Section IVème : De la Transition
démocratique à la troisième République
Les transitions démocratiques ont mis en
évidence, un peu partout en Afrique subsaharienne, la visibilité
retrouvée des Eglises chrétiennes. Selon les cas, elles ont
été soit conviées à assurer un rôle de
médiation entre le pouvoir et leurs oppositions, en assurant parfois la
direction des institutions transitoires.
Au début des années quatre vingt-dix, la
RDC a été le théâtre des changements politiques
intenses inaugurés par le discours présidentiels du 24 avril qui
annonçait l'avènement des pratiques démocratiques
(multipartisme, régime des libertés, transition
démocratique, élaboration d'une nouvelle constitution,
préparation des élections, marginalisation tendancielle du MPR
Parti-Etat).
Dans la suite des événements, une
conférence nationale souveraine incluant toutes les
représentations sociales sera tenue tout en subissant les
contre-
141 E. DUNGIA, Mobutu et l'argent du Zaire.
Révelations d'un diplomate, ex-agent des Services secrets, Paris,
L'Harmattan, 1992, pp. 71-72.
coups des manipulations présidentielles qui feront
d'elle une assemblée incapable d'imposer ses
résolutions.
Tous ces indicateurs de changement s'inscrivent dans
ce qu'il convient d'appeler « processus de démocratisation ».
L'une des particularités de ce changement politique réside dans
le fait que, il a été négocié sans succès,
par les hauts dirigeants du clergé catholique. Après plusieurs
années de soutien mutuel, cette paroxystique et spectaculaire irruption
de l'Eglise catholique dans le champ politique a eu comme conséquence,
la participation du clergé à un mouvement profond de remise en
cause du caractère régalien et dispensateur du social de
l'Etat.
Pour preuve, nous pouvons épingler quelques faits
:
- le clergé participait au conseil de
sécurité du Sud Kivu avant la guerre (1996). Ceci fait de
l'Eglise un partenaire sécuritaire de l'Etat et non seulement une
institution sociale qui doit être protégée par
lui.
- Le clergé exerce une énorme
capacité d'influence sur les masses qu'elle peut mobiliser à tout
moment pour ou contre les pouvoirs publics. Les mobilisations protestataires de
la résistance de 1998 à 2001 à Bukavu nous le
prouvent.
- Le clergé bénéficie des
privilèges et immunités tacites allant de l'inviolabilité
des locaux à des exonérations fiscales sans oublier des avantages
protocolaires dans les manifestations publiques ou les réunions des
personnalités influentes tant en province qu'au plan
national.
- Le clergé bénéficie d'une plus
grande liberté d'expression et d'opinions qui exposerait d'autres
catégories sociales à des poursuites judiciaires. En d'autres
termes, il est presque impossible d'arrêter et de poursuivre en justice
un clergé sur les questions politiques. Le cas de l'abbé
Jean-Bosco Bahalaokwibale ou de l'archevêque Kataliko en
témoigne.
IV.1. L'Eglise et l'Etat entre 1990 et 1996
Le 24 avril 1990, dans son discours inaugurant la
période dite de transition, le président reconnut l'échec
de son régime et annonça de nouvelles orientations
répondant cette fois là, aux aspirations du peuple :
l'introduction du multipartisme, l'abolition de l'institutionnalisation du MPR
et la mise sur pied d'une commission chargée d'élaborer une
nouvelle constitution pour la troisième République.
Ces déclarations suscitèrent une
explosion de joie et de grandes espérances. Curieusement de violentes
manifestations s'en suivirent, l'assemblée plénière de
l'épiscopat se réunit et confirma dans un message intitulé
: « libérer de toute peur au service de la nation » qui
dénonçait en outre, la limitation de fait de la
démocratisation à la seule ville de
Kinshasa et plaidait aussi pour une conférence nationale pour la
recherche d'un consensus national non seulement entre les hommes politiques,
mais aussi de toutes les couches de la population.
L'Eglise jouera un rôle de premier rang dans
l'organisation des travaux de la conférence nationale souveraine. La
présidence de celle-ci sera même confiée à un
prélat à la personne de Mosengwo, archevêque de Kisangani
mais les autorités politiques de l'époque tenteront à
maintes reprises de remettre en cause la composition de l'équipe
dirigeante de la conférence nationale en rappelant la
laïcité de l'Etat congolais et la non immixtion de l'Eglise dans
les affaires de l'Etat. Cette immixtion présentait à leurs yeux
un danger quant à l'avenir de l'Etat avec le retour en force du
religieux dans le politique. Le déroulement des travaux ne sera donc pas
facile car il connaîtra des interruptions mais quelque soit la pression,
l'Eglise finira par diriger les assises de la conférence.
