L'instruction est une priorité pour tout homme.
L'enfant qui naît a besoin pour son épanouissement et pour sa vie
en société d'une éducation. Cette dernière se
reçoit dans plusieurs lieux différents. La responsabilité
incombe en premier abord aux parents.
A Godomey, lieu de cette étude, il est à noter
la présence d'écoles publiques et d'écoles privées.
Ces dernières années en effet, il y a eu une floraison
d'écoles privées dans le but sans doute de combler le vide
laissé par les écoles publiques et de réduire la distance
parcourue par les écoliers.
Selon les chiffres de la C.S. d'Abomey-Calavi II zone de
Godomey, en 2007, il y avait dans le primaire au niveau du public et du
privé 42839 écoliers répartis en 21651 garçons et
21188 filles. Avec un effectif de 1169 enseignants composés de 809
hommes et 360 femmes. Selon FANDY de la C.S., « ce taux de
fréquentation est assez important. Il souligne en outre que dans
certaines salles de classe, l'effectif des filles est supérieur à
celui des garçons » (propos d'un enquêté,
2009).
Comme le montre les statistiques de l'année 2008, on a
dénombré dans le public 18142 enfants dont 9271 filles et 8871
garçons. Pour ces écoliers, le nombre total d'enseignants
était de 244, parmi lesquelles 194 femmes et 60 hommes. Pour expliquer
cette situation, il souligne que : «ce
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sont les mesures de gratuité de l'école
primaire envers les filles qui font que le nombre de filles est
supérieur à celui des garçons. Mais cet état de
chose ne perdure pas. En effet, au fil des années, le taux d'abandon au
niveau des filles est plus important que chez les garçons. Ce qui freine
considérablement le nombre de filles inscrites au départ »
(propos d'un enquêté, 2009).
Bien que le retrait des enfants soit beaucoup plus
poussé dans les villages, il n'en demeure pas moins que certaines zones
de Godomey connaissent aussi cette réalité. L'enquête
auprès de certains parents à Cocotomey et à Cococodji a
montré que, ces derniers apprécient les mesures de
gratuité mais demandent à ce que la gratuité soit
générale et touche aussi les garçons, mais encore mieux
les fournitures scolaires et la cantine des enfants. Certains parents semblent
ne pas trouver dans l'école un cadre d'avenir pour les enfants. Et c'est
en cela que ODUNLAMI (op. cit) dira en parlant des caractéristiques de
l'école moderne que : « le système éducatif moderne
est coupé de la vie. Le curricula n'est pas adapté ».
Beaucoup de parents se demandent l'utilité de maintenir les enfants
à l'école si, l'incertitude de trouver du travail à la fin
demeure. Ils pensent que l'école ne joue pas son rôle d'ascenseur
social. Ceci est justifié par le caractère latin de
l'école, héritage du système colonial. Ce caractère
latin donne beaucoup plus de priorité aux oeuvres de l'esprit, à
la recherche du beau au profit du travail manuel. Ce qui fait que, ceux qui
fréquentent l'école s'attendent toujours à la fin à
être employés par l'Etat. Mais la situation dans le pays fait voir
que l'état n'est pas en mesure d'utiliser tous ces
diplômés.
Face à cet état de chose, l'apprentissage fait
figure d'alternative par rapport au système scolaire. «
L'apprentissage permet d'éviter qu'à la fin de leur
formation, les enfants n'aient aucun savoir pratique ». (Propos d'un
parent enquêté, 2009). Le marché de travail devient un
déterminant de
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l'investissement dans l'éducation des enfants. Pour
les parents, un marché de travail en crise n'encourage pas à
envoyer les enfants à l'école. Dans un tel contexte,
l'école n'apparait plus comme une alternative efficace au travail des
enfants. Les parents cherchent d'autres moyens d'éduquer les enfants.
