III. 5. La mystification du pouvoir face à la
volonté de laïcisation de l'Etat
Une modification de la constitution en 1974 institue
le mobutisme, défini comme << l'ensemble des actes et dires du
président Mobutu >>, comme doctrine nationale. Fait nouveau : le
préambule de ladite constitution proclame explicitement la
laïcité de l'Etat et évoque pêle-mêle Dieu, les
Ancêtres, l'Afrique et le Monde.
En décembre de la même année, le
gouvernement promulgue une série de mesures qui ont
mécontenté profondément la hiérarchie catholique.
La fête de Noël est supprimée du calendrier national ; en
outre toutes les écoles détenues par les Eglises (83,5 % des
effectifs globaux de l'enseignement national) sont étatisées, en
corollaire, les cours de religion ne pourront plus être enseignés
dans les établissements publics étatisés, tout comme les
crucifix et autres icônes religieuses seront retirés de tous les
édifices publics (écoles et hôpitaux). Les facultés
de théologie protestante et catholique seront proscrites au sein de
l'UNAZA.
A cet effort conjugué par le pouvoir
autoritaire de laïciser l'espace public et la reprise de conscience de la
nécessité de reprendre les fonctions régaliennes de l'Etat
longtemps tenues par les Eglises notamment l'enseignement et la santé,
va s'en suivre la conséquence qui fut le mouvement qui tendait à
imposer le mobutisme comme religion d'Etat, Mobutu étant
désormais le << Messie >>de la nouvelle religion
authentiquement Zaïroise.
Le 04 décembre 1974, Monsieur Engulu, ministre
des Affaires politiques, déclare : << Dans toute religion et de
tout temps il y a des prophètes. Pourquoi n'y en aurait-il plus
aujourd'hui ? Dieu a envoyé un grand prophète : c'est notre guide
prestigieux Mobutu Sese Seko. (...) Ce prophète est notre
libérateur, notre Messie. (...) Jésus est prophète des
juifs, il est mort. Le Christ ne vit plus. Lui, il se dit Dieu. Mobutu n'est
pas Dieu, il ne se dit pas Dieu, il mourra aussi. Mais il conduit son peuple
vers une vie meilleure. Comment ne pas honorer, vénérer celui qui
fonde la nouvelle Eglise du Zaïre ? Notre Eglise est le Mouvement
Populaire de la Révolution. Notre chef est Mobutu. Nous le respectons
comme on respecte le pape. Notre loi est l'authenticité. (...) Notre
Evangile, c'est le mobutisme, le Manifeste de la N'Sele... Que vient faire le
crucifix dans nos édifices publics ? Il doit être remplacé
par l'image de notre Messie. Et les militants auront à coeur de placer
à ses côtés sa Mère glorieuse : Mama Yemo (...) La
sainte Vierge était aussi honorée comme mère du
prophète Jésus >>126.
125 A. NGBABENDU ENGUNDUKA et E. EFOLO NGOBAASU,
Volonté de changement au Zaïre, vol.1,
<< De la consultation populaire vers la
conférence nationale, Paris,L'Harmattan,1991,p.30.
126 ENGULU, cité par W. OYOTAMBWE, Op.
cit., p. 73.
Face à cette situation, l'épiscopat
catholique se battra pour reconquérir ses positions en particulier dans
le domaine de l'enseignement et la santé.
III.6. Les conflits d'intérêts et la
légitimation idéologique par des confessions
religieuses
Certains pensent que durant toute cette période
de lutte entre Mobutu et les Eglises, on aurait pu espérer une
solidarité inconditionnelle des différents Eglises, du moins
chrétiennes, pour conjurer la dictature naissante.
Mais nous nous estimons qu'en vertu du principe de
séparation des pouvoirs religieux et politique ainsi que celui de non
immixtion dans les affaires respectives, cela serait une fois de plus permettre
aux Eglises de s'ingérer dans les affaires politiques. En tout cas, les
pesanteurs de l'histoire et la divergence d'intérêts des toutes
les confessions, empêcha un déploiement d'une telle
solidarité, d'autant plus que rien n'établit
irréfutablement que ces conflits d'intérêts aient eu pour
principal enjeu réel la dictature ou, inversement, la
démocratisation du régime. Aussi à intérêts
divergents réactions divergentes.
