« La recension des écrits constitue la pierre
angulaire de l'organisation systématique d'une recherche. Aucun
chercheur sérieux n'oserait entreprendre une recherche sans avoir au
préalable vérifié l'état de la question au niveau
des écrits sur le sujet investigué » (ASSABA 2002).
C'est fort de cela que des informations ont été
recueillies sur le sujet qui fait objet de recherche.
Les écrits sur le travail des enfants ont fait l'objet
d'étude des chercheurs. Seulement, force est de constater qu'il existe
très peu d'ouvrages sociologiques sur le travail des enfants. Ces
écrits existant posent un diagnostic sommaire qui fait état des
causes, des conséquences et de l'ampleur grandissant que prend le
phénomène. D'autres abordent les stratégies de lutte
contre le travail des enfants. Le principal objectif est l'élimination
des formes les plus pernicieuses de l'exploitation des enfants. Il est à
remarquer aussi que le travail des enfants est un mal qui mine le monde entier
; car tous les continents connaissent à des degrés divers cette
réalité.
En effet, en Europe par exemple, selon les auteurs ARIES
(1975) `'L'enfant et la vie familiale sous l'ancien Régime»
et MANIER (2003) `'Le travail des enfants dans le
monde», le travail des enfants existe depuis l'antiquité.
L'enfance étant une période courte en raison de la faible
espérance de vie, les jeunes filles sont mariées tôt (14
à 15 ans) et les enfants participent aux tâches domestiques et
agricoles. Le cercle familial est le principal « lieu de travail
», les enfants participant ainsi à l'économie du
ménage. En plus, si les garçons apprennent progressivement le
métier du père, les filles sont éduquées à
la tenue de la maison. Mais à partir du Moyen-âge, les enfants
commencent à travailler hors du foyer pour répondre à la
fois à la demande d'employeurs recherchant une main d'oeuvre peu
coûteuse et au besoin des familles pauvres de subvenir à leurs
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besoins. La révolution industrielle était aussi
une opportunité pour les industriels d'exploiter les enfants.
En Afrique par contre, comme le soulignait GBESSEMEHLAN et al
(1989), l'enfant occupe une place de choix au sein du groupe social.
Considéré comme une incarnation des ancêtres, il est le
signe de leur présence et est une source de bonheur encore plus pour les
époux. Etant donné qu'il stabilise les couples, il est
également une garantie des parents pour leur période de
vieillesse. Ce qui fait qu'il était très intégré au
groupe auquel il appartient.
Dans les milieux traditionnels, l'enfant vit en groupe
où il subit une éducation. Selon ADEPOJU et al (1999), la famille
est d'abord un organe économique, à la fois en tant
qu'unité de production et en tant qu'unité de consommation. Car
dans le contexte culturel traditionnel africain, un enfant est
considéré à la fois comme un symbole de joie et comme un
appui économique, de sa naissance à son adolescence et à
partir du moment où il (ou elle) est capable de soutenir un parent
âgé. L'enfant était un soutien productif et les parents
retirent habituellement une immense satisfaction à en avoir.
L'importance du travail vu sous l'angle de la socialisation a
été abordé par ASSABA (1989) qui écrivait dans sa
thèse de doctorat que « ... le jeune garçon ne se
dérobe pas aux mêmes contraintes imposées à la jeune
fille de six ans aux environs de dix ans. Seulement, à partir du moment
où il peut tenir la houe dans le cas où ses parents sont
agriculteurs, il devra être en mesure d'avoir et de cultiver son petit
lopin de terre à côté de celui de ses parents ». Tout
ceci vise à rendre l'enfant responsable et à l'intégrer au
sein de sa communauté. À cet effet, le travail des enfants
demeure un moyen de socialisation et d'éducation important dans la
société traditionnelle, surtout dans le secteur rural.
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DURKHEIM (1992) quant à lui, définit la
socialisation comme étant le processus par lequel la
société attire à elle l'individu, à travers
l'apprentissage méthodique de règles et de normes par les jeunes
générations ; elle favorise et renforce
l'homogénéité de la société.
