Chapitre III: Discussions et perspectives
3.1. Discussions
Dans un pays semi-aride comme le Niger, où le
problème d'eau se pose avec acuité, la question de la
dégradation des milieux humides est au centre de réflexion et
constitue l'un des axes de la recherche en vue d'un développement
durable. En effet, ces milieux (territoires ressources refuges à fortes
contraintes) sont instables et présentent une dynamique de
dégradation. Cette situation est tributaire de l'évolution des
facteurs naturels (conditions climatiques et la nature des matériaux en
place). La péjoration climatique se traduit par une baisse de pluies
l'ordre de plus de 25 % en moyenne annuelle à partir des années
1970 (figures 4, 6 et 8). Certains auteurs parlent même d'une crise
climatique. Cette évolution est à l'origine de la fragilisation
de ces milieux, faible résistance de la flore aux pressions anthropiques
et aux modifications de la dynamique de l'eau sur les versants. Le climat
devenu de plus en plus aride, en effet toutes les études récentes
ont montré la baisse progressive de la pluviométrie avec pour
conséquence une diminution de la richesse floristique et une reprise de
la dynamique érosive. Sous l'action conjonction de la péjoration
climatique et de la pression anthropique, on assiste à un
dysfonctionnement de ces milieux refuges (bas-fonds) à fortes
potentialités (sols épais, végétation dense,
humidité plus ou moins permanente.)
Cependant, la rupture des grands équilibres
écologiques va de pair avec la pression démographique (DIFUMIER;
1994 cité par FOURNIER & DURAND; 2002). En quelques années,
on est passé des systèmes de cultures traditionnels utilisant des
mises en valeur de jachères à un système d'exploitation
quasi continue des parcelles. Ainsi la caractérisation de la
morphodynamique actuelle de ces trois bas-fonds à partir de l'analyse
diachronique montre que la dégradation de leurs milieux environnants se
répercute sur eux. Ils subissent alors une forte dégradation du
fait de la péjoration climatique qui influe sur leur fonctionnement
hydrogéomorphologique, tout en considérant que les années
humides sont celles qui sont capables de transformer le paysages.
L'écoulement permanent a été obstrué par la
formation de cônes d'épandage ou des édifices
éoliens (ablation et sédimentation) qui en obstruant les lits
créent des mares. L'évolution de la pluviométrie a
entraîné la concentration du ruissellement ce qui se traduit par
l'enfoncement des lits de koris et l'apparition des nouvelles ravines en amont
sur les glacis encroûtés. Cette dynamique se trouve
accélérée par une mise en valeur sans mesure
conservatoire.
Pour le site de Birnin Lokoyo l'on assiste à
l'approfondissement des koris latéraux dont la conséquence au
niveau du bas-fond se traduit par un épandage de sable en amont de
Baré-béri et une remobilisation pendant la saison sèche.
Ainsi les matériaux solides déplacés par l'érosion
hydrique
par an sont estimés en moyenne à 670 m3/ha/an
(ADRI). Une étude menée par une ONG (ADRI) sur ce site a
lié cette dynamique à l'extension de la culture avec la
croissance démographique et les effets de sécheresses. Le vidage
constitue une contrainte pour la pérennité de la mare car il est
accentué par l'importante sédimentation.
De 1975 à 1996 pour Birnin Lokoyo et Doutchi, l'on est
passé d'une mise en valeur sur 10 % de la superficie des glacis avec 25
% de jachères à une mise en valeur de plus en plus
généralisée des glacis. Cela a conduit à la
destruction de la steppe arbustive; ce qui a provoqué une multiplication
des entailles qui évoluent par enfoncement et sapement de berges
entraînant ainsi en aval l'ensablement de mares d'une part du vidage
d'autre part.
Pour le site de Sormo on assiste à une
généralisation de la dynamique érosive principalement
hydrique se traduisant en aval par l'ensablement de la mare et
l'étalement des eaux; ce qui engendre son tarissement.
En somme, à travers cette étude, l'on note une
certaine ressemblance dans le processus de dégradation des bas-fonds. La
réactivation et/ ou la naissance des nouvelles ravines, l'amenuisement
de la couverture végétale, l'ensablement des mares dans les
bas-fonds, le vidage des mares vers l'aval par érosion
régressive, dont la prise en compte est un facteur déterminant
dans le choix et la réussite des actions à entreprendre.
Des études similaires dans d'autres régions ou
même sur ces sites ont montré la tendance évolutive
relative du fait de la péjoration climatique ainsi qu'à l'action
anthropique qui accentue le déséquilibre.
En 2003, KEITA en parlant de l'impact de la dégradation
du bassin versant sur la mare de Sormo, insiste sur la mise en culture de zone
de savane ayant pour conséquence à la fragilisation de
l'environnement physique d'où une généralisation de la
dynamique érosive sur toutes les unités géodynamiques.
Une étude faite par Géo-conseil (2003) a
lié cette dynamique la fragilisation du sol et un surcreusement du fond
du kori principal suite à l'embourbement d'un camion. Ceci a
entraîné un appel d'eau qui s'est traduit par l'apparition des
ravines sur le glacis. Cette action est accentuée par la
dégradation de la couverture végétale à des fins
culturales.
hydrologiques. Ils correspondent d'une part aux bassins
versants endoréiques situés sur les sommets de plateaux à
cuirasse ferrugineuse qui sont hérités de la transformation
ancienne du paysage déconnectés du reste du paysage par leur
position topographique. Et d'autre part aux bassins versant endoréiques
situés dans les vallées sableuses dont l'origine est liée
à la dégradation du réseau hydrographique.