W. Oyotambwe stipule que les Eglises protestante et
Kimbanguiste, pour ne citer que les plus importantes, semblèrent se
régaler de cette atmosphère autoritariste et en
profitèrent pour conquérir quelques faveurs de la part du pouvoir
politique. Sans broncher, elles manifesteront leur soutien au projet
politicoidéologique du Chef-Président.
a) L'Eglise du Christ au Zaïre (Congo)
Lors des premières campagnes de
l'authenticité et des premiers affrontements avec la hiérarchie
catholique par le cardinal Malula interposé, en février 1972, la
hiérarchie nationale des Eglises protestantes réunies au sein de
l'Eglise du Christ au Zaïre (E.C.Z) apportera un soutien sans failles au
chef du MPR : « nous soussigné, membres du Comité
exécutif national de l'Eglise du Christ au Zaïre, réunis en
session extraordinaire à Kinshasa, (...), déclarons
solennellement notre fidélité et soutien au
Président-Fondateur du parti national, le MPR, Chef du Gouvernement et
Général de Corps d'Armée, le citoyen Mobutu Sese Seko.
Nous appuyons avec soulagement la lutte combien noble pour
l'authenticité. (...) C'est ici où s'affirment la grandeur, la
profondeur et l'originalité de la politique du deuxième
régime. Nous saluons avec fierté la politique sociale du Nouveau
Régime visant l'amélioration des conditions humaines, gage de la
paix durable et du bonheur
social >>127.
127 E.C.Z, « L'Eglise et l'authenticité
Zaïroise >>, cité par P.B. KABONGO-MBAYA, op. cit.,
p.310.
Plus tard, à l'occasion du douzième
anniversaire de l'indépendance nationale, ça sera le tour du
pasteur (et plus tard Mgr) Bokeleale de déclarer encore plus
solennellement et sans ambages l'allégeance de l'E.C.Z au
général Mobutu qu'il affublera de tous les attributs
messianiques, avant de le magnifier et de l'élever au rang de
Noé, Abraham, Joseph, Moise, David, Jésus-Christ, Martin Luther
King et Jean XXIII. Le président de l'E.C.Z enchaînera donc en
disant : << Dieu a besoin de l'homme pour résoudre les
problèmes dans le monde (...) Après cinq ans, comme nos musiciens
le chantent, le Seigneur nous a donné un homme. C'était le
général Mobutu Sese Seko, avec une mission claire et nette :
apporter la paix au Zaïre et sauver notre pays
>>128.
Ces déclarations des représentants de
l'E.C.Z rendaient ainsi au régime un hommage du genre que le
Chef-Président affectionnait pour consolider le culte de la
personnalité que ses thuriféraires laïcs déploient
déjà avec un zèle inégale ; du moment que
l'éloge venait d'une personnalité religieuse, le culte prenait du
relief et le chef de l'Etat ne restera pas indifférent à ce
supplément de taille.
b) Le Kimbanguisme
Du coté de l'Eglise Kimbanguiste, ce fut aussi
un soutien de tout instant à la nouvelle << religion authentique
>>. A l'instar des protestants, les Kimbanguistes vont se rapprocher du
pouvoir pour consolider le statut de troisième Eglise nationale que
celui-ci venait de leur conférer. Il est significatif que tout au
début de la campagne de l'authenticité, le président de la
République se soit rendu en pèlerinage à Nkamba,
accompagné de son épouse, et qu'il ait assisté au culte
kimbanguiste à Matete pour célébrer le vingtième
anniversaire de la mort de Simon Kimbangu129. Ainsi, lorsque le
pouvoir interdit le port des prénoms chrétiens, Diangenda (le
chef spirituel de l'E.J.C.-S.K.) diffusa une circulaire ordonnant aux pasteurs
kimbanguistes de baptiser seulement avec les noms << authentiques
>> tout en demandant aux kimbanguistes << de se
pénétrer de la philosophie de l'authenticité et de se
soumettre à l'éducation permanente du parti pour mieux comprendre
la portée exacte des enseignements du Manifeste de la N'Sele
>>128.
