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Effet des pratiques culturales sur la diversité des plantes médicinales à  Ebolowa

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par Elie NGUEKAM WAMBE
Université de Yaoundé I - DESS en Sciences de l'environnement 2010
  

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III.2.2. Données démographiques des villages étudiées

Le nombre d'habitant représente les personnes qui vivent de manière permanente dans les villages (Tableau VIII). Le recensement a été fait lors des dernières élections couplées législative et municipale de 2007 au Cameroun. Les données démographiques montrent que les villages les plus denses sont proches de la ville d'Ebolowa. Cette densité peut s'expliquer par le fait que l'exode rural devient de plus en plus intense et les quartiers de la ville pleins.

Tableau VIII. Données géo-démographiques des différents villages étudiés à Ebolowa

Villages

About

Amvam
Yevol

Adjap
Essawo

Biwong
Boulou

Djop

Medjap
II

Mvam
Essakoe

Nombre
d'habitants

1300

2000

700

2000

800

800

400

Superficie (km2)

15

24

10

180

15

15

25

Densité de la
population

86,67

83,33

70

11,11

53,33

53,33

16

III. 2. 3. Principales activités de production

Les principales activités économiques recensées lors des enquêtes socio-économiques dans les villages ont été classées par ordre d'importance au plan de production et de rentabilité.

De toutes les activités rurales exercées par les familles, l'agriculture vient en tête tant par le nombre d'actifs que par sa contribution au revenu des familles. Après l'agriculture, la chasse est sans doute la deuxième activité génératrice de ressources dans les villages. Elle est pratiquée par près 70 % des chefs de ménages interrogés. C'est ce qui justifie actuellement la disparition de certaines espèces d'animaux sauvages comme le gorille ou le pangolin géant dans les villages. Grâce à un réseau hydrographique assez dense et à la richesse de ses eaux, les habitants ne semblent pas accorder le même intérêt à la pêche qu'à la chasse dans la mesure où seulement un ménage sur quatre déclare pratiquer cette activité. En ce qui concerne l'élevage, les principaux animaux élevés sont les chèvres, les porcs, les canards, les chiens, les chats et les poules. Il s'agit d'un élevage de type extensif. La cueillette, qui autrefois était l'une des principales sources de nourriture pour les populations forestières, n'occupe aujourd'hui que le deuxième rang et est demeurée une activité saisonnière pratiquée occasionnellement pendant la petite saison sèche, période au cours de laquelle les fruits sauvages sont très abondants. Le

tableau IX illustre les principales activités génératrices des revenus dans les terroirs d'étude selon le degré d'importance.

Tableau IX. Principales activités économiques dans les villages d'Ebolowa

Activités

Produits

Degré importance

Agriculture vivrière

1-pistache, 2-banane, plantain, 3- manioc ; 4- macabo, 5-arachides ;

Très important

Agriculture de rente

cacao

Très important

Chasse

porc épic, antilope, rat palmiste, singes,

hérisson, lièvre, sanglier et le pangolin, etc...

Très important

Agriculture intensive

palmeraie, bananeraie

Important

Pêche

étang de poisson

Moins important

Elevage

volailles ; chèvres, porcs,

Moins important

Cueillette et utilisation des PFNL

Irvingia gabonensis ; Baillona Toxisperma Garcinia lucida ; Ricinodendron heudelotii Cola sp. ; Piptadeniastrum africanum

vin de palme et raphia, champignons, termites

Important

Autres

commerce, whisky traditionnel

Important

III. 2 .4. Dynamique des systèmes d'utilisation des terres à Ebolowa

III.2.4.1. Temps d'exploitation d'une parcelle

Le paysan pratique une polyculture vivrière itinérante sur brûlis. Après défrichement de la végétation ou du sous bois, l'abattage des arbres et le brûlis s'en suivent. Les deux saisons de pluie sont propices à la création des champs et coïncident avec les deux saisons de cultures qui sont pratiquées. Les cultures vivrières sont dans la plupart des cas mixtes et au fur à mesure que sont récoltées les divers produits, il ne reste que le manioc et le bananier plantain, qui seront eux-mêmes récoltés qu'au fur à mesure des besoins. Au bout de quelques années, la terre est épuisée, ses éléments nutritifs ayant tous été absorbés par les plantes (manioc, patate douce, macabo et plantain). La parcelle est alors mise en jachère afin de reconstituer la fertilité du sol. Malheureusement, du fait de la pression démographique, la courte durée de la jachère ne permet pas une reconstitution suffisante de la fertilité. Les pluies érodent alors ce terrain mis à nu, emportant la mince couche fertile. Pendant ce temps de jachère insuffisant, le paysan défriche un nouveau carré de forêt et le cycle infernal recommence.

