CONCLUSION DU PREMIER CHAPITRE
Dans ce premier chapitre, nous avons essayé de cerner
le concept d'attractivité territoriale à travers ses fondements
et principales approches théoriques, ainsi que ses principaux
indicateurs. Il ressort de cette première analyse une conception
relativement simple de l'attractivité territoriale, à savoir :
c'est la capacité pour un territoire à attirer sur une
période donnée diverses activités économiques et
facteurs de production mobiles. Partant ainsi de cette définition, nous
avons expliqué comment dans un contexte globalisation de plus en plus
marqué par la volatilité des implantations des entreprises, les
territoires se livrent à une concurrence acharnée sur le
marché de localisation des activités économiques. Chacun y
développe une panoplie d'instruments et de politiques pour attirer et
retenir le maximum d'entreprises. Du fait de cette quête d'un meilleur
positionnement des territoires sur le marché de l'implantation, certains
responsables territoriaux font recours aux pratiques du marketing territoriale
(pratiques qui jusqu'ici étaient jadis réservé au monde
des entreprises) afin d'influencer en leur faveur les décisions de
localisation des entreprises. Finalement, un territoire compétitif et
attractif est un territoire qui génère une offre territoriale
différenciée et susceptible de faire face à la
concurrence.
En outre, il faut reconnaître que les politiques de
marketing territorial17 qui d'ailleurs se sont fortement
banalisées connaissent aujourd'hui un succès certains. Toutefois,
l'élément crucial pour toute stratégie d'attraction des
entreprises sur un territoire réside bien plus dans la dynamique de la
gouvernance locale. Ceci dit, qu'en est-il de la ville de Douala en
matière de stratégie d'attraction des entreprises ? Quel
rôle y joue la gouvernance locale ?
Après avoir analyser le cadre théorique de
l'attractivité territoriale dans le présent chapitre,
nous allons ensuite montrer dans le deuxième chapitre
le rôle de la gouvernance locale et bien d'autres facteurs dans la
construction de l'attractivité de la ville de Douala.
17 Les techniques du marketing territorial
permettent de promouvoir les territoires en tant que destination d'accueil des
investissements étrangers.
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ATTRACTIVITE TERRITORIALE DES ENTREPRISES : CAS DE LA VILLE DE
DOUALA
Chapitre 2 :
ROLE DE LA GOUVERNANCE LOCALE DANS LA CONSTRUCTION
DE L'ATTRACTIVITE DE LA VILLE DE DOUALA
Par PEGUI Yannick Félix, Maître ès
sciences économiques 30
INTRODUCTION
Les thèmes d'attractivité économique et
de compétitivité sont partout perçus comme une
priorité pour les dirigeants territoriaux. A toutes les échelles,
les territoires développent des stratégies et se dotent des
instruments visant à favoriser leur redéploiement
économique. Pour sa part, Douala ville portuaire et principal centre des
affaires du Cameroun, regorge d'éléments structurants de l'espace
qui jouent un rôle essentiel dans le processus d'attraction des
entreprises. Cette situation est d'autant plus véritable qu'à
Douala, on y retrouve au-delà d'une panoplie de facteurs d'ordres
socioéconomiques, des réseaux d'acteurs18 structurels
divers et efficaces qui animent son tissu économique. Ainsi, à
Douala, le territoire n'est pas seulement un « espace donné
postulé et prédécoupé » et sur lequel se
déroulent des dynamiques spécifiques sous l'égide des
autorités publiques locales. Il est aussi le résultat d'un
processus de construction et de délimitation par les acteurs aussi bien
privés que publics. Désireux de mettre en lumière quelques
facteurs explicatifs de l'attractivité des entreprises à Douala,
Il est question pour nous dans ce deuxième chapitre, d'analyser les
causes profondes du dynamisme de la ville de Douala en accordant un plus grand
intérêt aux facteurs méso-économiques. Ici, l'accent
est mis sur la dynamique de la régulation publique et privée,
ainsi que sur les coopérations et les synergies renforcées par la
gouvernance locale.