Ce soutien du Kimbanguisme ne pouvait jamais faire
défaut au Président de la République ; même quand le
culte de la personne du guide atteignit son paroxysme et que
l'anticléricalisme du régime se renforçait, le chef
spirituel Diangenda demandera à tous les kimbanguistes de rester
toujours derrière le guide pour le triomphe de la Révolution
nationale.
Ici, il faut comprendre le fait que le kimbanguisme
est naturellement un mouvement à doctrine politico-religieuse
nationaliste et local et qu'il ne pouvait que dans ce contexte, adhérer
à une idéologie politique de l'authenticité.
128 E.C.Z, Op. cit., p. 312.
129 S. ASCH, L'Eglise du prophète Kimbangu. De
ses origines à son rôle actuel au Zaïre, Paris, Karthala,
1983, p.71.
Les Eglises protestantes et kimbanguiste ayant
adhéré au projet politique, celle qui tergiversait à
suivre l'exemple devait être une Eglise au service de l'extérieur.
Le président de la République le dira en termes ci-dessous :
« Je dis que ce pays et le parti n'ont rien à voir avec
l'extérieur, c'est-à-dire avec toutes les institutions
extérieures à notre République ; que ces institutions
soient politiques, économiques ou spirituelles. Nous ne pouvons plus
accepter la domination politique, économique ou spirituelle
imposée de l'extérieur... Avant l'indépendance on citait
les trois pouvoirs : l'Administration, les sociétés
(industrielles) et l'Eglise. Les deux premiers ont cédé la place,
il n'y a pas des raisons qu'il n'en soit pas de même pour l'Eglise...
Jamais je n'ai eu de problèmes avec les protestants, ni avec les
kimbanguistes, parce qu'ils ne reçoivent pas de mots d'ordre de
l'étranger. Mais les évêques zaïrois en
reçoivent (...) Ce sont des agents au service de l'étranger
>>130.
Il ressort clairement de ce qui précède
que le plan de Mobutu était non seulement de vouloir étendre son
idéologie de l'authenticité aux Eglises mais aussi et surtout il
voulait se tailler le monopole sur ces dernières, qu'il institue, qu'il
domine, qu'il contrôle et dont il se sert pour consolider son pouvoir au
nom de l'authenticité. Chose naturellement antithétique avec la
laïcité de l'Etat. C'est ce que nous avons appelé le
régime gallicanisme mobutien plus haut.
On peut remarquer une autre intentionnalité non
déclarée c'est-à-dire un souhait inavoué du
régime mobutiste, était donc de pouvoir compter sur un partenaire
ou un allié, et c'est cette volonté qui justifie sa satisfaction
vis-à-vis des protestants et des kimbanguistes. L'allusion faite
à l'« extérieur >> dans l'attitude des
catholiques résultait de la dépendance du catholicisme congolais
vis-à-vis de l'Occident qui rend cette Eglise facilement
réceptive des décisions dictées de l'extérieur.
L'Eglise catholique s'apercevant que ses intérêts pourraient
être menacés et défavorisés par cette vision de la
politique, s'érigea ici en quelque sorte en contrepoids face au
totalitarisme du régime mobutiste, mais cette opposition ne durera pas
longtemps, le régime ayant déployé tous les moyens
possibles pour la mâter ou, tout au moins, la
récupérer.
c) Le mariage entre l'Eglise catholique et le
MPR
La décennie 80, alors que l'Eglise catholique
montrait face au régime, un comportement de réticence, verra se
consolider une réelle collaboration entre L'Eglise et le régime
du président Mobutu, couronnant ainsi un rapprochement amorcé
depuis la fin de la précédente décennie. Mais pendant que
le pouvoir décidait la dissolution de l'Assemblée
épiscopale, Mgr. Kesenge de Molegbe, prononcera un discours dont voici
l'extrait : « (...) comme le Christ est venu sauver le monde, ainsi Mobutu
est venu sauver le Zaïre (...) >>131.
130 P.B. KABONGO-MBAYA, Op. cit., p.
307.
131 R. LUNNEAU et alii , Chemins de la christologie
africaine, Paris, Karthala, 1988, p. 58.
En 1982, le MPR cesse d'être un simple parti
unique pour s'ériger en PartiEtat et, en tant que tel, << unique
source de pouvoir et de légitimité politique au Zaïre >.
