6.4.2. Une prise de
conscience progressive face à la malnutrition
Remerciements et reconnaissance sont les premiers mots qui
sortent des conversations au sujet du centre de récupération
nutritionnelle de BEFEN:
« Nous les remercions beaucoup vraiment car ce sont
des enfants squelettiques qu'on amène ici mais ils repartent en forme et
tout ça est gratuit, nous ne dépensons rien ; c'est
vraiment bien fait, cela est salutaire ». (A.I., père d'enfant
malnutri, visiteur).
Les familles remercient BEFEN aussi bien pour la prise en
charge médicale que pour la prise en charge nutritionnelle :
« Imaginez une mère qui a son enfant malade
durant des mois, elle n'a pas les moyens de le soigner. Quand elle nous
l'amène, en une semaine son enfant est guéri. Voyez
vous-même sa joie et sa fierté. » (Z., Infirmière
BEFEN).
T., une grand-mère d'un enfant malnutri,
apprécie particulièrement les aliments : « À
guidan tamowa, on aide les enfants avec toutes sortes d'aliments. Il y a
beaucoup d'aliments riches que l'on donne à l'enfant (lait, biscuit...),
il y a du savon pour laver le linge. Si les femmes viennent et reçoivent
ces aliments, leurs enfants deviennent gros. »
Autant que la gratuité des soins, ce sont les
innovations introduites dans la prise en charge de la malnutrition qui, petit
à petit, amènent les parents à prendre conscience de la
malnutrition. Tout le monde sait aujourd'hui que la maladie (Tamowa)
est en partie liée à l'état nutritionnel de l'enfant,
aussi bien en quantité qu'en qualité. Mais les difficultés
économiques, combinées avec le nombre élevé de
personnes à charge et aux habitudes alimentaires, constituent un frein
à la variation de l'alimentation et à l'amélioration de la
qualité des repas.
Convaincues de l'apport nutritionnel des plumpy'nut, des
mères n'hésitent pas à en acheter pour leurs enfants,
malnutris ou non sur les marchés. En effet, une étude de MOUTARI
K. (2010 :2), responsable du volet communautaire de l'ONG BEFEN fait
ressortir qu'il s'agissait d'un marché noir identifié dans le
cadre de ses investigations et qui se situe à la
périphérie de Zinder. Ce marché anime tous les jours et
est animé par les femmes entre 10h30mns et 12h. C'est le marché
dit ``Pontchoss'' dont personne n'a pu fournir la
définition précise du mot, mais qui se présente comme un
lieu où se traitent « les petites
affaires ». Sur ce marché circulent des PPN vendus par
des femmes provenant aussi bien de Zinder que des villages
périphériques. Un sachet de ce produit se vend à 100FCFA
et revient à la vendeuse à 75FCFA.
« Selon certaines interlocutrices,
l'introduction des PPN sur les marchés remonte à 2006-2007. On
rencontre aussi bien à Zinder qu'à Mirriah, des vendeuses
ambulantes des PPN mais pas en milieu rural. Des fillettes âgées
de 8 à 10 ans sont utilisées pour proposer cette marchandise aux
potentiels clients. » (M.K, responsable du volet communautaire
BEFEN).
S., mère des deux (2) jumeaux malnutris vante les
mérites du plumpy'nut : « Le biskit (PPN),
stimule l'appétit, il ouvre le ventre de l'enfant, le calme et lui
fait reprendre le poids. Tous les enfants qui mangent biskit
retrouvent vite la santé. ». C'est pourquoi
« nous sommes heureuses chaque fois qu'on en donne à nos
enfants. ».
Certaines femmes achètent même de vrais biscuits
pour leurs enfants, en s'imaginant qu'ils contiennent les mêmes
éléments nutritifs ou médicaux que le
plumpy'nut.
S., femme de Gaffati (village de Mirriah) attribue la rechute
de sa fille malnutrie à l'arrêt de consommation du plumpy'nut
: « J'ai eu beaucoup de maternités mais j'ai perdu
tous mes enfants. Seuls Nana et son frère ont vécu. Quand on
est partis en urgence à guidan Tamowa, j'étais
désespérée, je croyais qu'elle allait mourir. Grâce
à Dieu et grâce aux gens de Tamowa, elle a
survécu. Là-bas, elle buvait le lait, elle mangeait
biskit. On a été libéré parce qu'ils pensent
qu'elle est guérie totalement. Et pourtant, depuis notre
retour, elle refuse de manger. C'est comme si elle avait oublié
nos aliments qu'elle mangeait avant. Elle refuse tout. Quand
j'achète biskit auprès des femmes qui le vendent elle en
mange. Et comme je ne dispose pas tout le temps du biskit, elle est
retombée malade. »
Un autre changement important est que la malnutrition
lié au sevrage précoce en raison de la grossesse de la
mère n'est plus une « honte ». Ce qui va faciliter la prise en
charge. Le tamowa lié à la faim n'est pas non plus une
honte : « Dans le temps, si un enfant avait tamowa,
c'était une honte pour la famille. Les gens s'imaginaient que
c'est une incapacité du chef de ménage à nourrir ses
enfants ou sa famille. On dissimulait la maladie. Si ça devient
grave (diarrhée persistante, fièvre, vomissement,
maigreur) et que tu pars à likita (hôpital), si le docteur
dit que ton enfant a tamowa, il y en a qui pensent que c'est un
dénigrement. Maintenant, personne ne cherche à
dissimuler ça.» (S., mère des deux jumeaux
malnutris).
La prise de conscience de l'existence de la malnutrition comme
maladie est un grand bond en avant. Les crises nutritionnelles ont ouvert les
yeux même aux services de santé nigériens et à
certains partenaires, comme en témoigne O.M., coordinateur
général de l'ONG BEFEN à Niamey :
« La crise alimentaire a permis d'améliorer
nos stratégies ; jusqu'à présent, la malnutrition, qui
était le «parent pauvre» d'un secteur comme la santé, a
commencé à prendre de l'ampleur. On commence de plus en plus
à intégrer la dimension nutritionnelle au niveau des structures.
On demande qu'il y ait des activités claires au niveau des centres de
santé dans le domaine nutritionnel, on réfléchit sur
l'amélioration des outils d'animation en milieu communautaire. On a
enfin un protocole national de prise en charge de la malnutrition
».
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