L'apprentissage devient une solution aussi bien à l'école qu'au
travail. Il permet à la fois aux enfants d'accumuler du capital humain
technique, mais aussi de bénéficier d'un revenu pour satisfaire
les dépenses quotidiennes. L'apprentissage devient un choix
stratégique pour les parents les plus pauvres. Car, l'avantage est
qu'à la fin de leur apprentissage, les enfants peuvent très bien
se mettre à leur propre compte.
De toute évidence, la conclusion selon laquelle, les
parents de gré ou par contrainte cherchent toutes les issues possibles
pour retirer de l'école leurs enfants peut être tirée.
En conséquence, un nombre élevé
d'enfants investissent très jeunes le marché du travail. La
plupart du temps, ils sont sans instruction ou déscolarisés, ce
qui compromet certainement leurs potentialités d'améliorer leur
condition de vie future.
A cet effet, le graphique suivant récapitule le niveau
d'instruction des enfants qui ont été interrogés.
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La problématique du travail des enfants
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Graphique N°III : Niveau d'instruction des
enfants interrogés
enfants qui n'ont jamais été à
l'école et qui par conséquent ne savent ni lire ni écrire
en français. Et les déscolarisés sont ceux qui ont
fréquenté au moins une fois et qui pour une raison ou pour une
autre ont abandonné les classes. Quant aux
scolarisés, c'est la catégorie des enfants qui fréquentent
mais sont utilisés également dans les travaux de maison
, ou comme vendeuses.
La deuxième est que les enfants
interrogés ne sont pas tous de Godomey. En effet, il a été
en souligné un peu plus haut qu'ils viennent d'Allada, de Zè,
d'Abomey, de Bohicon, de la vallée de l'Ouémé,
etc.
Plusieurs réalités explicatives de
cette situation des enfants se sont présentées et ce,
suivant leur milieu d'origine.
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L'analyse de ce tableau montre que 29,2 % des garçons
sont sans instruction et 61% d'entre eux sont des déscolarisés.
Les scolarisés représentent 09,8%.
Chez les filles, le taux des non instruites est de 53,1% et
les déscolarisées font 40,7%. Quant aux scolarisées, elles
ne représentent que 6,2%.
Une première lecture laisse voir la disparité
qui existe entre le pourcentage masculin et celui féminin au niveau des
différentes catégories.
En effet, beaucoup plus de filles que de garçons ne
savent ni lire ni écrire en français. Ainsi, selon TINGBE (2005)
: « malgré tous les efforts consentis jusqu'ici,
l'équité sur le plan du genre n'est pas encore une
réalité au niveau du système éducatif. Des
disparités ont toujours été notées en
défaveur des filles et ceci quel que soit le groupe d'âge
considéré ». Il est de ce fait évident que
l'accès des filles à l'école n'est pas encore d'une
garantie formelle malgré toutes les mesures prises.
Plusieurs raisons justifient cet état de chose. Les
filles interrogées donnent plusieurs raisons à propos de leur non
scolarisation : « je n'ai jamais mis pied à l'école. Mes
parents ne voulaient pas. Maman voulait que je sois à ses
côtés pour l'aider » (propos d'une fille de 10 ans
enquêtée, 2009).
Et c'est en cela que MERAND (op cit) affirme : « ... de
retour à la maison, une occupation attend la petite fille : s'occuper
d'un frère ou d'une soeur plus jeune. La petite fille de six ou sept ans
commence déjà à porter sur son dos un bébé
endormi. Elle prend vite l'habitude de transporter un sceau d'eau sur la
tête ». Pour renforcer cette triste réalité le milieu
familial ou traditionnel rejette volontiers le principe de la scolarisation des
filles. L'image traditionnelle de la femme veut qu'elle se soumette à
son mari. Elle est d'abord destinée à être mère et
épouse. A ce propos, TINGBE (op. cit) rapporte qu'en d'autres termes,
les filles sont faites pour le foyer. Le
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seul apprentissage, réellement utile, qu'elles doivent
faire, est lié à ce rôle, apprentissage qui se
déroule auprès de sa mère, des coépouses de
celles-ci et de ses tantes. Un peu plus loin, TINGBE (op. cit) dira
expressément que compte tenu de l'appui qu'elles apportent à leur
mère, ce sont ces dernières qui parfois s'opposent à
l'envoi de leur fille à l'école et ce dans le but de
perpétuer la tradition comme elles l'ont connue.