Paradoxalement, la position de l'Eglise va se conforter progressivement sur
l'échiquier du pouvoir mobutiste et, même dans le partage de ce
pouvoir, l'influence de l'Episcopat deviendra de plus en plus grande et
manifeste. On le consultera par exemple au moment des formations de
gouvernement ou d'interminables remaniements ministériels. Certaines
personnalités laïques devront une ascension fulgurante en politique
comme dans d'autres domaines à la faveur d'un soutien
ecclésiastique.
Certains congrégations religieuses, dont les
jésuites et les scheutistes, etc., s'illustreront dans les
stratégies de promotion de leurs protégés (anciens
élèves, cadres) en les plaçant à des postes de
premier choix sur le marché d'emploi. Ainsi, assistera-t-on à une
profusion d'associations d'anciens élèves de tels ou tels
pères : les anciens des pères scheutistes (ADAPES), les
élèves des frères maristes ou lazaristes, etc.,
deviendront des véritables foyers d'ascension sociale, d'emplois ou de
facilités diverses132.
Pendant ce temps, le tissu économique s'effrite
à un rythme effréné, tandis que les violations des droits
de l'homme en tous sens étaient devenues monnaie courante. Les Eglises
chrétiennes confondues, vont se taire et s'aligner par hypocrisie
derrière le discours du verset biblique << A César ce qui
est à César et à Dieu ce qui est à
Dieu>. Signe de temps, c'est au début de cette
décennie 80 que naît une vive contestation du régime
à l'intérieur même de son organe dirigeant sans que les
hiérarchies religieuses appuient officiellement les revendications de ce
mouvement.
Il faut préciser ici que les réunions
épiscopales ne reprendront qu'à l'événement de la
zaïrianisation, concept par lequel, l'on entend le décret qui
voulait à ce que la gestion des entreprises agricoles, commerciales et
de transports appartenant aux étrangers deviennent la
propriété des citoyens zaïrois. Cela parce que les
évêques zaïrois ont laissé faire et ont
déclaré leur fidélité à l'Etat et au
régime en place.
Cependant, En 1978, à l'issu de l'échec
de la politique économique nationale (zaïrianisation,
radicalisation), le président de la République arrête une
série de mesures pour redresser l'économie. Parmi ces mesures, il
décrète la nouvelle politique de
stabilisation, surnommée la
rétrocession. Les entreprises zaïrianisées sont
rendues à leurs propriétaires étrangers à condition
que 40% des capitaux reviennent à des nationaux (...). La dette
extérieure grandissante provoque une dévaluation de fait
d'environ 50%. Lors de la mise en vigueur de ces mesures fin 1976, il
était déjà question de rétrocéder les
écoles aux Eglises.
132 R. LUNNEAU, Op. cit., pp. 59-60.
La gestion des écoles va effectivement
être rétrocédée aux Eglises, du moins celles dites
nationales (catholique, protestante et kimbanguiste) ; après plusieurs
mois de négociations, un accord est signé à cet effet au
début de l'année 1977. Selon les termes de cet accord, les
réseaux scolaires radicalisés depuis trois ans sont
rétrocédés aux trois Eglises, mais la gestion de ces
écoles se fera dans le cadre de l'Education nationale,
c'est-à-dire que l'Etat en reste le pouvoir organisateur. Ce nouveau
cadre de collaboration convaincra les Eglises à reprendre lesdites
écoles, ce qui leur permettra, mutatis mutandis, de retrouver leur
influence dans la conduite des affaires publiques et parmi les
jeunes.
Il faut préciser que cet accord intervient dans
un contexte sociopolitique marqué par l'aggravation de la crise
économique, la grogne sociale, la multiplication des sectes
politico-religieuses, la réapparition des partis politiques d'opposition
en exil et les mécontentements de la population suite à certaines
attitudes des membres du parti.
Au demeurant, chaque fois qu'il y avait
soulèvement pour revendiquer le changement contre le régime de
Mobutu qui excellait déjà dans une corruption
généralisée, les évêques congolais s'y
opposaient à ce qu'ils qualifiaient << l'agression barbare du
pays>>. C'est le cas de la première guerre de Shaba où les
évêques congolais se rallieront à la thèse
officielle pour condamner l'agression des ex-gendarmes katangais,
appuyée selon eux, par des puissances étrangères.