Lors des enquêtes sur le terrain, la jachère la plus longue est de 30 ans et celle-ci a été enregistrée dans la localité de Biwong Boulou qui est une zone située à 35 km d'Ebolowa. La durée moyenne des champs est de 1 à 4 ans selon le cycle des cultures pratiquées. La figure ci- dessous montre le temps que la population de la région d'Ebolowa met sur une parcelle avant de la mettre en jachère (Fig. 7).

Fig. 7. Temps d'exploitation d'une parcelle avant la mise en jachère à Ebolowa

L'analyse des résultats monte que près de 69 % des jachères font au maximum 4 ans de repos. Les parcelles exploitées sont dans des endroits différents. La mise en feu non contrôlée détruit la forêt voisine entraînant la chute des arbres et la destruction des herbes, ce qui conduit à la diminution de la diversité des plantes médicinales.

III.2.4.2. Superficies moyenne défrichées /an/personne III.2.4.2.1. Culture de rente

Le cacao est la seule culture de rente de la région d'étude. Les superficies déclarées vont de 1 à 4 ha pour environ 70 % des producteurs et de 5 à 9 ha pour les autres. Les planteurs qui ont déclaré plus de 10 ha de superficie sont très peu nombreux (Fig.9). Il s'agit cependant dans la très grande majorité des gens qui n'ont pas abandonné les cacaoyères de leurs parents lors de la chute des prix sur le marché. La majorité des populations exploitent moins de 4 ha à cause des moyens limités. Les jeunes cacaoyères sont rares et la baisse constante du prix du cacao sur le marché, combiné à l'absence d'encadrement et de crédits, n'incite pas les exploitants à créer de nouvelles plantations ni à entretenir celles qui existent déjà.

Effectif des ménages en %

Superficie des plantations (ha)

Fig. 8. Superficies des cacaoyères en fonction des ménages à Ebolowa

Les autres cultures pérennes comme le palmier à huile sont encore au stade embryonnaire dans la région mais semblent intéresser de plus en plus la population. Pour le moment, les quelques pieds de palmier signalés dans diverses plantations sont très souvent des espèces existant à l'état sauvage et que l'on entretient après défrichage pour extraire de l'huile et surtout du vin de palme et du whisky local.

III.2.4.2.2. Cultures vivrières

La densité encore très élevée du couvert forestier dans les villages, jointe au sous

équipement des populations, rend très ardue la création de nouveaux champs en forêt. Ainsi, chaque unité domestique a en moyenne 1 à 4 champs en cultures vivrières associées.

L'enquête révèle que près de 70 % des ménages ne défrichent guère plus de 5 hectares chaque année et quelques uns vont au-delà de 5 ha.

Effectif des menages en %

80 70 60 50 40 30 20 10

0

 

[1-5[ [5-10[ [10-15[ 20

Superficie des plantations (ha)

Fig. 9. Superficies (ha) utilisées pour la culture vivrière/ an/personne à Ebolowa

III.2.5. Système d'abattage

L'abattage des arbres se fait soit avec les machettes, soit avec le feu ou soit avec la tronçonneuse. Il ressort de nos enquêtes qu'environ 70 % de ménage font un abattage non sélectif lors des défrichements. Ils déclarent ne laisser que quelques arbres quand ils exploitent une parcelle pour une culture vivrière.

III.2.6. Durée des jachères

La stratégie culturale adoptée dans la zone d'étude se traduit par la multiplication des jachères sur lesquelles on ne revient très souvent qu'après 2 à 6 ans dans la plupart des cas, c'est-à-dire après que la végétation et les sols se sont presque totalement ou partiellement reconstitués. La durée de jachères par ménage, soit une moyenne se situant entre 2 et 6 ans mais pouvant atteindre plus de 10 ans dans certains cas est indicatif de la forte pression qui s'exerce sur les plantes médicinales.

Ce tableau reparti le temps moyen qu'une parcelle cultivée reste en jachère dans les différentes localités de la zone d'étude.

Tableau X. Répartition de la durée des jachères par village à Ebolowa

Villages

About

Amvam yevol

Adjap essawo

Biwong boulou

Djop

Medjap II

Mvam essakoe

Durée des

jachères

1-7 ans

2-6 ans

3-20 ans

1-30 ans

4-6 ans

3-6 ans

4 -5 ans

Les âges des jachères varient entre 0 à plus de 20 ans si l'on s'en tient aux connaissances des populations des différents villages étudiés. 40 % des jachères ne dépassent pas 4 ans dès lors, les plantes médicinales, lorsqu'elles sont prêtes à se développer, subissent à nouveau l'abattage et le brûlis (Fig.10).

