionnés l'ont été en fonction de leur valeur historique, artistique et symbolique. Les premières plaques ont été posées en 1990 et la dernière en 2006. Sur chaque panneau, l'histoire du bâtiment, sa fonction et ses formes artistiques sont décrites et le logo officiel de la ville est présent. Le label de l'UNESCO figure en bonne place sur les plaques situées sur la place de la Mairie. Des brochures disponibles à l'office de tourisme représentent, sur un plan de la ville, le circuit à suivre et un système de fléchage dans la ville conduit les visiteurs vers les différents monuments. Photo n°4 : La mise en valeur des monuments
hanséatiques à Brème et A Gdansk et Riga, la mise en valeur touristique est partielle et en cours de réalisation. Les panneaux d'interprétation manquent : les monuments ne sont pas décrits, expliqués, éclairés. Certes à Riga, il existe une agence d'état chargée de la protection des monuments, un office de tourisme et une agence lettone de développement chargée de la promotion mais ces deux derniers points sont encore faibles. A Gdansk, Ewa Jagodzinska,149regrette que la Hanse ne fasse pas encore l'objet d'une exploitation touristique : la ville aurait beaucoup à gagner à prendre conscience de cet héritage. Certes, du temps est nécessaire mais il faut profiter de cet héritage qui est présent dans la mentalité des touristes qui viennent visiter Gdansk car la Hanse est plus présente à l'étranger qu'en Lettonie. Il 148 Bremen Zentrum für Baukultur 149 Interview réalisée le 29/10/2007 à Gdansk avec Ewa Jagodzinska, responsable du service de la coopération internationale auprès de l'office du maréchal du Voïvodie de Poméranie faudrait que des livres, des cartes postales portent le nom « Hanse », qu'on crée des produits dérivés pour répondre à une demande touristique. Quelles sont donc les raisons de s'appuyer sur un classement UNESCO et de mettre en avant la Hanse dans ces villes ? |
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