Simultanément, l'E.C.Z. et l'E.J.C.S.K. rappellent leur <<
indéfectible attachement au << Guide de la Révolution
zaïroise authentique >> et désapprouvent << l'agression
barbare >> du pays.
Le régime de Mobutu ne survivra que grâce
à ce soutien des Eglises qui mobilisaient toute la population à
s'opposer à ce mouvement qui revendiquait le changement institutionnel,
mais aussi grâce au soutien des 1. 500 soldats marocains
dépêchés à sa rescousse sur le front pour
épauler les forces armées zaïroises débordées
par l'avancée de l'ennemi133. La collaboration entre l'Etat
et les trois Eglises va ainsi se consolider.
De juin 1976 à juillet 1980, lors de la
célébration du centenaire de la deuxième
évangélisation du Congo-Zaïre par l'Eglise catholique, le
cardinal Malula après avoir été agressé chez lui
par la force secrète du président de la République pour
avoir publié un document dénonçant le mal
zaïrois, craignit pour sa vie durant plusieurs mois,
jusqu'à l'intervention du pape Jean Paul II qui reçut tour
à tour au Vatican le président Mobutu et le cardinal Malula en
1979, probablement pour dissiper les craintes du cardinal en assurant au
président un certain soutien.
Cette année du centenaire, proclamée
année de << solidarité et du partage >> par l'Eglise
catholique sera donc dominée par un modus vivendi
concrétisé par l'acceptation de l'invitation faite au pape de se
rendre au Zaïre et par la nomination
133 C. BRAECKMAN, Le dinosaure : le Zaïre de
Mobutu, Paris, Fayard, 1992, p. 83
du cardinal Malula à la présidence du
conseil d'administration des OEuvres de Maman Mobutu134.
Toutefois, ici aussi, la trêve dans le
sempiternel conflit Mobutu-Eglise sera de courte durée, puisque
l'Episcopat zaïrois publie un nouveau document dénonçant `le
mal zaïrois', tandis que le cardinal Malula pour sa part adresse aux
chrétiens une lettre pastorale sur le même sujet à
l'occasion de l'anniversaire de son épiscopat. Mais, cette fois, la
crise qui en résultera sera vite décrispée à cause
de la préparation de la visite du Souverain pontife au
Zaïre135.
III.7. Le Temps des dénonciations
Les dénonciations par l'Eglise catholique
avaient justement commencé depuis la publication du document
intitulé : << le mal zaïrois »
par le cardinal Malula avant la visite du pape au Zaïre.
Durant son séjour sur le sol zaïrois, le
pape s'est exprimé sur plusieurs thèmes : besoin d'aide
internationale pour que l'Afrique recouvre une indépendance
réelle, nécessité du développement agricole au
Zaïre afin de satisfaire la demande alimentaire locale, devoir de l'Eglise
africaine de combattre l'injustice et la corruption, l'africanisation du
christianisme,...136
Comprenons de ce qui précède comment le
pape à son passage au Congo a confirmé l'opportunité suite
à l'observation de la défaillance de l'Etat providence, de
récupérer le social par l'Eglise catholique congolais se fondant
ainsi sur sa doctrine socio-politique susmentionnée. Mais, on le verra
plus tard, cette doctrine cache la réelle ambition de l'Eglise de
s'approprier les affaires du monde qui pourtant relèvent de la politique
en vertu du principe : << A Dieu ce qui est à Dieu et à
César ce qui est à César » d'origine
biblique
Un an après la visite du pape, la joute
Eglise-Etat connaîtra quelques escarmouches. En effet, le 23 juin 1981,
Mgr Kaseba, évêque de Kalemie, a rendu public un autre message du
Comité permanent des évêques du Zaïre qui reprenait
ses critiques sur les racines profondes du mal zaïrois. Les
évêques y dénoncent << l'exploitation
éhontée, le pillage organisé au profit de
l'étranger et de ses relais, pendant que le gros du peuple croupit dans
la misère ». Ils évoquent aussi la crise économique
caractérisée par les prix débridés, les salaires
bloqués, les pénuries diverses ; ils stigmatisent en outre les
dérives politiques : les enlèvements, les arrestations
arbitraires et les tortures. A l'endroit des occidentaux qui soutenaient
ouvertement le régime mobutiste, les prélats rappellent que
<< les peuples font eux-
134 Idem, p. 84.
135 Ibidem, p. 88.
136 W. OYOTAMBWE, Op. cit., p. 60.
mêmes leur propre histoire et que c'est au peuple
congolais de faire la sienne >>, puisqu'en aucun cas « ses amis
étrangers ne sauraient se substituer à lui
>>137.