Fig. 10. Répartition des jachères selon l'âge à Ebolowa III. 2.7. Perception de la forêt par les populations

contradictoires et dont la protection est jusqu'ici du ressort de ses habitants. Aussi, que la conservation soit comprise, espérée ou fantasmée, elle est exprimée comme étant la garantie de leurs richesses, de leurs biens et ce, essentiellement en prévision de l'avenir de leurs enfants. Toutefois les communautés locales considèrent les forêts non seulement comme un réservoir de produits ligneux pour les générations futures, mais également comme une réserve de terres pour y produire des vivres ou pratiquer des cultures de rente (Cacao).

III.2.8. Perception du potentiel des plantes médicinales et proportion des personnes utilisant les plantes médicinales

Les populations interrogées ont toutes exprimées leur inquiétude quant à la diminution progressive des plantes médicinales dans les terroirs étudiés. Les résultats obtenus lors des interviews montrent que 60,36 % des populations d'Ebolawa utilisent encore des plantes médicinales pour traiter plusieurs maladies. Parmi les paysans, les connaissances en pharmacopée sont très étendues : toutes les femmes d'un certain âge connaissent et utilisent les plantes susceptibles de soigner les maladies infantiles. Les adultes et surtout les personnes âgées peuvent identifier les arbres à usage médical, citer les vertus curatives de leur sève, de leurs feuilles, fruits, fleurs ou de leur écorce.

Les populations ont par ailleurs placé beaucoup d'espoir en ce projet de gestion durable des plantes médicinales comme un point de départ pour la valorisation de la médicine traditionnelle et la lutte contre la pauvreté, et qui pourra leur permettre d'en savoir plus sur les plantes médicinales.

Cependant il subsiste encore des doutes et la méfiance au sein de la communauté, ces inquiétudes sont liées au risque de piraterie de leurs connaissances.

III.2.9. Populations et gestion des plantes médicinales

Le contexte de la gestion durable des plantes médicinales dans les villages est marqué par une très faible participation de la population.

La conservation des plantes médicinales est dans la plupart des cas faite par les Tradithérapeutes et les personnes connaissant leurs vertus. Mais le reste de la population qui possède des connaissances limitées sur ces plantes sont le plus souvent auteur des pratiques non durables sur ces ressources du fait de l'ignorance de certaines essences médicinales. Dans les villages étudiés, 84 % des personnes interrogées n'ont jamais planté une espèce médicinale. Certaines plantes médicinales sont devenues rares ou inexistantes dans les villages (tableau XI)

Tableau XI. Quelques plantes importantes et très rares dans les villages d'Ebolowa

Nom local

Type morphologique

Nom scientifique

Famille

Problèmes identifiés

AMVAM YEVOL

Oveng

Arbre

Guibourtia tessmannii

Caesalpiniaceae

Exploitation abusive des

écorce et exploitation pour les constructions et les meubles et actuellement,

Atodo

Arbuste

Harungana madagascariensis

Hypperiaceae

Ignorance

Abangak

Arbuste

Vernonia conferta

Asteraceae

Ignorance, exploitation

abusive

Essok

Arbre

Garcinia lucida

Clusiaceae

Exploitation abusive pour le vin de palme, espèce rare

Ndilik

Arbuste

Tetrorchidium didymostemon

Euphorbiaceae

Espèce rare

Ebam

Arbre

Picralina nitida

Apocynaceae

En voie de disparition

BIWONG BOULOU

Ebam

Arbre

Picralima nitida

Apocynaceae

Mauvaise utilisation

Oveng

Arbre

Guibourtia tessmannii

Caesalpiniaceae

Exploitation abusive

Olong

Arbre

Afrostyrax lepidophyllus

Styracaceae

Abattage abusif

Adoum

Arbre

Cylicodiscus gabonensis

Euphorbiaceae

Manque

Okoa

Arbre

Lophira alata

Ochnaceae

Très rares

Essok

Arbre

Garcinia lucida

Clusiaceae

Exploitation abusive, espèce très rare

ABOUT

Oveng

Arbre

Guibourtia tessmannii

Caesalpiniaceae

Espèce devenue très rare à cause de l'exploitation abusive des écorces et du bois

Onyae

Arbre

Garcinia cola

Clusiaceae

En voie de disparition

Abe'e

Arbre

Cola lateritia

Sterculiaceae

Très rare

Oranger

Arbuste

Citrus sinensis

Rutaceae

En voie de disparition

Mandarine

Arbuste

Citrus sp.