L'objectif visé dans ce chapitre est d'une part
d'établir le lien entre la dynamique de la gouvernance et
l'attractivité économique de la ville de Douala, en partant des
caractéristiques que nous mobilisons dans les questions du construit
socio-économique de la ville et de la coordination des acteurs de la
ville. La démarche entreprise nous amène, dans la première
section à faire une analyse théorique de la gouvernance locale.
Puis dans la deuxième section nous illustrerons la dynamique de la
gouvernance économique à Douala, ainsi qu'une illustration des
autres facteurs d'attractivité de cette ville.
18 Regroupement formel ou informel des acteurs
locaux en association et clubs divers.
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SECTION I : CADRE D'INTELLIGIBILITE THEORIQUE DE LA
GOUVERNANCE
LOCALE
Les prémices de réflexions sur la gouvernance
locale peuvent être restituées dans l'histoire de la recherche de
nouveaux modes d'organisation et de gestion des territoires alternatifs aux
démarches territoriales descendantes classiques19. Il s'agit
ici de faire intervenir dans le processus de formulation et d'exécution
des politiques publiques locales une pluralité d'acteurs dont la
capacité d'action collective impacte durablement le niveau de
développement. Ainsi, en matière de développement
territorial, la gouvernance est un facteur important, facilitant la
compréhension entre les acteurs (institutions publiques, entreprises,
associations...) et offrant la possibilité d'un travail en commun et la
coordination de leurs actions.
Cette section présente les fondements théoriques
de la gouvernance locale comme outils de
construction de l'attractivité territoriale et met
également en exergue le rôle des acteurs dans la gouvernance
économique locale.
I.1- Concept de gouvernance et éléments
constitutifs de la gouvernance locale
La notion de gouvernance a été utilisée
et fortement popularisée par la Banque mondiale à la fin des
années 1980. Le concept a ensuite été affiné par la
communauté des chercheurs, des consultants et des cadres des
institutions internationales. Mais en fait, la thématique de la
gouvernance a aussi été abordée dans d'autres domaines que
celui du développement :
· Etude du fonctionnement des organisations collectives
ou des entreprises privées (corporate governance) ;
· Etude des politiques publiques municipales, du
gouvernement local et de la question de la subsidiarité (multi-level
governance) ;
· Gestion des biens publics mondiaux ou de la
régulation des flux de la mondialisation
(gouvernance globale ou mondiale), etc.
Toutefois, La gouvernance demeure un concept flou, mouvant et
« attrape-tout ». Smouts
(2002) en donne la définition suivante:
y' « La gouvernance n'est ni un
système de règles, ni une activité mais un processus ;
y' La gouvernance n'est pas fondée sur la
domination mais sur l'accommodement ;
y' La gouvernance implique à la fois des
acteurs privés et des acteurs publics ;
y' La gouvernance n'est pas formalisée
et repose sur des interactions continues »
19 Vision fordiste et tayloriste du territoire
pensée et mise en oeuvre par le grands corps de l'Etat qui se voulaient
une prise en charge pyramidale du territoire.
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Une autre définition à la fois suffisamment
englobantes et relativement précises de la gouvernance est
proposée par le Programme des Nations Unies pour le Développement
(PNUD) en 1997. Ici, La gouvernance est considérée comme
l'exercice de l'autorité politique, économique et administrative
dans le cadre de la gestion des affaires d'un pays à tous les
niveaux.
Dans sa conception normative, la gouvernance désigne
l'ensemble des interactions entre une diversité d'acteurs publics et
privés dans l'élaboration et l'exécution des politiques
publiques afin d'atteindre des objectifs communs de satisfaction de
l'intérêt général (Enjolras, 2005 ; Le Galès,
1995). Aussi, elle est acceptée comme la qualité de la gestion du
pouvoir et des ressources publiques. Et cette qualité (bonne ou
mauvaise) s'applique en termes de participation, de transparence, du pouvoir de
rendre compte, d'efficacité et d'équité.
