Partie 2 : Une réforme fonctionnelle mais
inachevée :
Dans le but de promouvoir la justice administrative
internationale, on observe qu'il y a une vague d'amélioration du
contentieux de la fonction publique internationale -Paragraphe
1-, cependant, il reste vrai à dire qu'il est encore lacunaire
-Paragraphe 2-.
Paragraphe 1 : Une vague d'amélioration du
contentieux de la fonction publique internationale
Nous sommes, donc, maintenant devant un système certes
complexe mais qui est en quête de perfectionnement. Les organisations
internationales vont adopter des aménagements pour combler les
lacunes.
En premier lieu, la réforme de la justice en
matière du contentieux de la fonction publique internationale a
commencé, manifestement, dans le cadre de la justice communautaire. En
2006 le tribunal de la fonction publique a été adjoint à
la cour de justice des communautés européennes et au tribunal de
première instance. Ce tribunal est la juridiction
spécialisée dans le domaine du contentieux de la fonction
publique de l'Union Européenne. Il est compétent pour
connaître en première instance des litiges entres les
Communautés et leurs agents. Il est également compétent
pour trancher les litiges concernant certains personnels spécifiques,
notamment les personnels d'EUROJUST, d'EUROPOL. Ces décisions peuvent
faire l'objet, dans un délai de deux mois, d'un pourvoi limité
aux questions de droit devant le tribunal de première instance.
On peut observer à cet égard qu'il y ait pour la
première fois un double degré de juridiction.
Aux termes de cette vague, on ne peut qu'évoquer la
réforme au sein de L'ONU. Le nouveau système de justice
adopté par l'O.N.U, entré en vigueur récemment à
savoir le 1er Juillet 2009, constitue une réforme dans le
cheminement de la réalisation d'une organisation internationale de
droit. En ce sens, on voit très claire que les propositions de maints
juristes ont vu le jour suite à la résolution de
l'Assemblée Générale no 63/253.
Le changement primordial réside dans le fait de
créer un Tribunal d'Appel des Nations Unies ce qui constitue un vrai
mérite, dans la mesure où il s'agit d'une organisation
universelle et non pas régionale, pour cette organisation qui veut,
selon son secrétaire, être une organisation-model.
Donc, le requérant peut saisir la cour
d'appel si la décision du tribunal de 1ére instance ne lui plait
pas. À la lumière de cette résolution le T.A.N.U cessera
d'exister le 31 Décembre 2009. L'assemblée générale
a élu lors de sa soixante-troisième session (76 et 77
séances plénières) cinq juges au tribunal du contentieux
administratifs des Nations Unies, et sept juges au Tribunal d'appel des Nations
Unies.
Ensuite, il est intéressant de constater qu'en janvier
2009 la compétence du Tribunal administratif de l'OIT était
reconnue par pas moins de cinquante-huit organisations, dont douze institutions
spécialisées des Nations Unies - y compris l'OIT - et quatre
organisations rattachées au système des Nations Unies, ainsi que
quarante-deux organisations non rattachées à ce système,
ce qui permettait à quelque quarante-six mille fonctionnaires d'avoir
accès au Tribunal.
A l'instar des tribunaux de tout système judiciaire
national, le T.A.O.I.T n'est pas parfait. Mais il est juste de dire que l'OIT
s'est en permanence efforcée de veiller à ce que la
qualité et l'impartialité des juges du T.A.O.I.T soient
maintenues au niveau le plus élevé possible. Le fait que, chaque
année, de plus en plus d'organisations demandent à
reconnaître la compétence du T.A.O.I.T, indépendamment du
nombre sans cesse croissant des requêtes déposées par des
fonctionnaires, témoigne en outre du respect qu'ont toutes les parties
pour le T.A.O.I.T. Le fait aussi que ses jugements sont toujours, ou presque,
exécutés montre que les organisations sont convaincues que cette
juridiction administrative statue en toute équité et
objectivité. Les fonctionnaires sont plus enclins que par le
passé à saisir la justice; cette situation s'explique
peut-être par le fait que certaines compagnies d'assurances prennent
maintenant en charge les frais afférents à des litiges concernant
des actes arbitraires ou abusifs commis par des organisations contre leurs
fonctionnaires et aussi par le fait que ces derniers connaissent mieux leurs
droits.
De même, dans le cadre de la procédure
juridictionnelle devant le tribunal de la fonction publique européenne,
cette dernière a publié des instructions dans le Journal Officiel
de l'Union Européenne de 13.3.2008 dont on trouve sous le point E,
intitulé« sur les demandes d'aides judiciaires »,
que les requérants qui se trouve dans l'incapacité d'avoir un
avocat peuvent bénéficier de l'aide judiciaire. Cette disposition
est une vraie garantie pour les fonctionnaires et constitue une réforme
de première importance puisqu'il ne suffit pas certainement d'accorder
un droit si les destinataires ne peuvent pas l'exercer.