Rutaceae

Très rare

Ngombang

Arbuste

Citrus medica

Rutaceae

Rares

Nfio

Arbuste

Persea americana

Lauraceae

En voie de disparition

Tome

Arbre

Dacryodes sp.

Burseraceae

En voie de disparition

Adjap

Arbre

Baillonella toxisperma

Sapotaceae

Rares

Olong

Arbre

Afrostyrax lepidophyllus

Styracaceae

Très rare

Engong

Arbre

Carapa procera

Meliaceae

Très rare

Essok

Arbre

Garcinia lucida

Clusiaceae

En voie de disparition

DJOP

Oveng

Arbre

Guibourtia tessmanii

Caesalpiniaceae

Très rare

Adjap

Arbre

Baillonella toxisperma

Sapotaceae

Rares

Bibolo

Arbre

Lovoa trichilioides

Meliaceae

Très rare

MVAM ESSAKOE

Nkoul

Arbre

Mansonia altissima

 

En voie de disparition

Ovos

Arbre

Nesogordonia papaverifera

Sterculiaceae

Très rare

Iboka

Arbre

Tabernanthe iboga

Apocynaceae

Très rare

ADJAP ESSAWO

Oveng

Arbre

Guibourtia tessmanii

Caesalpiniaceae

Mauvaise utilisation, très

rare

Adjap

Arbre

Baillonella toxisperma

Sapotaceae

Exploitation abusive

Mbikam

Arbre

Newbouldia laevis

Bignoniaceae

Culture sur brûlis,

exploitation forestière

MEDJAP II

Oveng

Arbre

Guibourtia tessmanii

Caesalpiniaceae

Très rare

Mevini

Arbre

Diospyros crassiflora

Ebenaceae

Très rare

Elone

Arbre

Erythrophleum ivorense

Caesalpiniaceae

En voie de disparition

III.2.10. Systèmes de gestion paysanne des plantes médicinales dans les espaces agricoles

Au moment des défrichements agricoles, peu d'attention est accordée aux plantes médicinales.

Au cours des entretiens auprès des ménages, 80 % des 70 personnes interrogées déclarent ne pas tenir compte des plantes médicinales lors des pratiques culturales, 20 % déclarent laisser certains arbres lors des défrichements uniquement pour des raisons d'ombrage ou de grosseur du bois. 10 % seulement de la population, composées uniquement des tradithérapeutes et quelques personnes âgées laissent certaines espèces médicinales importantes qu'ils constatent en voie de disparition dans la localité.

III.2.11. Accès aux plantes médicinales

En dehors des champs ou l'accès est réservé aux propriétaires, les plantes médicinales dans le village sont à accès libre pour tous les membres de la communauté. En général, les populations trouvent toujours un compromis pour l'accès aux plantes même dans les parcelles privées.

Les plantes médicinales dans les villages sont d'accès libre pour tous les membres de la communauté. Elles sont récoltées par n'importe quel habitant du village sans distinction de sexe.

III.2.12. Techniques de récolte

Les techniques de récoltes dépendent de types de plantes que l'on veut récolter. Pour les arbres les plus prisées, les écorces sont prélevées jusqu'aux branches, soit avec la machette, soit avec la pierre, soit avec la hache, ce qui laisse parfois très peu de chance de survie à l'arbre. Les feuilles sont aussi prélevées dans certains cas et cette technique en général a moins d'effets néfastes sur la régénération de la plante.

Pour certaines plantes, ce sont les racines pivotantes qui sont utilisées et dans ce cas, la plante est totalement déracinée.

III.2.13. Commercialisation des plantes médicinales

L'utilisation des plantes médicinales dans les villages est l'apanage de toutes les familles des communautés. Certains savoirs faire sont transmis au sein des familles de génération en génération. Les plantes médicinales sont utilisées au sein des communautés et ne font pas l'objet d'une quelconque vente car, le marché de plantes n'existe pas encore dans la zone d'étude.

Les populations et les Tradithérapeutes du village ont des rapports très conviviaux. Les soins administrés aux membres de la communauté sont généralement gratuits. Dans la plupart des cas, c'est le patient une fois guéri qui récompense selon ses possibilités le tradithérapeute.

III.3. Contraintes majeures de gestion des plantes médicinales

Après avoir réalisé un diagnostic participatif des problèmes des populations en fonction de la gestion durable des plantes médicinales, on a organisé une réunion dans chaque village au cours de laquelle nous avons de façon consensuelle réalisé un classement prioritaire des différentes contraintes exprimées par les populations de chaque village.