Des auteurs classiques jusqu'aux sociologues des
années 1990, on remarque une préoccupation constante pour les
fonctions de la famille. Le PLAY, cité par QUÉNIART et al (1998)
voyait la famille souche comme une forme idéale de famille, dans son
rôle de maintien et de reproduction des valeurs et des traditions. Dans
le même sens, DURKHEIM (1921), cité par QUÉNIART,
s'inquiétait de l'émergence d'une nouvelle forme de famille, la
famille conjugale, qui, par son repli sur le domestique, le relationnel et
l'affectif, risquait d'engendrer plus d'anomie.
VALOIS (1966), en ce qui la concerne insiste beaucoup plus
sur le rôle du père et de la mère au sein de la famille.
C'est donc le père qui détient formellement l'autorité.
C'est lui qui dirige la production et qui, par conséquent, s'occupe de
l'apprentissage des enfants dans l'exécution des travaux de ferme. Quant
à la mère, elle se voit aussi attribuer un rôle
d'éducatrice, dans les travaux de la maison et du potager, et surtout
dans la transmission des valeurs religieuses et morales. Mais sa
présence se manifeste principalement à travers la relation de
confiance qui existe entre elle et ses enfants. Et l'on peut même dire
que "c'est par la puissance des liens affectifs qu'elle régit la
communauté familiale, sous l'autorité officielle du
père".
D'un autre point de vue, FOUEDJIO (2008) fait état de
tout ce qui conduit les parents à choisir pour leurs enfants d'aller
à l'école ou non. Pour lui, certes, le poids de la
pauvreté et l'imperfection du marché des capitaux pèsent
dans la décision de scolariser ou de faire travailler un enfant ; mais
ce ne sont pas là les seuls facteurs explicatifs. Il cite DESSY et
PALLAGE (2000), qui apportent une autre contribution au débat. Pour
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ces chercheurs, la décision de l'offre du travail
infantile s'opère dans un cadre de jeu stratégique entre les
ménages et les entreprises. Chaque partie anticipe la décision de
l'autre soit à investir en éducation, soit à investir en
haute technologie. Il en découle que l'existence du travail des enfants
part d'un manque de coordination entre les décisions des parents et
celles des entreprises. Il se pose donc un double problème : celui de la
création des compétences et celui de l'absorption des
compétences nouvellement créées. La création des
compétences est conditionnée par le bon fonctionnement du
système éducatif ; et même si ces compétences
étaient créées, et que les entreprises ne peuvent les
absorber du fait de leur faible industrialisation, il s'en suivrait le
chômage. Ayant connaissance de ces informations, les ménages
pauvres ne désirent donc pas investir en éducation. En effet, la
décision de scolariser les enfants est essentiellement l'oeuvre des
parents. L'enfant n'est plus seulement une source de revenus
complémentaire pour le ménage. Il est aussi perçu comme un
coût d'investissement. Mis à part l'exigence de le nourrir, il
faut aussi l'éduquer. Or l'éducation des enfants engendre des
coûts que doivent supporter les parents. Le ménage est donc
amené à arbitrer entre mettre l'enfant au travail et lui donner
une éducation. C'est un point important en Afrique où
l'investissement de l'État dans le domaine scolaire devient de plus en
plus rare, voire inexistant. De plus, la crise économique que
connaissent bon nombre de pays africains a également bloqué le
recrutement dans tous les secteurs d'activités. De ce point de vue,
l'école ne joue plus, aux yeux des parents ou des chefs de
ménages, le rôle de garant de l'embauche une fois les
études terminées. Les ménages cherchent donc plusieurs
alternatives.
Dans la recherche de ces alternatives, les enfants sont
amenés à quitter leurs parents. Ainsi, ils sont privés de
leurs droits et leur force de travail est abusée.