Cette instruction vient d'expliquer l'article 95 alinéa
1 du Règlements de Procédure du Tribunal de la Fonction Publique
de l'Union Européenne du 25 juillet 2007 qui stipule que
« pour assurer un accès effectif à la justice, l'aide
judiciaire est accordée pour les procédures devant le Tribunal
dans le respect des règles qui suivent. »
En ce qui concerne l'effet du recours, on peut avancer
l'article 7 §5 du statut du Tribunal d'Appel des Nations Unies qui est
révolutionnaire, il prévoit que « L'appel est
suspensif », en ce sens, on peut affirmer que cet article a
consacré ce que la doctrine a demandé.
Cependant, la réforme de l'O.N.U a donné lieu
à une bizarrerie qui rappelle très fort à ce que le droit
de famille dispose, en ce qui concerne la médiation entre les
époux qui veulent se divorcer, dans la mesure où le statut du
tribunal du contentieux administratif des Nations Unies prévoit dans son
article 10 §3 que « Le tribunal peut, en tout état de
cause, proposer de renvoyer toute affaire à la médiation( ...) il
suspend l'instance pour une période qui
l'indique... ».
En outre, on voit de plus en plus que les tribunaux
administratifs internationaux et les organes de recours compétents en
matière de la fonction publique internationale s'occupent de la
publication de leurs jugements et ce avec des revues ou dans leur site, ce qui
va participer au triomphe de la jurisprudence en la matière et faire
rapprocher les juridictions.
Quant au droit applicable, l'article 4 du Statut du Tribunal
administratif de la Banque des Règlements Internationaux stipule
que « Le Tribunal administratif applique les
normes réglementaires établies par la Banque et les conventions
intervenues entre la Banque et ses fonctionnaires en s'assurant, s'il y a lieu,
de leur conformité avec les principes généraux du
droit.
A défaut de règle applicable, il statue en
faisant référence aux principes généraux du droit
de la fonction publique internationale et, dans le doute, aux principes
généraux du droit suisse, étant entendu que ni les
jugements rendus par les autres tribunaux administratifs de la fonction
publique internationale, ni ceux des juridictions nationales n'ont force
obligatoire pour le Tribunal. »
Il s'ensuit de cet article que l'élargissement des
sources qui a été en amont un oeuvre jurisprudentiel est fini par
être consacré par les textes juridiques.
Donc, il est manifestement très claire que la fonction
publique internationale est en train de subir une profonde amélioration
dans le but de perfectionner au tant que possible le système
juridictionnelle dans sa globalité car les fonctionnaires internationaux
constituent l'élément primordial dans la machine internationale
qui vise à réaliser l'intérêt général
qui est toujours le même à savoir la paix et la
sécurité internationales, le développement
économique, l'assistance humanitaire et d'une manière
générale la satisfaction des besoins impératifs de
l'être humain dans son universalité.
Selon Catherine Comtet-Simpson, Greffière du Tribunal
administratif de l'Organisation internationale du travail, l'instauration des
tribunaux d'appel pour chaque famille d'organisation est nécessaire pour
l'unification de la jurisprudence et pour arriver, éventuellement,
à développer un droit de la fonction publique internationale.
Enfin, il y a lieu de noter que les organisations
internationales ont une tendance à créer des organes de
médiation et particulièrement l'Ombudsman.
Ainsi, les Ombudsmen sont proliférés au sein de
l'O.N.U, de l'Union Européenne...etc
Cette tendance va se répercuter incontestablement sur
le contentieux, lato sensu, de la fonction publique internationale car ces
médiateurs et Ombudsmen vont diminuer le nombre des affaires et surtout
grâce à leur rôle, ils peuvent donner des observations aux
juges pour trancher les litiges d'une façon plus proche à la
réalité. Cette dernière,
c'est-à-dire la réalité, révèle que le
contentieux da la fonction publique internationale est encore lacunaire.
Paragraphe 2 : Un contentieux encore
lacunaire
Le droit pour toute personne à ce que sa cause
soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal
indépendant et impartial qui décidera de ses droits et
obligations est proclamé par l'article 10 de la Déclaration
universelle des Droits de l'homme de 1948 et réaffirmé avec force
par le Pacte internationale relatif aux droits civils et politiques ainsi que
des autres instruments internationaux.
Ces instruments même s'ils ne sont pas obligatoires pour
les organisations internationales mais, désormais, ils ont une valeur
morale incontestable et on trouve cette idée bien affirmée dans
la décision No 44 de la commission de recours de l'Organisation de
Coopération et de Développement Economique à l'occasion de
l'affaire Epinay Saint Luc où ladite commission a dit qu'il sera
très choquant qu'un droit essentiel de l'homme reconnu partout ne trouve
pas application dans les relations entre les organisations internationales et
leurs fonctionnaires surtout que celle-ci « doivent donner l'exemple
d'un respect scrupuleux des principes essentiels de droit. »
Dans le même ordre d'idée, la CIJ a
disposé lors de son avis consultatif du 13 Juillet 1954 que
« si l'ONU laissait ses propres fonctionnaires sans protection
judiciaire ou arbitrale pour le règlement des différends qui
pourraient surgir entre elle et eux, ce ne serait guère compatible avec
les fins explicites de la charte qui sont de favoriser la liberté et la
justice pour les êtres humains. »
Ce qui est vrai pour les Nations Unies vaut également
pour les autres organisations internationales.