Les raisons qui permettraient d'expliquer cette situation sont quant à elles aussi diverses que les sources d'informations qui génèrent l'analyse de ces contraintes par la méthode de l'arbre à problèmes conduit à structurer ces dernières en deux grands groupes à savoir :

- les contraintes directes de gestion ;

- les contraintes liées à l'environnement de la gestion des plantes médicinales.

III.3.1. Contraintes directes de gestion

Par contraintes directes de gestion, il faut entendre les difficultés d'accès aux facteurs de gestion que sont : la terre, les financements le matériel approprié.

III.3.1.1. Contraintes d'accès à la propriété foncière

Malgré des réserves foncières jugées encore appréciables, l'accès à la terre reste une préoccupation dans la zone d'étude. Bien que l'on estime que 8/10 ménages disposent d'une parcelle de terre exploitée pour les pratiques culturales, il ne s'agit pas toujours de l'accès comme propriétaire mais comme usager. Dans les localités proches de la ville d'Ebolowa et densément peuplées (About), les difficultés d'accès au foncier et des modes de faire-valoir constituent un obstacle à la gestion des plantes médicinales.

III.3.1.2. Contraintes de financement

Dans une localité où la pauvreté est d'abord un phénomène rural où les exploitants agricoles constituent la catégorie la plus pauvre, le financement des pratiques culturales se pose avec acuité. Les agriculteurs sont obligés de faire avec les moyens dont ils disposent.

III.3.1.3 Contraintes du matériel approprié

En plus du manque d'espace de culture et les moyens financiers, la production rurale n'a pas de matériel agricole approprié. Bien plus, avec la précarité des conditions de vie dans les communautés, la

population souffre énormément lorsqu'elle exploite une parcelle du fait des pratiques culturales. Le seul recours est le feu de brousse qui est la pratique la plus facile.

III.3.2. Contraintes liées à l'environnement de gestion des plantes médicinales

L'amélioration des méthodes culturales à elle toute seule n'est pas suffisante pour impulser une gestion durable des plantes médicinales. Les principaux facteurs complémentaires qu'il faut lui associer sont l'accès aux marchés, l'amélioration du cadre de vie et, l'amélioration de la connaissance des plantes médicinales.

III.3.2.1. Contraintes d'accès aux marchés

La régénération des plantes médicinales pouvait être tirée par la démarche du marché, si les accédants commercialisables étaient facilement écoulés, aussi bien sur le plan interne que sur le plan international. Les contraintes relevées à cet effet portent notamment sur les points suivants :

- l'inexistence des circuits de commercialisation ;

- la faible compétitivité des produits ;

- le faible managérial des activités ;

- l'inorganisation de la filière.

III.3.2.2. Précarité de cadre de vie

Les conditions de vie précaire dans les localités constituent également des déterminants majeurs de la pauvreté et de gestion des plantes médicinales.

III.3.2.3. Connaissance des plantes médicinales

Le fait d'avoir manqué de reconnaître, de comprendre, et d'utiliser les connaissances techniques et pratiques autochtones a contribué à la dégradation et à la perte de la diversité des plantes médicinales. Les connaissances et les compétences développées par les populations des villages d'étude au cours de milliers d'années d'adaptation et de manipulation de leur flore, constituent une ressource inestimable et largement inexploitée. Il s'avère nécessaire d'utiliser à la fois les bases de connaissances des anciens et l'apport des sciences afin de parvenir au but de maintien figurant dans les programmes de diversité et de développement.

L'efficacité des performances de la zone d'étude en matière de gestion des plantes médicinales est aussi tributaire de la qualité de l'encadrement dont bénéficient ses acteurs. L'intervention de la multitude des structures d'encadrement devrait par conséquent se caractériser par sa cohérence, sa pertinence et son efficacité.

III.2. DISCUSSION

L'analyse de nos résultats nous amène à faire un certain nombre de constats sur 4 points : III.2.1. Richesse et effet des méthodes culturales sur la Flore médicinale

Ebolowa montre une richesse inestimable de la flore médicinale. Dans les 7 localités, a 138 espèces donc 97 plantes ligneuses, 41 essences non ligneuses indiquées pour traiter plus de 100 maladies ont été inventoriées. Ces résultats confortent ceux d'autres auteurs comme Okigbo (1994) qui classe le Cameroun au deuxième rang en Afrique de l'Ouest et Centrale après la République Démocratique du Congo (ex-Zaïre) en termes de richesse de biodiversité végétale. Cette richesse floristique pourra disparaître dans les jours avenirs si rien n'est fait.

