4.2.3. Autres facteurs
limitant
Nos données d'enquêtés montrent que les
zones de mise en défens ne sont pas seulement un trésor aux
enjeux économiques mais parfois sources de conflits. En faisant un
état des lieux des difficultés rencontrées des aires
protégées, tout porte à croire que les problèmes
proviennent du fait que les zones protégées sont souvent
instables du point de vue institutionnel. Elles sont sensibles en particulier
aux changements de politiques. Le financement est souvent dérisoire et
aléatoire dans les pays en développement, de sorte que la gestion
et la surveillance sont insuffisantes.
C'est dans le domaine sociologique qu'on peut trouver des
explications à la lenteur ou des freins à l'évolution. La
« résistance » semble provenir essentiellement de
l'administration, des agents de l'État qui voient dans la montée
des organisations paysannes, l'arrivée d'un contre pouvoir à
mettre en cause plus ou moins ouvertement leurs pratiques contradictoires voire
illégales. L'émancipation de ces organisations est vécue
comme une perte d'autorité. Les agents ressentent un profond malaise
dans l'exercice de leur fonction par rapport aux capacités et à
l'assurance, parfois trop rapidement acquises par ces paysans. Le turn-over des
agents est impressionnant. Il peut être l'expression de leur malaise mais
il est aussi en même temps révélateur du peu de
continuité de l'administration dans l'accompagnement du processus et
témoigne aussi du peu de respect des engagements que celle-ci a pourtant
pris dans le cadre de la charte.
Les autorités coutumières, autre source de
pouvoir local sur lequel s'appuient les organisations locales, semblent un peu
moins affectées que les agents de l'État face à la
montée des organisations paysannes. Leur comportement évolue
entre celui de monarques éclairés, promoteurs de la conservation
et farouches résistants à une ouverture du pouvoir sur les
ressources, en passant par la catégorie des observateurs attentifs aux
conséquences possibles du processus de concertation. Mais de toute
évidence, il ne serait guère réaliste de les
considérer comme des supports inconditionnels d'une
règlementation qui accorderait plus de pouvoir aux organisations
paysannes de base en général, aux groupements et aux associations
en charge de la conservation de la biodiversité. La mentalité peu
sociale de certaines personnes met en péril la cohésion sociale
entre les différents acteurs de la gestion des lacs. Les pêcheurs
Haoussas estiment que les zones de mise en défens sont beaucoup plus
profitables aux autochtones Moundang. Ils denoncent en particulier
l'interdiction de pêche de nuit qui constitue pour eux une source de
profonde frustration. Ce sentiment fait que leur participation à la
surveillance des zones de protection semble être un peu mitigé.
Les conflits se situent aussi à l'échelle des villages qui se
disputent les zones de mis en défens : Tikéré et lac
au niveau de lac de Tréné, Doué, Fouli et Katchili sur le
lac Léré. Ces conflits pourraient s'expliquer par le fait que les
aménagements des zones de protection n'aient pas pris en compte les
droits d'usage que les différents villages riverains ont sur les
sections du Lac (Dagou Paboung et al, 2000).
Au cours de cette analyse sur la gestion des ressources
naturelles, certains agissements et comportements ont pu être
enregistrés. Le Préfet, le Sous-préfet, les gendarmes, les
autorités traditionnelles et les agents techniques n'ont pas la
même légitimé et ne travaillent guère de
manière concentrée. Chacun veut intervenir et ce désordre
qui caractérise les différentes hiérarchies rend
aléatoire les tentatives d'arbitrage en cas de litige. Les nuits
blanches passées dans les surveillances sur les lacs avec des risques
tels que le chavirage, l'attaque des hippopotames, les piqûres des
moustiques, la fraîcheur..., sont quelques fois
récompensées par le relâchement sans scrupule des bandits
pris en flagrant délit. Les membres du groupement nous laissaient
entendre qu'ils reconnaissent plutôt l'efficacité de
l'autorité traditionnelle lorsqu'elle flagelle de 50 à 100 coups
de fouets, ceux qui touchent aux lamantins. Or le relâchement ou les
évasions spectaculaires de certains braconniers, introduit ainsi le
découragement et une chute d'engouement dans le contrôle et la
surveillance des ressources naturelles d'une part ; et le maintien et la
recrudescence des actes de vandalisme d'autre part.
Outre la satisfaction que procure la gestion rationnelle des
zones de mis en défens dans l'accomplissement des besoins fondamentaux,
l'annexe montre un tableau faisant une présentation des valeurs
d'insatisfaction qui constituent des freins à l'évolution de ces
aires protégées.
|