Après la conférence nationale
souveraine, le comité permanent des évêques publia un
nouveau message intitulé : « un effort supplémentaire pour
sauver la nation » dans lequel, il revendiquait l'application des
résolutions issues de la conférence nationale. La situation de
blocage de la vie socio-économique et politique persista,
l'assemblée plénière publia à son tour un message
« Tenez bon dans la foi » accompagné d'un mémorandum
adressé personnellement au chef de l'Etat. Ces textes étaient
pour le clergé, la définition des conditions requises pour des
véritables élections démocratiques.
En 1994, le comité permanent des
évêques du Congo, au terme d'une session tenue à Goma,
publia le message : pour une nation mieux préparée à ses
responsabilités. Il y réaffirmait son attachement aux acquis de
la conférence nationale souveraine et assurait à Monsengwo leur
soutien dans les efforts qu'il avait déployé pour mettre fin aux
institutions autoritaires. Il appelait surtout les chrétiens à
s'organiser pour la formation de la population à la démocratie
notamment par des sessions sur les élections. Cette attitude suscita des
réactions du pouvoir politique suffisamment grave car les
autorités politiques se décidèrent d'agresser
systématiquement les membres du clergé catholique.
Si l'on essaie d'en faire une analyse approfondie
quant à leur résultante, on s'aperçoit que les assises de
la conférence nationale dirigées par ce prélat catholique
étaient vouées à l'échec en dépit de
diverses interpellations du pouvoir. Les causes de cet échec seraient
dues au fait que le prélat président de la dite conférence
y était entré avec un code religieux au lieu d'un code politique
usuel car les fonctions qu'il venait d'embrasser étaient aussi
politiques.
C'est ce que démontre Nicklas
Luhmann142 quant il analyse les systèmes sociaux. L'auteur en
distinguant dans un système social global, des sous
systèmes
142 Cité par MISIMBI MUGANZA, Syllabus
d'analyse du système social : structures et pouvoirs, UOB, L2
Sociologie, 2007-2008.
sociaux. Il en évoque plusieurs dont nous
retenons trois à savoir, le système politique, le système
religieux et le système médiatique. Pour lui, chaque
système a un code qu'il appelle code binaire
pour son fonctionnement et lorsque l'on utilise un même code
pour deux ou tous les trois systèmes, on est en face d'une affaire
où tout est bloqué. C'est ce qui a justifié l'échec
de l'Eglise catholique dans le processus de démocratisation de la RDC
sous la formule de la conférence nationale souveraine.
IV. 2. L'Eglise et le régime issu de l'AFDL de 1996
a 1998
En septembre, les premiers accrochages furent
signalés à l'Est du pays entre les forces armées
zaïroises de l'époque et les Banyamulenge. Des journaux
accusèrent l'évêque d'Uvira de servir de lieu de transit
pour les armes qui leur avaient été acheminées du Burundi.
On saura plus tard que la création de l'alliance des forces
démocratiques pour la libération du Congo avait été
signée à Lemera. Le 29 octobre les troupes de cette alliance,
soutenues par les élément Rwandais entrèrent à
partir de la ville de Bukavu et assassinèrent un évêque du
nom de Muzihirwa, dès lors la rébellion rencontrèrent
l'opposition de l'Eglise. Rappelons que dès le début de la guerre
conduite par Laurent Désiré Kabila, l'Eglise par l'entremise de
son pasteur de Bukavu, l'Archevêque Munzihirwa dénonçait
sans complaisance les violences et les exactions exercées par les
rebelles autour de son archidiocèse et appelait l'armée
régulière, la population à la vigilance et à la
résistance. (On verra plus tard infra le discours du pasteur à ce
sujet).
On verra également à travers le discours
du pasteur Munzihirwa que l'Eglise se montra incrédule par rapport aux
infiltrations signalées, aux exactions et aux assassinats dans la ville
de Bukavu.
<< (...) Sans doute, nous entendons
par ci par là des coups de fusils. Sachons que ce ne sont pas des coups
de fusils de nos ennemis mais de nos militaires qui, je crois, sont en train de
s'exercer à tirer et à manifester parmi nous leur présence
(...) »143.
Ici l'Eglise semblait soutenir le régime de Mobutu
à qui elle témoigna son soutien par des prières pour le
retour de l'ordre et de la paix.