On distingue en effet souvent gouvernance globale (où
interviendraient au côté et par dessus les Etats, les grandes
institutions et les acteurs privés transnationaux) et gouvernance locale
(où le rôle de la société civile et les entreprises
locales serait mis en avant au côté des instances
décentralisées et déconcentrées de l'Etat). En
effet, pour les théoriciens de l'école parisienne de la
régulation, avec des auteurs tels que : Boyer, Aglieta ou encore Leca,
la gouvernance locale rend compte de la recherche de nouveaux modes
d'organisation territoriale et d'une conception moderne du management local,
transcendant les politiques sectorielles. Empruntée des sciences
politiques (discipline dans laquelle la gouvernance vise les nouvelles formes
de gouvernement), cette expression souligne le caractère composite du
système d'action présidant à l'élaboration des
politiques d'aménagement du territoire et de développement
économique. La gouvernance locale ne se décrète pas, elle
est un construit dans lequel les institutions sont largement imbriquées
jouant ainsi un rôle d'intermédiation. Elle invite le territoire
à devenir la cible de l'action publique à travers la promotion
d'expériences telles que les grappes d'entreprises, les systèmes
productifs localisés ou les pôles de compétitivité
(Courlet, 2008).
I.1.1- La gouvernance locale : un processus de
coordination des acteurs et de construction de l'attractivité
territoriale
Pour qu'un territoire émerge ou devient attractif, il
faut que les acteurs se coordonnent. Sans coordination, ou ce que Fabienne
Leloup, Laurence Moyart et Bernard Pecqueur (2004), appellent «
gouvernance locale », le territoire est voué à
demeurer un espace passif qui subi les évolutions et les contraintes de
son environnement extérieur.
C'est bien par la coopération et la coordination des
stratégies publiques et privées que les
territoires peuvent améliorer leur performance. En effet,
chaque territoire recèle un ensemble
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d'institutions (entreprises, administrations locales,
associations...), toutes ayant des intérêts très souvent
divergents ou parfois même convergents. De plus, ces institutions
entretiennent des relations qui s'inscrivent d'une part dans le cadre marchand
et d'autre part en dehors du cadre marchand (par exemple l'édiction des
normes, les conventions formelles et informelles...). Si bien qu'elles se
trouvent largement mobilisées dans le fonctionnement de la dynamique des
économies locales. De ce fait, la gouvernance locale va répondre
à la mise en place des conditions de régulation et de pilotage
des actions de ces différents acteurs dans la perspective d'une
organisation efficace de l'activité économique sur le territoire.
Ceci implique des jeux de négociation, de compromis, d'alliances entre
acteurs divers obéissant à leurs propres logiques
d'intérêt et/ou exerçant des responsabilités sur des
domaines de compétences tantôt partagés, tantôt
disputés (Bertrand et al. 2001). Cela suppose également
l'activation de relations et de réseaux multiples où diverses
formes de proximité tant géographiques qu'organisationnelles
pourront jouer.
Pour certains auteurs à l'égard de Gilly-Wallet
(2005), la gouvernance locale apparait comme le processus d'articulation
dynamique de l'ensemble des pratiques et des dispositifs institutionnels entre
les acteurs géographiquement proches en vue de résoudre leurs
problèmes de production. Un tel processus par essence dynamique vise la
formulation et la résolution des problèmes productifs des
territoires. Par ailleurs, la gouvernance locale participe à la
création d'un « capital relationnel » dans lequel,
les acteurs du milieu se reconnaissent. Ces derniers partagent des valeurs
(entrepreneuriales, familiales, professionnelles, etc.) qui sont à
l'origine des relations de confiance et de réciprocité, source
d'innovations et d'attractivité du territoire.
Parler de gouvernance territoriale revient donc à
mettre en exergue la construction de compromis locaux, des alliances, des
réseaux entre différentes logiques d'acteurs qui coexistent dans
une « organisation territoriale qui met en synergie d'une part, les
acteurs privés et leur organisation industrielle, et d'autre part, les
acteurs publics et leur organisation institutionnelle » (Guesnier,
2006). La gouvernance locale invite ainsi à passer progressivement d'une
logique concurrentielle à une logique organisationnelle des politiques
publiques locales, ce qui s'impose de plus en plus, dans le cas des politiques
d'attraction d'entreprises (Bazin, 1998, op.cit). A ce titre nous pensons que
La gouvernance locale implique l'engagement d'un nombre croissant d'acteurs,
aussi bien publics que privés, qui doivent être inclus dans la
conception, la construction et la mise en oeuvre des politiques
d'aménagement du territoire.
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