Les enquêtent effectuées auprès des populations et des tradipraticiens d'Ebolowa révèlent une prédominance des pratiques du déboisement et brûlis, qui sont des pratiques ayant des conséquences néfastes sur la diversité des plantes médicinales. Comparés ces résultats à ceux de Bikié et al. (2000), qui affirme que la conservation de forêts en terre agricoles a des impacts significatifs sur le couvert forestier. D'autres auteurs ont identifié une vitesse de disparition similaire pour le Cameroun à l'instar de Zapfack et al. (1998), Amelung et Diehl (1992) et Tchoungui et al. (1995). Ces différentes recherches aboutissant au même résultat, nous amène à dire sans nous tromper que les pratiques culturales dans la zone d'Ebolowa contribuent à la dégradation de l'environnement entrainant la diminution de la diversité des plantes médicinales.

III.2.2. Utilisation des plantes médicinales

Les enquêtes dans les villages d'étude montrent que plus de 60 % de la population d'Ebolowa se servent encore des plantes médicinales pour leur traitement. Les plantes médicinales jouent encore un rôle très important dans la santé et dans l'amélioration des moyens d'existence de la population. La médecine traditionnelle et la biomédecine sont jugées complémentaires par les villageois. Pour les autres auteurs comme Diafouka (1997), les plantes médicinales sont un patrimoine naturel de grande valeur pour la santé des populations qui ont servi et continuent à servir de support pour les pratiques médicales dans toutes les civilisations. Avant cette affirmation, l'OMS en 1996 avait déclaré que « 80 % des africains se servent des plantes médicinales pour les soins de santé ». L'explication de la marge entre la déclaration de l'OMS et les résultats obtenus à Ebolowa (60 %) peut être la proximité des terroirs d'Ebolowa de la ville d'Ebolowa, qui est le chef lieu de la région du Sud avec des centres de santé de bon niveau.

Lorsqu'on compare ces résultats, malgré la marge des pourcentages, il est sans doute important de confirmer les données collectées sur le terrain sur le rôle que joue les plantes médicinales dans la vie des africains en général et la population de la zone d'Ebolowa en particulier.

III.2.3. Durée des jachères et gestion durable des plantes médicinales

Les résultats obtenus sur le terrain montre que le temps de repos des terres atteint difficilement 10 ans à Ebolowa (1 -7 ans à About, 2-6 ans à Amvam Yevol, 3-4 ans à Medjap II, 4-5 ans à Mvam Essakoe). Dans les situations problématiques où le temps de jachère n'est plus suffisant pour recréer la fertilité du milieu, une diminution de la biodiversité ainsi qu'une homogénéisation de la végétation s'en suivent. La mise en jachère des terres de cultures pendant une période de temps suffisamment longue pour maintenir un équilibre entre la production agricole et la demande en terre fait appel à de nombreuses exigences parfois difficiles à cumuler. Les plus importantes sont : ?l'absence de pression sur les terres de cultures, elle-même sous-tendue par là la disponibilité en terres arables. Ces résultats confortent ceux d'autres auteurs comme Bahuchet (1996) et Brady (1996) qui supposent que pour que l'humus se reconstitue, le sol doit se reposé pendant 10 à 20 années ou plus. Jiagho (1997) quant à lui affirme que certaines pratiques culturales sont remises en cause du fait du raccourcissement des temps de jachère. Ce phénomène associé à une augmentation de la multiplication végétative (Alexandre et al., 1963) ralentit la reconstitution de la strate arborée par compétition avec la strate herbacée et induit un appauvrissement de la diversité des essences forestières. Lors de inventaires des plantes médicinales dans les jachères et les forêts secondaires jeunes, la strate arborée est presque inexistante due aux différentes pratiques culturales exercées permanemment sur les parcelles et une riche et grande diversité dans les forêts secondaires âgées et marécageuses. Une forêt à maturité sera appréciée comme présentant des caractéristiques pédologiques et écologiques beaucoup plus favorables aux cultures qu'une forêt secondaire jeune (De Wachte, 1997). Ces deux confrontations montrent que la durée des jachères est très importante pour la gestion durable des plantes médicinales. Plus la durée est longue, mieux les terres se reconstituent et favorisent la régénération des plantes médicinales.

Les inventaires obtenus au niveau des plantations de cacao montrent que les pratiques culturales faites dans les cacaoyères ne favorisent pas totalement la gestion durable des plantes médicinales (Fig.4). Les activités agroforestières se pratiquent sur des terres non permanentes. Pour Nkamleu (2000), les agroforêts à base de cacao, bien qu'étant des espaces de production agricole, abritent une flore forestière dont la conservation et la gestion durable peuvent concourir à la durabilité des pratiques courantes de la zone.