Paradoxalement, après la prise du pouvoir par
Mzee Laurent Désiré Kabila, les évêques congolais
publient un message sous le titre << lève- toi et marche »
comme pour reconnaître le nouveau régime sans ménager
l'ancien et en communiant aux espoirs de la population de voir enfin se
réaliser un Etat de droit longtemps attendu.
Ils exprimaient néanmoins leur regret que le
changement réalisé ait été obtenu par la violence
et leurs inquiétudes devant le rejet par le nouveau régime du
projet de société élaboré par la légendaire
conférence nationale.
143 Message du Pasteur Munzihirwa à la population
de Bukavu à l'entrée d'AFDL
IV.3. Attitude de l'Eglise face à l'occupation
rwandaise couverte localement par le R.C.D
Le 02 août 1998, une nouvelle guerre
éclata à partir de l'Est précisément dans la
province du Sud-Kivu, elle est conduite par presque les mêmes personnes
qui accompagnaient l'AFDL lesquelles ont réalisé que leurs
intérêts politiques étaient insatisfaits.
Il faut préciser ici que les rapports de
l'Eglise à la rébellion du RCD étaient conflictuels.
L'Eglise exerçait une contre-politique à l'émergence et la
progression du RCD. Pour rappel, l'Eglise a contribué à
l'animation de la résistance et à la déqualification
publique des thèses politiques du RCD et du Rwanda. L'homélie de
la Noël 1999 par l'archevêque Kataliko en constitue une preuve. Nous
y reviendrons plus bas.
Les persécutions subies par le clergé
accréditent également cette thèse. Ce qui a fait que ce
dernier ait du mal à s'adapter et par conséquent, le RCD
s'imposait par la violence en l'occurrence contre tous ceux qui étaient
hostiles au mouvement par quelque moyen que ce soit, y compris les
prêtres, pasteurs et autres religieux de l'Eglise catholique. L'Eglise de
l'Est du pays témoignait fidélité et soutien au
gouvernement central. Cette opposition de l'Eglise catholique au RCD n'avait
pas seulement pour cause la défense de l'intégrité
territoriale face à l'agression étrangère, mais
peut-être aussi voir le fait que ses intérêts
matériels et symboliques étaient menacés voir en
péril. On cite par exemple, la taxation de ses véhicules pourtant
toujours exonérés de l'imposition.
IV.4. L'Eglise catholique et les accords de
paix
Le comité permanent des évêques de
la République Démocratique du Congo manifestait de
l'intérêt aux accords de paix en partie parce que le contexte de
guerre aménuisait les intérêts matériels et
symboliques habituels de l'Eglise mais également parce que sa doctrine
sociale et politique lui interdisait de rester muet et inactive face à
une situation devenue mélodramatique en défaveur des populations
qui subissaient des persécutions inouïes (massacres, viols,
tortures, emprisonnements,...).
C'est ainsi qu'en mars 2003, dans son message : «
J'ai vu la misère de mon peuple, Trop c'est trop
», le comité permanent des évêques a
montré que la tenue du dialogue inter-congolais était une
nécessité incontournable et une urgence, il exprimait aussi par
la même occasion son regret de voir que les finalités des accords
déjà signés et surtout celles de l'accord partiel conclu
à SUN-CITY n'ont pas été atteintes et que cet accord
partiel n'a fait qu'accroître la crise, et que la misère de la
population avait atteint un degré insupportable, mais le manque
de
volonté politique et de patriotisme
consistaient à caractériser la classe politique congolaise comme
l'indique cet extrait tiré de ce message : << les
atermoiements et les tergiversations qui entourent l'application de l'accord
global et inclusif, prouvent suffisamment le manque de volonté politique
et de patriotisme des partis en cause dans la crise congolaise
>>.
C'est ce qui explique leur prise de position en ce
terme : << la multiplication des obstacles sur le chemin de
la paix en RDC a atteint les limites du tolérable. Considérant
les responsabilités qui sont les nôtres dans cette
société, nous faisons une mise en garde aux belligérants
et à la classe politique, le peuple ne supportera plus longtemps leurs
tergiversations. Si la crise perdure encore, l'Eglise catholique utilisera des
moyens appropriés pour hâter le retour de la paix
>>144.
Tout en s'appropriant le peuple, l'Eglise annonce par
ce message, la reprise des responsabilités politiques au cas où
les politiques sont incapables de trouver des solutions à la crise dont
le peuple est victime.