Cette dénonciation pourrait apparaître
sous les yeux de tout analyste critique comme une manière pour l'Eglise
profitant de la défaillance des institutions étatiques, de faire
leur contre campagne en les imputant de tous les maux du pays et ainsi faire sa
campagne en éveillant les consciences de leur état
d'exploité. Ainsi donc, la stratégie de l'Eglise était de
vouloir récupérer la confiance du peuple congolais et lui
témoigner sa solidarité dans la conduite des affaires. Nous le
disons car, nous referant au contexte de l'époque, après cette
dénonciation, c'est l'Eglise qui a su mobilisé autour de lui les
plus des soutiens populaires grâce aux services caritatifs et sociaux de
base et pour cela elle réussi à conquérir un espace
privilégié en politique. Par conséquent,
l'allégeance est plus faite à l'Eglise qu'à
l'Etat.
Suite à cette situation où l'Etat se
trouve affaibli, Mobutu trouve tardivement la nécessité
d'appliquer stricto sensu, la séparation des deux domaines : religieux
et politique. Sa réaction ne se fit entendre ; dans un discours
prononcé lors de la tenue de la troisième session du MPR
où il exigea impérativement que le clergé cesse de
s'occuper de politique, accusant par la même occasion les
clercs
d' « ingérence dans les affaires de l'Etat
>>. A cette même occasion, le parti pour réaffirmer sa
puissance, décida que les membres de la JMPR seront désormais
présents dans toutes les paroisses pour s'assurer que les
homélies et les prédications ne versent pas dans les
problèmes qui relèvent du temporel» ; une association membre
de la JMPR en particulier dénonce que les paroisses du pays sont
transformées en véritables tribunes politiques ; (...) une
sévère mise en garde vient à point nommé car la
religion a ses prêtres et la politique les siens.
Dans la foulée, les évêques
réactionnaires vont subir des nouvelles intimidations. Dès cet
instant, la pléthore des services de sécurité du
régime va s'ingénier à infiltrer toutes les
réunions épiscopales ainsi que toutes autres sortes de
rassemblement ecclésiastique, dans le but de repérer les «
réactionnaires >> et les subversifs, jusqu'au coeur des
institutions de l'Eglise. Exploitant à son compte les dissensions
déjà perceptibles au sein de la hiérarchie et du
clergé dans son ensemble, le pouvoir atteindra facilement son but :
l'Eglise va compter dans ses propres rangs ceux des agents d'information au
service du pouvoir. Le malaise se réinstalle alors. Néanmoins, la
diplomatie vaticane, semble-t-il, va peser de son poids pour apaiser les
tensions ainsi avivées ; mais cette fois-ci apparemment, c'est
plutôt l'Eglise qu'elle va contraindre à ne point se mêler
de la politique, au silence et à la résignation, de sorte que
petit à petit celle-ci va se résoudre à la soumission au
Chef de l'Etat138.
Sommes toutes, les relations entre l'Eglise et l'Etat
zaïrois étaient tantôt conflictuelles, tantôt de
collaboration mais quel que soit le contexte, étaient des
137 S.ASCH, Op. cit., p. 89.
138 S. ASCH, Op. cit., p. 106.
rapports de force au regard des intérêts
de chacun. Cela étant, la question de laïcité de l'Etat avec
ses principes directeurs notamment la non immixtion dans les affaires
respectives, ne disait, que ce soit aux responsables de l'Eglise ou aux
politiques, absolument rien et le contraire était vrai à chaque
rapport. L'Eglise semblait donné surtout l'image d'une institution
corrompue jusqu'à son plus haut degré, à savoir un pape
accordant une promotion à un dignitaire ecclésiastique à
la demande d'un pouvoir despotique.
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