6.4. Stratégies autour de la malnutrition
Dans cette section, nous nous proposons de voir les
stratégies développées autour de la malnutrition notamment
les raisons de la fréquentation des centres de santé par les
mères et la prise de conscience progressive de la malnutrition par la
population d'enquête.
6.4.1. Des raisons
de la fréquentation des centres de récupération
nutritionnelle par les mères
En 2005, un concours de circonstances a fait « sortir
» les malnutris cachés et augmenter ainsi les taux d'admission dans
les centres de récupération nutritionnelle.
· Au début : la maladie des enfants, la
gratuité des soins
Les mères ne sont pas conscientes de la malnutrition
comme maladie, comme problème de santé. Elles fréquentent
le CREN à cause des maladies qui accompagnent la malnutrition :
diarrhée, vomissements, anémie, etc. ; et aussi parce que les
soins dans ce centre sont gratuits, contrairement aux CSI où on doit
payer au nom du recouvrement des coûts :
« Honnêtement, quand on est hospitalisé
à guidan tamowa on dépense rien. Si tu vois une femme
dépenser quelque chose, c'est qu'elle l'avait voulu. Sinon, depuis je
suis hospitalisée avec Oumma, on lui a même fait une perfusion
mais je n'ai rien payé. Le repas, on m'amène matin, midi et soir
jusqu'à ce jour. Si tu me vois payer quelque chose je l'ai voulu. On ne
paie rien comme médicament, tout est pris en charge par BEFEN.
». (H., mère d'enfant malnutri).
· Ensuite : le CREN comme filet de
sécurité pour les familles démunies et
vulnérables
La prise en charge des enfants malnutris par l'ONG BEFEN a
été très appréciée par la
population. I.M., agriculteur et père
d'un enfant malnutri affirme: « Sans l'appui des gens du guidan tamowa
beaucoup d'enfants allaient mourir. Nous avons reçu des aides qui nous
ont permis d'atténuer un peu l'effet. Les femmes n'ont pas de lait.
Elles font parfois des journées entières sans manger, c'est
normal que ça se répercute sur les enfants et ils maigrissent
donc beaucoup. Heureusement nous avons reçu l'aide de faire nourrir nos
enfants jusqu'à leurs guérison totale. »
Les mauvaises récoltes de 2009 expliquent la
situation particulièrement difficile des familles en 2010-2011.
B., femme de Droum (village de Mirriah) se retrouve au CRENI
de Mirriah ; son enfant vient d'être sevré et elle est
atteinte de la malnutrition qui a commencé par une diarrhée:
« Tamowa, c'est quand ton enfant maigrit
dangereusement. Il y avait les vivres mais c'était cher. La tiya
(mesure) de mil, la, a coûté par moments 900 FCFA. Tout le monde a
souffert, mais les enfants encore plus car les grands peuvent comprendre la
situation et s'adapter malgré eux. Mais l'enfant ne comprend pas. C'est
la faim qui cause le Tamowa. Si par exemple une maman ne mange pas à sa
faim, comment peut-elle avoir du lait pour allaiter ? Et même ceux qui
tètent peuvent tomber malades de Tamowa. Ils maigrissent de faim.
».
Qu'il y ait des enfants malnutris ou pas dans la famille, la
recherche d'aliments était le principal objectif de beaucoup de famille,
le prix des céréales étant élevé.
Par ailleurs, les agents de l'ONG BEFEN notent des
scènes de désolation et de lamentation lorsque certains enfants
ne sont pas retenus : « C'est parce qu'ils sont réellement dans
le besoin qu'ils sont venus. Nous avons des cas des enfants que nous appelons
«gros bébés». Ce sont des enfants qui sont bien en
forme et que les mères amènent. Après la pesée,
lorsqu'on explique à celles-ci que leurs enfants ne sont pas malnutris,
elles prennent acte mais nous disent que si on ne fait rien pour leurs enfants,
ils risquent de devenir des malnutris, parce qu'ils n'ont plus rien à
manger à la maison.».(H.B.A. infirmier
BEFEN).
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