Mais ici, la question qui nous vient est de savoir par
quels moyens va-t-elle s'y prendre pendant qu'elle n'a ni l'armée, ni la
bureaucratie, encore moins la police ; ces dernières fonctions
étant traditionnellement celles essentielles de l'Etat et elles
constituent donc, son appareil répressif selon le langage de Louis
Althusser. Cette déclaration traduit une certaine remise en cause du
monopole de la contrainte physique légitime. Or, nous savons que
l'Eglise au sens de Antonio Gramsci constitue l'un des appareils
idéologiques de l'Etat et à ce titre, elle est capable par
persuasion, d'amener le peuple à soutenir un régime ou encore
à s'opposer à un autre qui n'est pas de son choix. Qu'en
serait-il alors, si elle récupérait des fonctions de l'Etat et se
tournait contre l'Etat lui-même et son autorité ? Nous nous
imaginons le scénario sans pour autant croire à une
société sans Etat mais tout au moins à une <<
confessionnalisation >> de l'Etat congolais où l'Eglise prend la
relève des institutions étatiques laïques
défaillantes ; l'Eglise apparaît sous cette forme comme une source
alternative sinon concurrentielle du pouvoir politique ou de dissuasion, chose
traduisant l'effondrement de celui-ci ou du moins sa
fragilité.
IV. 5. L'Eglise et le Gouvernement de
Transition
A l'entrée du gouvernement 1+4 en RDC, l'Eglise
n'a pas gardé silence face à la formule adoptée par les
belligérants qu'elle ne partageait pas du tout. C'est alors que le
comité permanent des évêques congolais déclarent :
« de part et d'autre, une poignée des gens à la
culture politique douteuse prennent tout un peuple en otage. Ils signent des
accords, mais ne s'engagent pas à les respecter et refusent de les
appliquer (...) les hommes politiques de notre pays ne font pas preuve de
patriotisme. Préoccupés par des intérêts
égoïstes, ils font de la politique un gagne pain, qui n'a rien
à voir avec la recherche du bien-être de la population et le
souci
144 Message du comité permanent des
évêques de la RDC aux fidèles catholiques et aux hommes de
bonne volonté << j'ai vu la misère de mon peuple, trop
c'est trop >> du 15 mars 2003.
de la démocratie. Les spectacles désolants
qu'ils ont livrés à SUN-CITY, les divisions internes, la course
au positionnement et les querelles de préséance qui
caractérisent leurs moeurs politiques en sont une preuve (...) les
appétits effrénés pour le pouvoir ont conduit à
l'adoption du fameux schéma « 1+4 » qui contient les germes de
conflit au sommet de l'Etat »145.
Cependant, par rapport à la position de
l'Eglise vis-à-vis du schéma 1+4, d'après nos
observations, il y a eu des divergences d'opinions au sein même du
clergé catholique. Celui-ci s'est vu scindé en deux blocs.
D'où les divergences d'opinions de l'Est à l 'Ouest au sein du
clergé catholique.
En effet, l'Eglise de l'Ouest se voulait pessimiste au
processus conduisant selon ses meneurs, à la démocratie et
semblait vouloir réinitialiser la fameuse formule de Monsengwo issu de
la conférence nationale souveraine considérée selon lui,
comme la seule voix efficace pour la recherche de la paix et de la
démocratie en RDC. L'Eglise de l'Ouest reproche à la formule 1+4
de n'avoir été signée que par les ex-seigneurs de guerre
et de n'avoir pas associé l'Eglise aux pourparlers de SUN-CITY pourtant
qu'elle est le reflet des opinions populaires.
En revanche, l'Eglise de l'Est ne cachait jamais son
soutien à ce qu'elle a appelé « processus de la
recherche de la démocratie » mené selon elle,
par Joseph Kabila même si il n'a pas emprunté le schéma de
la conférence nationale souveraine.
Force était de constater le caractère
discriminatoire de l'Eglise de l'Est. En effet, cette Eglise témoignait
par des nombreuses pratiques, discours et déclarations leur soutien, aux
moyens des ses médians et autres, particulièrement au
président de la République Joseph Kabila Kabange dont elle
mystifiait la personnalité et généralement à sa
famille politique PPRD. Le président sera sacré
« David», « artisan de la
paix », « l'enfant de Dieu », «
le seul des 5 qui n'a pas touché le sang », etc.
propos qui irons jusqu'à la période électorale et qui
influença avec succès son électorat.
De ce qui précède, il y a lieu de dire
que c'est l'Eglise qui a battu campagne pour les comptes du président de
la République et de sa famille politique actuellement au pouvoir.
D'où les prémisses de la non édification d'une culture
politique particulière non teinté des croyances étant
donné que l'église sert de terrain ou base
privilégiée pour la mobilisation politique et pourquoi pas dans
l'option ou la détermination du choix populaire. Aussi la
présence manifeste des autorités politiques aux manifestations
religieuses réaffirme le soutien indéfectible ou tout simplement
la communion de voeux et des objectifs ; ces manifestations offrant aux
politiciens de couloir d'expression.
