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Ecriture romanesque post-apartheid chez J.M. Coetzee et Nadine Gordimer

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par Ives SANGOUING LOUKSON
Université de Yaoundé I - Master2 0000
  

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II-3-1- Le Psycho-récit

Le discours que le narrateur tient sur la vie intérieur du personnage central dans Get a life et dans Elizabeth Costello à propos de l'Afrique en général, l'Afrique du Sud en particulier, mérite l'attention. En effet, ce discours rend compte de ce que le narrateur permet de savoir sur les pensées et sentiments du personnage central par rapport non seulement à lui-même mais aussi par rapport à l'Afrique en général, Afrique du Sud en particulier.

On sait par exemple dans Elizabeth Costello que Costello a toujours écarté l'éventualité de mettre les pieds quelque jour que ce soit à Marianhill en Afrique du Sud. Elle y va cependant à son corps défendant simplement pour honorer à l'invitation de sa soeur ainée Sister Briget. Le narrateur sait comment Costello se représente l'Afrique du Sud en général, Marianhill en particulier. C'est du moins ce qu'on peut constater dans l'extrait suivant: 

it is for that degree, for the ceremony of its conferral, that she herself, Elizabeth, Blanche's younger sister, has come to a land she does not know and has never particularly wanted to know, to this ugly city (she flew in only hours ago, saw it spread out below her with its acres of scarred earth, its vast sterile mine dumps). (EC : 117)

Par rapport à l'Afrique du Sud, Costello entretient, on le voit, un sentiment complexuel, ce d'autant qu'avant d'y avoir mis les pieds, elle déteste déjà le pays. Tout se passe comme si l'Afrique du Sud, eu égard à ce qu'elle est telle que Sister Briget permet de s'en rendre compte, représentait une sérieuse menace ou un danger pour Costello. Cette disposition prélogique chez Costello biaise sa psychologie au point qu'il lui devient impossible de s'accorder avec sa soeur Blanche. Le désaccord de principe entre Costello et Briget est perceptible dans un moment où Costello se met à penser à sa Soeur après l'avoir quittée à Mirianhill. Le narrateur, sachant une fois de plus la pensée de Costello rapporte à propos :

Blanche, dear Blanche, she thinks, why is there this bar between us? Why can we not speak to each other straight and bare, as people ought who are on the brink of passing? Mother gone; old Mr. Phillips burned to a powder and scattered to the winds; of the world we grew up in, just you and I left. Sister of my youth, do not die in a foreign field and leave me without an answer! (EC : 155)

Elizabeth Costello refuse littéralement d'admettre l'importance du travail de Sister Briget en Afrique du Sud. Voici qui expose chez elle un sentiment fait de manichéisme. Car elle se perçoit, elle et son univers comme normal, beau, pur peut-être et inversement elle se représente l'Afrique du Sud comme anormal, laid (ugly), voire impur. L'Afrique du Sud et les personnes qui y vivent, sa soeur inclue, méritent donc d'être ignorées s'il faut rester dans la logique de Costello. Cette logique n'est pas sans rappeler une des tares dont le discours occidental sur l'autre continue d'avoir du mal à se départir comme l'a révélé Edward Said dans L'orientalisme et que Todorov résume en ces termes :

L'histoire du discours sur l'autre est accablante. De tout temps les hommes ont cru qu'ils étaient mieux que leurs voisins ; seules ont changé les tares qu'ils imputaient à ceux-ci. Cette dépréciation a deux aspects complémentaires : d'une part, on considère son propre cadre de référence comme étant unique, ou tout au moins normal ; de l'autre, on constate que les autres, par rapport à ce cadre, nous sont inférieurs. On peint donc le portrait de l'autre en projetant sur lui nos propres faiblesses ; il nous est à la fois semblable et inférieur. Ce qu'on lui a refusé avant tout, c'est d'être différent : ni inférieur ni (même) supérieur, mais autre, justement153(*).

La vie intérieure de Costello, au regard de ce qui précède, la présente comme une personne handicapée dans le sens où elle croit que le Mal est tapi en Afrique en général, en Afrique du Sud en particulier. Elle n'est donc pas une fois de plus assez différente de Michaël K.

Si dans Elizabeth Costello, le narrateur sait souvent les sentiments du personnage, dans Get a life, le narrateur se veut un peu plus discret sur son rapport aux sentiments des personnages. Qu'à cela ne tienne, on parvient quand même à constater dans quelques unes des déclarations du narrateur des traits de caractère suggestifs de la vie intérieure du personnage. C'est le cas par exemple dans le passage suivant: « Paul Bannerman (...) has a post with a foundation for conservation and environmental control, in this country of Africa in which he was born » (GL : 6)

Sachant que Paul a précédemment étudié aux USA, en Europe, en Afrique Occidentale et en Amérique du Sud, qu'il travaille plutôt en Afrique du Sud où il est né n'est pas sans trahir le sentiment patriotique qui l'habite. Ce sentiment est d'autant perceptible que Paul se dévoue avec acharnement à éviter au gouvernement sud-africain et à Eskom de s'engager dans des entreprises aux conséquences catastrophiques pour l'environnement sud-africain, mondial voire pour l'humanité dans sa globalité.

Voilà qui souligne un autre contraste entre l'idéal de Coetzee et celui de Gordimer à propos du sort de l'humanité en période post-apartheid. Tandis que Gordimer propose une certaine diversité, Coetzee, lui, rêve d'unicité voire de nivellement ou de monolithisme.

* 153 T. Todorov, Préface à Edward Said, L'orientalisme, op.cit., p. 8.

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