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Selon un article de la BM (2001), les données de l'OIT
indiquent que plus de 40% des enfants africains travaillent. `'Beaucoup de
garçons du Mali, du Burkina Faso, du Niger, du Ghana, du Togo et du
Bénin émigrent pour travailler dans les plantations en Côte
d'Ivoire et au Nigéria, à côté d'enfants
réfugiés venant du Libéria et de Sierra
Léone». Par des réseaux de trafic transfrontalier, beaucoup
d'enfants se retrouvent en dehors du territoire national pour aller exercer des
travaux champêtres. Ce qui porte préjudice à leur
avenir.
En effet, à cet âge, l'enfant doit être
à l'école et non entrain d'exercer des activités
économiques.
A propos du travail des enfants, selon une étude de
l'INSAE (2003) menée sur : `'Les caractéristiques des
personnes vulnérables au Bénin», plusieurs raisons
expliquent l'absence des enfants des salles des classes. Ainsi, la
prédominance des aides familiales observées en milieu rural peut
être attribuée à l'utilisation d'une main d'oeuvre
abondante non rémunérée, constituée en
majorité d'enfants dans les travaux champêtres. Cette pratique
conduit les parents à retirer leurs enfants de l'école pendant la
période d'intenses activités champêtres. En milieu urbain
par contre, où les activités qui prédominent sont autres
que les travaux agricoles et où l'artisanat de production (menuiserie,
taillerie,...) et l'artisanat de services (mécanique, coiffure,...) sont
très développés, la plupart des enfants non
scolarisés et déscolarisés sont envoyés en
apprentissage chez des patrons qui exercent dans ces domaines.
Par ailleurs, en ce qui concerne la non scolarisation ou la
déscolarisation, certains parents ne sont guère motivés
à envoyer leurs enfants à l'école. Eux-mêmes en
majorité analphabètes voient dans l'école un état
de luxe auquel leur état de pauvreté ne permet d'accéder,
et ils préfèrent occuper leurs enfants à des tâches
domestiques, voire économiques.
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Aussi, de l'ouvrage du BIT (2002) : `'Eradiquer les
pires formes du travail des enfants», retient-on que la
pénurie d'infrastructures scolaires adéquates, la
considération selon laquelle l'école est inadaptée aux
conditions et aux besoins locaux compte tenu des connaissances abstraites
qu'elle véhicule, sont autant de raisons qui éloignent les
enfants d'elle.
A travers ces différents aspects, on remarque que les
causes du travail des enfants sont multiples. Face à tout ceci, des lois
et des conventions existent pour remédier au mal. Les gouvernants, les
ONG, les Institutions Internationales oeuvrent et adoptent des
stratégies plus ou moins efficaces. Le Bénin dispose de textes
législatifs et réglementaires sur lesquels sont basées
toutes les actions de protection et de défense des enfants travailleurs.
On peut donc citer la Loi N°2006-04 du 05 Avril 2006
portant conditions de déplacement des mineurs et
répression de la traite d'enfants en République du Bénin.
Il y a également le code du travail, la convention N°138 de l'OIT
sur l'âge d'admission à l'emploi ; la convention des droits de
l'enfant signée par le Bénin en Août 1990 ; la charte
africaine des droits de l'enfant de Mai 1996.
Les gouvernants se sont longtemps contentés de
déclarer illégal le travail des enfants en violation des
prescriptions légales édictées sans s'appesantir sur les
écarts énormes à réduire entre la
législation et la réalité sociale.
TINKPON(1999) dans son mémoire de D.E.A portant sur
`'l'exploitation économique des enfants au
Bénin'' décrit les caractéristiques du travail
des enfants et les fondements de l'exploitation de ceux-ci. Il fait
également une analyse des différentes mesures de protection des
droits des enfants.
Il est évident que la question sur le travail des
enfants a été largement traitée par de nombreux
chercheurs, mais il est toujours mieux
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Judicaël
de la traiter en rapport avec les particularités du
milieu d'étude. C'est pourquoi le problème du travail des
enfants, en particulier dans l'arrondissement de Godomey demande une
étude spécifique à ce milieu. Ce qui conduit au
modèle d'analyse adopté pour cette recherche.