Abondant toujours dans le même sens, FOURN (op. cit)
dira que la perception qu'on a de la femme et qui se résume dans
l'expression Fon : « Gnonnoun huessi, Sunnoun glégbénou
», conduit la société africaine à maintenir la femme
dans la sphère domestique qui implique la non instruction de la fille
donc, le non accès à une éducation formelle et le
développement du trafic des enfants.
Parfois, lorsqu'il s'agit d'envoyer les enfants des deux
sexes à l'école, les parents donneront beaucoup plus de
priorité aux garçons. Pour expliquer cela, un des
enquêtés, DANSOUKPEVI en charge de la lutte contre le travail des
enfants à la DGT/BIT parlera : « de pesanteurs socioculturelles
qui jouent en faveur des garçons » (propos d'un
enquêté, 2009).
En ce qui concerne la non scolarisation des garçons et
leur abandon des classes, ils ont évoqué plusieurs raisons comme
justification.
Des enfants ayant entre 08 et 12 ans ont été
rencontrés dans des ateliers d'apprentissage. Pour ceux d'entre eux qui
n'ont jamais fréquenté, c'était un choix des parents, et
par la suite, ils n'ont plus eu envie d'y aller. La priorité est
donnée ici aux travaux manuels qui payent plus vite. Pour la
deuxième catégorie qui concerne les déscolarisés,
beaucoup plus de raisons ont été avancées en ce qui
concerne leur interruption de scolarité. Voici le récit d'un
garçon : « J'ai 12 ans, et j'ai 07 frères. Avant, je
vivais dans mon village, Allada. Je fréquentais avec mon jeune
frère qui a 8 ans. Mais mon père a dit que nous ne pouvons plus
aller à l'école. Il a décidé qu'on allait
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suivre quelqu'un. Il habitait à côté
de notre maison et nous l'appelions Tonton. Papa a dit qu'on allait le suivre
à Cotonou pour apprendre un métier. Maintenant, j'apprends la
mécanique chez le Tonton. Mon frère, qui est dans l'atelier
d'à côté apprend la fonderie ». (Propos d'un
garçon enquêté, 2009).
Certains ont évoqué le manque de moyens
financiers avec pour corollaire le non payement des contributions scolaires ce
qui équivaut au renvoi. En ceci, il est à noter que : soit les
parents n'ont pas réellement les moyens pour le faire, soit ils ne
s'engagent pas pour la scolarisation de leurs enfants.
Dans d'autres cas, la pénurie d'enseignants peut
contribuer à démotiver les enfants, ainsi que le manque
d'encadrement adéquat.
Face au manque de soutien financier des parents, certains
enfants exercent des travaux parallèles aux études, ce qui
contribue à baisser leur rendement scolaire.
Certains enfants ont évoqué aussi des
difficultés d'assimilation. Par la suite, les échecs
répétés contribuent aussi à décourager les
enfants. Il faut aussi noter que les enfants n'ont aucune émulation qui
les porterait à rester sur les bancs en vue de faire de longues
études. Face à l'appât du gain immédiat que leur
font miroiter certains de leurs camarades qui travaillent déjà et
au goût de l'aventure, beaucoup d'enfants se voient dans l'obligation
d'abandonner ou de raccourcir leur scolarité pour aller aussi
travailler. Tout ceci compromet les efforts fournis en vue d'assurer
l'éducation primaire pour tous préconisés par les OMD.
Dans toute société, la famille, quelle que soit
sa forme, est l'unité sociale de base. Elle a des fonctions essentielles
qui sont indispensables au bon développement de l'enfant.
Néanmoins, certains facteurs comme la taille de la famille font que des
familles n'arrivent pas à assurer les besoins de ses membres.
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