On le comprendra à l'issu de ce chapitre que,
chaque fois qu'il y a un régime ou une autorité investie par
quelque moyen que se soit, et qui ne partage
145 Message du comité permanent des
évêques, Op. cit.
l'idéologie de l'Eglise ou encore qui s'y
oppose, il rencontre indubitablement d'oppositions de cette dernière,
cela est encore plus patent lorsqu'elle s'aperçoit que ce régime
menace ses intérêts socio-politiques et même
symbolico-économiques ou tout simplement lorsqu'il n'y concourt pas. Il
en est de même lorsqu'il n'est pas de cette obédience religieuse.
Il est donc vite combattu et confronté à d'autres
forces.
En revanche, lorsque le régime ou
l'autorité investie est le sien c'est-à-dire dont
l'idéologie rencontre la vision de l'Eglise catholique, cette
dernière développe avec lui, un climat d'appui, de
clientélisme, de promiscuité renforçant une confusion
fonctionnelle existante, soit encore que ses membres apparaissent
vis-à-vis des acteurs politiques, en conseillers, soit encore qu'ils
prennent l'ascenseur aux postes publics afin de bien canaliser les
intérêts symbolico-économiques, protéger les acquis
de l'Eglise ; mais faut-il dire que c'est l'intérêt
matériel personnel, le goût de l'argent ou d'une promotion sociale
qui reste la motivation de ces professionnelles de la foi.
L'élévation de l'abbé Jean Bosco Bahalaokwibale à
la dignité de porte parole de la délégation
gouvernementale aux négociations de Nairobi avec le CNDP en ce
début 2009 ne peut plus alors étonner. C'est ce que J.-F., Bayart
et A. Mbembe appellent « la gouvernementalité du ventre
»146. C'est également le cas de l'abbé Malu-malu
aujourd'hui président de la commission électorale nationale
indépendante ainsi que de Mgr Monsengwo ancien président de la
CNS.
Il ressort de ce qui précède qu'en
dépit du contexte, la logique de l'Eglise transcende ou en tout cas,
ambitionne de transcender celle du système politique congolais compte
tenu des pertes fonctionnelles de ce dernier, une façon de sacraliser la
croyance dans la sphère politique au détriment de la
participation ; de la conviction idéologique et de l'adhésion aux
projets de société.
En ce qui concerne l'impact de cette situation sur la
gouvernance, il sied de souligner avec Jean Leca et même Jean Padioleau
que depuis les années 1970 le paradigme de la gouvernance par les
instances étatiques elles mêmes a été
déqualifié, les politiques publiques initiées n'ont pas
produit les résultats attendus, les acteurs d'en-haut et ceux d'en bas (
acteurs de terrain ) sont tombés dans une contradiction en partie parce
que les acteurs sociaux à la base n'ont pas été
associés à la détermination des choix et des politiques de
développement de leur milieu ; il n'y a pas eu par conséquent
problématisation des enjeux à la base. D'où, il fallait
trouver une formule de rechange qui vise à faire participer la
population à la problématisation des enjeux et à la
détermination des politiques et des stratégies. C'est donc
l'émergence de la gouvernance participative dans laquelle les instances
étatiques et les acteurs sociaux interviennent pour améliorer
l'action et dans laquelle aucune partie ne peut imposer ni dicter sa
volonté aux autres.147
Dans la mesure où l'Eglise en tant que partenaire
de l'Etat obéit à des logiques rationnelles de renforcement des
capacités gouvernantes pour l'intérêt des
146 J.-F., BAYART et Alii, Op. cit., p.
69.
147 J. LECA,
gouvernés, et se comporte en tant que tel dans
le processus d'élaboration des politiques publiques aux cotés des
sphères politique et administrative en plus d'autres clercs de la
société civile et des ténors du monde du capital, sans
pour autant vouloir soumettre l'Etat à son contrôle, il y a lieu
de considérer qu'il existe dans pareil cas ce que nous appelons
gouvernance participative positive étant entendu que le peuple y trouve
son compte et échappe à la marginalisation culturelle et
économique. Dans le cas contraire, nous pensons qu'il y a
gouvernance participative
négative ou mal gouvernance
concertée entre l'Etat et l'Eglise soucieuse de
protéger des intérêts sectoriels portant le masques des
intérêts collectifs des congolais qui à ce jour pourtant
supportent dans la grogne les injustices socioéconomiques
intolérables dans la civilisation moderne.
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