6.3. Perceptions du programme de récupération
nutritionnelle
Il est ici question de voir comment le mode d'intervention du
CREN est perçu par les populations d'enquête.
6.3.1.
Fréquentations des centres de santé et circonstances d'admission
au CREN.
Pour mieux comprendre ces représentations, il est utile
de voir quels rapports les populations ont avec les centres de santé. Il
s'agit aussi de voir le rythme de fréquentation des centres de
santé, le lien entre la fréquentation des centres de santé
et la fréquentation des CREN.
Tableau n°9 :
Répartition des enquêtés selon le rythme de
fréquentation des CSI
Fréquentations des centres de
santé
|
Effectif
|
Fréquences
|
Régulièrement
|
46
|
63%
|
Souvent
|
19
|
26%
|
Rarement
|
8
|
11%
|
Jamais
|
O
|
0%
|
Total
|
73
|
100%
|
Sources : données de
l'enquête (juin-juillet 2011)
Le tableau ci-dessus révèle que 63% des femmes
enquêtées affirment fréquenter régulièrement
les centres de santé. Le constat, ici, est que 100% des
enquêtés fréquentent les centres de santé quel que
soit le rythme.
Ainsi, le tableau suivant (tableau n°10), présente
les circonstances d'admission au CREN. Le rapprochement entre les tableaux (9
et 10) permettra de voir le lien qui peut exister entre les
fréquentations de CSI et celles du CREN
Tableau n°10 :
Répartition des enquêtés selon les circonstances
d'admission dans le CREN
Occasion d'admission
|
Effectif
|
Fréquences
|
Pré-dépistage
|
6
|
8%
|
Consultation nourrisson
|
55
|
75%
|
Consultation curative
|
12
|
17%
|
Total
|
73
|
100%
|
Sources : données de
l'enquête (juin-juillet 2011)
Trois circonstances d'admission dans les CREN sont
identifiées à travers ce tableau. On peut les citer par ordre de
priorité :
· 75% des enfants ont été admis dans le
centre de récupération nutritionnelle à l'occasion des
consultations nourrissons ;
· 17% de ces enfants à l'occasion des
consultations curatives ;
· 8% à l'occasion des
pré-dépistages.
A l'issue des résultats de ces deux tableaux (n°9
et n°10), il ressort une tendance à fréquenter les centres
de santé. L'ouverture des CREN conduit à un délaissement,
ne serait-ce que provisoire, des traitements traditionnels en faveur de celui
de « nasara » (le blanc).
Cet extrait d'entretien avec un guérisseur (M.H) du
village de Gaffati est assez illustratif par rapport à ce genre de
discours.
Q : Vous disiez tout à l'heure que les femmes
n'utilisent plus les médicaments traditionnels comme avant, savez-vous
pourquoi ?
R : « Ça, c'est une nouvelle
ère parce que toutes les femmes, je vous dis, sont devenues blanches
(rires). »
Q : Pouvez-vous expliquer ?
R : « Madalla ! Le fait de devenir
européen est aujourd'hui devenu...euh, je ne sais comment
t'expliquer (...), la moindre des choses. Par exemple, dès qu'une
petite chose arrive à vos enfants, vous dites « prenez et
amenez-le au centre de santé ». Koko (ou bien)...Uhum !
Mais nous, nos parents, c'est avec des plantes et des médicaments
traditionnels qu'ils nous ont élevés jusqu'aujourd'hui. Mais si
tu dis ça à ton fils, il ne va pas te croire. C'est quand
ça échoue au centre de santé, là tout de suite, il
se ressaisit et change d'astuces... ».
Bien qu'en perte de vitesse, la fonction soignante du
guérisseur n'as pas totalement disparu. Les femmes s'y
réfèrent mais en dernier recours, c'est-à-dire, lorsque
les tentatives menées au centre de santé n'ont pas donné
de résultats positifs.
6.3.2. Perceptions du
programme de récupération nutritionnelle par les populations
d'enquête.
A la question « qu'avez-vous ressenti lorsque
votre enfant à été retenu dans le centre de
récupération nutritionnelle de l'ONG BEFEN? »,
presque toutes les femmes (92%) ont répondu qu'elles étaient
contentes.
« On est obligé d'être contente car
on a espoir que l'enfant va guérir. Avant tout, c'est la santé
qu'on est venu chercher sinon on n'aura pas besoin de quitter nos villages
pour rester ici nuit et jour ». (O., mère d'enfant
malnutri).
Le tableau ci-dessous (tableau n°11) nous présente
de façon plus détaillée le comportement des femmes lors
des admissions dans les centres de récupération
nutritionnelle.
Tableau n°11 :
Répartition des enquêtés selon leurs comportements lors des
admissions dans le CREN.
Comportement des femmes à
l'admission
|
Effectif
|
Fréquences
|
Contente
|
67
|
92%
|
Malheureuse
|
3
|
4%
|
Préoccupée
|
3
|
4%
|
Total
|
73
|
100%
|
Sources : données de
l'enquête (juin-juillet 2011)
Peu d'entre les enquêtées ne sont pas contentes
(8%) à l'admission de leurs enfants. Pour ces dernières, ce sont
des femmes veuves et/ou divorcées qui ont à leur charge, une
famille. « Je ne suis pas du tout contente qu'on me garde ici.
J'aurais préféré qu'on me fasse un traitement et
après je rentre chez moi pour revenir la semaine prochaine ou le
14ième jour comme on avait l'habitude de me le faire à
Droum (...). Imagine et mets toi à ma place, j'ai laissé des
orphelins à la maison et personne ne sait encore que je suis à
Mirriah. » (H., mère d'enfant malnutri).