Ensuite, ni gratuite, ni très rapide, la justice
administrative internationale, un peu décevante au plan de
procédures, est ensuite, surtout critiquable dans la mesure où
elle offre aux justiciables une protection contre ses propres abus
éventuels très inférieure à celle que garantit
l'organisation juridictionnelle nationale. En ce sens, on peut avancer
l'idée que dans un monde de nations civilisées et avec la
mondialisation des normes nationales, la reconnaissance d'un droit en faveur
d'une personne implique sa protection juridictionnelle et l'on voit mal
pourquoi les syndicats et associations du personnel, dont l'utilité
sociale est généralement admise aujourd'hui, demeurent, au sein
des organisations internationales considérées comme, selon
l'expression de Alain Pellet, des incapables au sens juridique du mot.
Les associations professionnelles ne bénéficient
pas de droit d'ester en justice ce qui signifie que leur rôle se limite
dans la phase informelle du litige cependant dans la phase formelle ces
entités peuvent intervenir mais seulement pour donner ses
observations.
En outre la création d'une juridiction suprême
qui aura pour fonction le contrôle des jugements émanant de
l'ensemble des tribunaux administratifs va transformer les organisations
internationales en des organisations internationales « de
droit » à l'image de l'Etat de droit. En revanche, on
observe une prolifération des organes de recours compétents en la
matière, en ce sens Suzanne Basdevant, dans son ouvrage intitulé
« Les Tribunaux Administratifs Internationaux », a
donné des inconvénients de cet éparpillement de
juridictions tel que : Coûts de fonctionnement élevé,
frein à l'unification des règles applicables à la fonction
publique internationale, divergences des jugements ce qui va influencer
négativement le développement du droit international.
Pour arriver à construire l'édifice du droit du
contentieux de la fonction publique, il est indispensable de rapprocher les
jurisprudences. Cependant, il faut critiquer le rôle négatif
joué par la Cour International de la Justice à l'occasion de ses
avis consultatifs sur des demandes de réformation des jugements
numéro 158, 273 et 333. La cour n'a pas trouvé aucune controverse
puisqu'elle a affirmé que le T.A.N.U n'a pas manqué d'exercer sa
juridiction et qu'il n'a pas commis d'erreur de droit. Dans ses trois avis la
C.I.J a posé un principe selon lequel le rôle de la cour, dans une
instance de réformation, n'est pas de « refaire le
procès ni d'essayer de substituer son opinion sur le fond à celle
du tribunal ». Cette position est critiquable dans la mesure
où l'assemblée générale des Nations Unies a
confié à la cour le pouvoir de réformer les jugements du
T.A.N.U. En ce sens, on peut se demander si la cour n'a pas confus entre les
avis qui constituent des simples consultations (non obligatoires pour les
Etats) en vertu du statut et les avis qui ont pu devenir des décisions
par l'effet d'autres textes et c'est le cas de la procédure de recours
contre les jugements du T.A.O.I.T qui aboutit à un avis selon le statut
de la C.I.J qui est une décision obligatoire pour le T.A.O.I.T selon
l'article 12 § 2 de son statut.
À la lumière de l'avis consultatif de la C.I.J
en date de 27 mai 1987, on remarque que le juge Roberto Ago dans son opinion
individuelle a dit, à bon droit, que « on ne saurait donc dire
que le système actuel garantissent pleinement à la fois les
exigences de l'intérêt suprême de l'Organisation et les
positions juridiques légitimes des fonctionnaires. »
En tout état de cause, on peut souhaiter la
transformation de la CIJ en une juridiction suprême comme se fut le cas
du conseil d'Etat français qui est né un conseiller.
Alain Pellet a évoqué une lacune d'ordre
financière. À cet égard, il a signalé que la
dépendance financière constitue un obstacle majeur car
pour que la juridiction soit vraiment indépendante, son
autonomie financière est indispensable. En effet, on remarque que les
statuts de différents organes juridictionnels affirment l'affiliation
financière de ces derniers à leur organisation de rattachement,
c'es le cas par exemple de l'article 26 du Statut de la Cour Africaine de
Justice et Des Droits de l'Homme qui dispose dans son alinéa 2 qui
dispose que « Le budget de la Cour est pris en charge par
l'Union Africaine. »
De même l'article 4 paragraphe 3 du statut du tribunal
administratif du F.M.I. stipule «The expenses of the Tribunal shall
be borne by the Fund.»
Il y'a lieu, enfin, d'affirmer que dans certains domaines, les
organes de recours considèrent qu'ils manquent des compétences
techniques nécessaires pour se prononcer en toute connaissance de
cause(en matière médicale, T.A.N.U. 218 Trenczaki).
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