Pour ce second ensemble DESCONNET souligne deux niveaux. Le
premier niveau concerne les petits bassins versants (plusieurs dizaines de
kilomètres carrés) dont la dégradation du réseau a
pour conséquence la division de cette entité en plusieurs
réseaux de drainage déconnectés les uns par rapports aux
autres. Le second niveau correspond à la dégradation partielle de
l'ancien réseau hydrographique régional.(drainant des superficies
des plusieurs centaines de kilomètres carrés). Cette
dégradation schématisée par l'ensablement localisé
ou/et généralisé rend inefficace la fonction de
transfert.
D'autres auteurs ayant traité la question de la
dégradation des bas-fonds soulignent qu'en plus de l'action du climat,
le rôle de l'action anthropique dans le processus de la
dégradation.
Selon ABDOU (1993), la dégradation du bas-fond de Wi-Wi
dans le canton de Gouchi est liée à une anthropisation
incontrolée conjuguée à la dégradation
générale des conditions climatiques. Selon lui l'intense
activité éolienne entraîne l'ensablement du bas-fond d'une
part et d'autre part la pression animale et les méthodes culturales et
le besoin en bois de la population entraînant la diminution de la
couverture végétale.
MAMADOU (2001) a lié l'évolution actuelle du lac
Madarounfa et de son bassin d'alimentation à l'évolution
récente du climat et aux actions anthropiques: ancienneté de mise
en valeur de terres, effets de concentration des eaux du barrage en amont.
MOUSSA (2005) parlant de la morphodynamique actuelle du
bas-fond Goubé a souligné la péjoration climatique qui se
caractérise par le déficit chronique des précipitations
capable de provoquer des modifications dans le comportement hydromorphologique
des réseaux hydrographiques. La conséquence au niveau du bas-fond
Goubé est la nouvelle forme de stockage et de distribution des eaux
d'écoulement dans son lit.
MAKAOU (2005) après avoir évoqué l'impact
de la nature dans l'évolution du Gombi de Maradi a expliqué la
transformation du paysage par les effets de la croissance démographique.
En effet, en l'absence d'une technique capable d'accroître le rendement,
la satisfaction des besoins d'une population de plus en plus nombreuse passe
par l'extension des surfaces cultivées.
D'autres études ont montré un
phénomène similaire. BOUZOU et al (1996) ont montré que la
dégradation d'un environnement physique se marque sur trois de ces
composantes la végétation les sols et les formes
d'érosion. Le sol se dégrade et donne naissance à des
formes d'érosion qui peuvent
être de grande ampleur. Cette dégradation se
traduit par un accroissement de la dynamique érosive. Les sols
étant d'une part, moins protégés par une
végétation déficiente et d'autre part fragilisés
par leur destruction physique et/ou chimique, les écoulements se
concentrent, les ravins qui emportent les fractions importantes de sol se
forment, les koris s'approfondissent. Cette évolution se traduit par la
dégradation de la couverture végétale (disparition des
arbres et même de graminées pérennes), dénudation,
encroûtement puis décapage des sols, augmentation du
ruissellement, ravinement des versants, changement du régime des
rivières baisse du niveau de nappe et finalement aridification du
microclimat régional (ROOSE; 1988, cité par BOUZOU; 1998).
Eu égard à tous ces indicateurs, des mesures
urgentes doivent être prise le plus vite possible en vus de
préserver ces potentialités sur lesquels porte l'avenir d'un
monde rural frappé par une série de crises environnementales
depuis plus de trois décennies et dont les séquelles sont encore
présentes et persistent pour certains cas.
3. 2 Proposition d'aménagement
À l'issue de cette étude sur la genèse et
morphodynamique actuelle des bas-fonds, il aura donc été
identifié les processus dont la prise en compte est un facteur dans le
choix et la réussite des aménagements. Il s'agit:
u de la dégradation des milieux environnants quand on
sait que « les bas-fonds subissent l'influence directe des versants et des
sommets essentiellement par le biais des transports liquides et solides.»
(BERTON; 1988).
u la dynamique de l'eau sur les versants u et enfin la dynamique
foncière.
La dynamique érosive montre que les bas-fonds sont
sujets à de grands déséquilibres, les mares sont
menacées par le phénomène d'ensablement et risquent de
disparaître à long terme si rien n'est entrepris dans ce sens.
Vu l'ampleur de la situation, l'aménagement de ces
bas-fonds s'avère plus que nécessaire. Cependant,
l'aménagement doit être intégré, donc tenir compte
de la dynamique générale de l'environnement de bas-fonds et non
pas les considérer comme des entités isolées. Toute action
d'aménagement cherchera à maîtriser les eaux du
ruissellement au sein de bassin versant.
rapport aux habitudes socioculturelles de la population et au
milieu physique, et le rétablissement des surfaces
aménagées dans leur utilisation originelle à moins que des
exigences alimentaires ne laissent d'autres choix que l'extension de l'espace
cultivé.
Étant entendu qu'il existe plusieurs types
d'aménagement, il importe de procéder à un choix judicieux
en fonction bien sûr du rôle qu'il doit assurer et des
unités géodynamiques.
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