Par ailleurs, toutes les femmes admises dans le centre de
récupération nutritionnelle affirment que l'état de
santé de leurs enfants s'est amélioré depuis leur
arrivée au CRENI: ce qui explique les respects des consignes
données par le personnel soignant du CRENI. « En tout cas,
tous les enfants dont les mères ont suivi des consignes progressent et
leur état de santé s'améliore » (Z.,
infirmière ONG BEFEN).
Des exemples concrets ont aussi été
donnés par rapport à un cas que les enquêtées ont
vécues personnellement. « Le jour où j'ai
amené mon enfant, il était presque mort. Wallahi (je le
jure) ! Mais maintenant Alhamdou lillah (Dieu merci) ! Tu le vois
bien, juste 8 jours il s'est remis... » (O., mère
d'enfant malnutri).
Certaines femmes ont été déçues
parce que leurs enfants n'ont pas été retenus dans le CREN
dès la première fois qu'elles s'étaient
présentées. Ces dernières adoptent, avant leurs
admissions, une attitude négative et d'exclusion, vis-à-vis des
agents qui ne font qu'adopter les critères d'admission tels que
définis par le protocole national. Il ressort donc que la prise en
charge de l'enfant détermine le rapport des femmes au programme de
nutrition (ici, agents de santé). Le tableau suivant illustre ce
cas :
Tableau n°12 :
Répartition des enquêtés selon leurs réactions lors
des premières consultations
Admission la
1ère fois
Réactions
|
Oui
|
Non
|
Total
|
Effectifs
|
Fréquence
|
Effectif
|
Fréquence
|
Effectif
|
Fréquence
|
Indifférente
|
0
|
0,0%
|
13
|
17,8%
|
13
|
17,8%
|
Contente
|
34
|
46,5%
|
0
|
0,0%
|
34
|
46,5%
|
Déçue
|
0
|
0,0%
|
26
|
35,7%
|
26
|
35,7%
|
Total
|
34
|
46.5%
|
39
|
53,5%
|
73
|
100%
|
Sources : données de
l'enquête (juin-juillet 2011)
Le tableau ci-dessus (tableau n°12) fait ressortir que 39
enquêtées soit (53,5%) n'ont pas été retenues dans
le CREN pour la première fois qu'elles s'étaient
présentées. Parmi celles-ci, 26 soit 35,7% de
l'échantillon d'étude ont été déçues
par le CREN.
« Moi vraiment j'étais
déçue. Quand j'avais amené mon enfant à guidan
tamowa (CREN), les agents l'ont consulté et après ils m'ont dit
de rentrer chez moi pour revenir 14 jours après car il n'atteignait pas
les critères d'admission alors qu'il était trop malade (...). Ils
m'avaient juste donné un peu de lait pour le petit. Ça ne peut
pas me plaire car j'avais comme l'impression qu'ils ne voulaient pas le garder
puisque j'ai vu un autre qu'ils ont gardé mais qui était moins
maigre et moins malade que mon enfant. Si à l'hôpital (ici CRENAS)
on ne peut pas le soigner, comment vais-je faire avec lui à la
maison ? » (R., mère d'enfant
malnutri).
Tableau n°13 :
Répartition des enquêtés selon les perceptions du CREN
Perceptions des CREN
|
Effectif
|
Fréquences
|
Moyen d'avoir des vivres complémentaires
|
4
|
5%
|
Moyen de lutter contre la malnutrition
|
62
|
85%
|
Autres
|
7
|
10%
|
Total
|
73
|
100%
|
Sources : données de
l'enquête (juin-juillet 2011)
Le tableau ci-dessus présente les perceptions que les
populations enquêtées ont du CREN. Pour la majorité (85%),
le CREN est un moyen de lutter contre la malnutrition. Par contre, une minime
partie (5%) assigne au CREN un objectif beaucoup moins ambitieux qui se limite
à la recherche de la sécurité alimentaire des enfants.
En outre, 10% des enquêtées donnent une
réponse prévue par le questionnaire (modalité Autres). En
effet, la plupart des réponses données, pour cette
modalité, font ressortir que la majorité de ces
enquêtées n'ont « aucune
idée ! » de ce que représente le CREN. Il se
trouve que ces dernières sont, pour la plupart des cas, les
grands-mères n'ayant jamais eu d'enfant malnutri mais qui, cette
fois-ci, accompagnent leurs petits fils pour donner la chance à leurs
filles de prendre soin de leurs maris et leurs familles.
« Wallahi ! Sauf si tu veux que je te mente
mais je ne sais pas exactement ce que représente ce lieu et si tu peux
me le dire, j'attends ! Moi j'étais venue ce matin et c'est ma
fille qui m'avait envoyé son enfant ainé pour me dire de venir
amener sa fille cadette à guidan tamowa (CREN) car elle ne veut pas
laisser sa famille puisque moi je n'ai personne à prendre en charge.
J'étais partie chez elle et c'est son mari qui m'a accompagnée
à Tirmini. C'est de Tirmini qu'on m'avait dit il faut qu'on vienne
ici...donc je ne connais pas encore ces lieux pour te dire voilà
exactement telle ou telle chose (rires) ». (S., accompagnante
d'enfant malnutri).
Cette corrélation montre que les représentations
que les populations ont du programme de récupération
nutritionnelle sont déterminées par leurs rapports avec ce
dernier, voire le phénomène même de la malnutrition et que
la prise en charge de l'enfant reste au centre de ces
représentations.
|