III.2.4. Pression démographique et diminution de la diversité des plantes médicinales

D'après les résultats obtenus, la densité des populations favorise la conservation des forêts en terres agricoles entraînant la diminution de la diversité des plantes médicinales dans certains terroirs d'étude (88,67 dans la localité d'About, 83,67 hts/km2 à Mvam Yevol). En effet, lorsque la demande en terres cultivables augmente, les terres disponibles se raréfient (voire même disparaissent) et obligent un

CHAPITRE IV

CONCLUSION ET

RECOMMANDATIONS

retour prématuré sur les jachères dont la fertilité n'est pas tout à fait recouvrée. Une production vivrière amoindrie s'ensuit, liée à la diminution du temps de jachère qui nuit à la restitution de nutriments aux sols que l'on désire. Boserup (1965) déclare que les conditions d'une bonne jachère sont généralement associées à des densités de populations inférieures à 20 personnes par km2. Cette hypothèse se trouve seulement à Biwong Boulou, Adjap Essowo et Mvam Essakoé. Parmi les causes de la déforestation et la dégradation des forêts en Afrique, on peut noter l'augmentation du taux de croissance de la population (Anonyme, 1996). Plusieurs auteurs ont identifié cette même cause pour le Cameroun à l'instar de Toornstra et al. (1994).

D'après ces résultats, nous pouvons dire que l'augmentation de la population diminue la durée des jachères entraînant l'exploitation abusive des terres qui joue sur la disponibilité des plantes médicinales L'exploitation prématurée des forêts secondaires réduit sa biodiversité et sa richesse spécifique.

Le point de départ (bien que les causes soient extrêmement diverses) de la plupart des déséquilibres consiste en une augmentation brutale de la densité de population par rapport à une unité de surface arable disponible dans une zone considérée.

.

IV.1. CONCLUSION

Les premières conclusions de cette étude sur l'effet des pratiques culturales sur la diversité des plantes médicinales dans la zone d'Ebolowa dégagent les points suivants :

Les populations de la zone d'Ebolowa et celles des zones rurales pratiquent l'agriculture itinérante sur brûlis qui aboutit à une diminution progressive de la diversité des plantes médicinales lorsque celle-ci n'est pas faite de manière durable. De l'inventaire des plantes médicinales, on distingue cinq types de faciès : la forêt secondaire âgée, la forêt secondaire jeune, la jachère, la cacaoyère et la forêt marécageuse. L'évaluation des ressources naturelles ligneuses et non ligneuses a concerné toutes les cinq catégories de faciès. 138 essences ont été recensées et reparties en deux groupes que sont 97 plantes ligneuses et 41 non ligneuses. En outre, les plantes médicinales sont plus abondantes dans les forêts secondaires âgées que dans d'autres faciès pour la simple raison qu'elles sont moins perturbées. Dans d'autres faciès, par contre, les méthodes de la conversion des forêts en terre agricoles ne sont pas durables et causent des préjudices parfois très graves à l'environnement : destruction massive d'organes végétatifs, abattage d'arbres et brûlis afin de pratiquer l'agriculture.

L'utilisation des plantes médicinales pour le traitement des maladies est de 61 % dans la zone d'Ebolowa. La population se rend dans les centres de santé sauf en cas d'urgence. Le nombre de maladies traitées montre que les plantes médicinales contribuent à la lutte contre la pauvreté dans la mesure qu'elles sont gratuites et efficaces pour le traitement de certaines pathologies. Les plantes médicinales

jouent un rôle nutritionnel et sanitaire non négligeable. Elles constituent des sources importantes, parfois irremplaçables de médicaments. Elles sont des médicaments très utilisées hors d'atteinte de la plus grande partie de la population d'Ebolowa.

Pourtant malgré toutes ces fonctions culturelles, sociales, économiques et écologiques, les plantes médicinales n'occupent pas la place qui devrait être la leur dans la gestion des forêts de la zone d'Ebolowa. Elles sont détruites par les pratiques culturales, non pris en considération par les techniques durables, le plus souvent ignorés des populations. De même, sous un angle socio-économique, leur prise en considération dans la gestion pourrait favoriser une participation plus active des populations dans le projet de gestion durable des plantes médicinales et une diminution des conflits. L'étude réalisée a permis d'avoir une idée générale du potentiel des plantes médicinales disponibles dans la zone d'étude et d'élaborer un plan de gestion durable des plantes médicinales.

Compte tenu de l'immense potentiel des plantes médicinales que regorge cette zone, afin d'en garantir une gestion durable, nous avons analysé les problèmes des populations par rapport à la diminution de la diversité des plantes médicinales. Il ressort que les communautés locales sont engagées dans des pratiques culturales destructives du fait de la pauvreté, de l'ignorance et de la croissance démographique. Malheureusement, plus les plantes médicinales et les ressources naturelles sont détruites, plus les populations s'enlisent dans la pauvreté. Aujourd'hui, l'axe principal de la politique du Gouvernement camerounais est la lutte contre la pauvreté. L'approche du PNDP s'inspire des objectifs d'allègement de la pauvreté et ceux de l'approche de gestion durable des plantes médicinales. L'approche permet de donner le pouvoir aux populations locales grâce aux activités génératrices de revenus et d'assurer la disponibilité des essences médicinales, ainsi que des emplois et des revenus. Par ailleurs, elle permet aux communautés d'améliorer leurs conditions de vie et leur environnement. Cependant, une gestion durable des plantes médicinales devrait prendre en compte du contexte du milieu.

La diminution de la diversité des plantes médicinales à Ebolowa a pris des proportions alarmantes. Cette situation ne donne aucune chance à la régénération des plantes médicinales et va même empirer si les mesures correctives ne sont pas mises en application.

IV.2. RECOMMANDATIONS

Les résultats de ce travail montrent que la gestion durable des plantes médicinales passe par l'application de certaines règles de précaution basées sur la connaissance intime de la ressource à protéger. Les mesures de conservation à court et à long terme s'imposent pour les espèces qui ne poussent que dans certaines zones de forêts. Dans le cadre de ce travail, on a obtenu de nombreuses informations à partir des observations personnelles, des interviews et enquêtes. Beaucoup reste à faire en matière de gestion durable des plantes médicinales. Elle devrait se faire en collaboration avec l'Etat, les

populations locales, principales utilisatrices de ces ressources et les Organismes Non Gouvernementaux (ONG).

Afin d'appuyer cette gestion volontariste des plantes médicinales, l'Etat, une fois qu'il aura mis en place les garde-fous nécessaires à la préservation de la ressource, pourra intervenir sur les points suivants :

- mettre en place dans chaque région un collectif d'ONG qui travaillent en collaboration

avec les formations sanitaires dans le domaine des plantes médicinales qui aura pour rôle d'informer, de sensibiliser et de former les paysans régulièrement sur les méthodes de gestion durable, son importance socioéconomique, son lien avec la médecine moderne, les technologies de transformation et de conservation, etc... ;

- encourager le regroupement des populations en Groupes d'Initiative Commune (GIC)
au niveau local pour limiter le bradage de leur produit au premier intermédiaire qui se présente ;

- accorder des crédits aux GIC bien organisés et engagés dans les activités de production et de valorisation des plantes médicinales ;

- mettre en place un observatoire national des plantes médicinales;

- organiser des réunions consultatives régulières au niveau régional, et auxquelles

prendront part toutes les parties prenantes dans le but d'échanger les informations et de faciliter les activités de suivi auprès du gouvernement.

Il ne sert en effet à rien d'encourager le paysan s'il ne peut pas gérer de façon correcte les plantes médicinales. Nous recommandons aux populations locales :

- l'inventaire des parcelles avant toutes pratiques culturales. Si ces dernières sont riches à 80 % des plantes médicinales, qu'elles soient mises en réserve ;

- le nettoyage des bords des arbres médicinaux jugés rares ou en voie de disparition avant de mettre le feu dans la parcelle ;

- la stimulation des jardins de case ou champs familiaux de plantes médicinales et la promotion des pratiques agrosylvicoles (pratique réalisée actuellement par quelques tradipraticiens seulement).

La gestion durable des plantes médicinales ne peut se faire sans l'assistance des ONG/Associations locaux qui jouent un rôle d'intermédiaire entre l'Etat et les populations locales. Pour ce fait, les ONG/Associations pourraient intervenir sur les points suivants :

- la sensibilisation du gouvernement et les bailleurs de fonds pour qu'ils apprécient mieux l'importance des plantes médicinales et s'engagent à long terme à travers la mobilisation et l'allocation d'une quantité suffisante de ressources à ceux qui s'intéressent à la conservation des plantes médicinales ;

- la sensibilisation des populations sur l'importance culturelle, économique, sociale et médicamenteuse des plantes médicinales ;

- le renforcement des capacités des populations en gestion durable (techniques d'inventaire, de régénération, maîtrise des lois forestières et environnementales, etc);

- la diffusion des avantages des plantes médicinales au sein des communautés locales et aux niveaux national et international.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld