B- L'exercice des droits de vote et d'information par les
actionnaires
Pour faire valoir leur point de vue sur l'orientation de la
société à laquelle ils appartiennent et ainsi peser sur
son développement, les actionnaires disposent en assemblées d'un
droit de vote qu'ils exercent sous le contrôle de l'intérêt
social (1). Toutefois, la jouissance de ce droit ne sera efficace que si les
actionnaires disposent d'une information utile leur permettant de prendre des
décisions conséquentes (2).
1-La jouissance d'un droit de vote
Le droit de vote constitue l'arme politique la plus importante
en société, car le vote est considéré comme le
fondement même de la démocratie dans toute société.
Prérogative d'ordre public en droit OHADA, ce droit est la pierre de
touche de la « citoyenneté », des membres du
groupement45 ; s décisions prises par d'autres organes de la
société lorsque la loi les a habilités à modifier
les statuts46, qui sont
44 Les sociétés anonymes fonctionnent,
en effet, à l'image des sociétés politiquement
organisées au sein desquelles la démocratie constitue
l'épine dorsale.
45 ALFANDARI E., Droit des affaires, les cadres
généraux, l'entreprise, les activités, Litec, 1993, n 328,
p. 234.
46 Cas, par exemple du conseil d'administration autorisé
par l'assemblée à réaliser une augmentation de capital,
ou
encore du conseil d'administration décidant le transfert
du siège social dans les limites du territoire d'un même Etat
partie. D'après les arts. 451 et 568 AUSC.
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concernées. La distinction est alors faite selon que les
actionnaires sont présents (a) aux assemblées ou non (b).
a) L'exercice du droit de vote des actionnaires
présents
Prérogative élémentaire et droit d'ordre
public, les statuts ne peuvent contrevenir au droit d'expression de
l'actionnaire, ni au principe selon lequel « à valeur nominale
égale, droit de vote égal »47. C'est du moins la
substance de l'art. 129 de l'AUSC. En effet, cet article précise bien
que les droits de vote de chaque associé sont proportionnels à sa
participation au capital de la société, à moins qu'il n'en
soit disposé autrement par l'AUSC. Il s'agit donc d'un des attributs
essentiels de l'action : à capital égal, vote égal. C'est
dire que chaque actionnaire a droit à une voix. Mais peut-on envisager
des actions sans droit de vote en droit OHADA ? Aucune disposition de ce droit
ne permet d'y répondre par l'affirmative, contrairement à
certaines législations, notamment celle française. Dans ce sens,
tout actionnaire doit jouir de sont droit de participer aux assemblées
et d'y voter.
La question se pose cependant en pratique sur la
détermination du titulaire d'un droit de vote lorsqu'une action est
grevée d'un usufruit. A note sens, ce droit doit appartenir au
nu-propriétaire, à moins que les statuts n'en disposent
autrement, même si l'art. 128 de l'AUSC précise à cet
égard que pour les décisions concernant l'affectation des
bénéfices, le droit de vote est réservé à
l'usufruitier. Cela se comprend aisément dans la mesure où
l'affectation des bénéfices garantit les droits même de
l'usufruitier.
Il est important de souligner que le principe de
l'attribution du droit de vote en proportion des apports peut faire l'objet de
quelques entraves. En effet, l'Acte Uniforme précise qu'il ne peut en
être ainsi que dans les cas prévus par la loi ellemême.
C'est l'hypothèse retenue par l'art. 752 dudit Acte qui consacre le
privilège du vote double à certaines actions48.
b) L'exercice du droit de vote des actionnaires
absents
Il est fréquent que les actionnaires ne puissent pas se
rendre aux assemblées soit en raison de la contiguïté du
lieu devant les abriter, soit en raison de l'indisponibilité de certains
actionnaires ou même de la distance. Aussi, beaucoup
47 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGEUBOU TOUKAM
(J.), op. cit. , n° 161, p. 70.
48 Lire en substance les dispositions de cet
article.
d'actionnaires ne peuvent pas venir personnellement à
l'assemblée qui se tient généralement au siège
social. L'aménagement de leur droit présente alors une
très grande importance pour le fonctionnement démocratique de la
société anonyme49, même si le législateur
communautaire s'est borné à recueillir le régime
traditionnel du vote par mandataire.
D'après la solution prudente50 ainsi
retenue, le mandataire de l'actionnaire ne peut être qu'un autre
actionnaire ou son conjoint tel que cela ressort des dispositions de l'art. 538
de l'AUSC. Ces mandataires, doivent pouvoir bénéficier
d'informations importantes pour mener ainsi à bien leur mission.
2-Le droit d'information des actionnaires
Il s'analyse en une contrepartie de la lourde
responsabilité qui pèse sur les actionnaires leur permettant
d'avoir un regard sur la gestion de la société. Il s'agit d'un
droit permanent et renforcé dans la période qui
précède la réunion de l'assemblée
générale. Il faut dire que l'exercice de ce droit est
assuré par le contrôle opéré par le commissaire aux
comptes, et ce n'est qu'en assemblées que les actionnaires peuvent
utilement et de manière efficace contrôler la gestion des
administrateurs. En effet, il n'est point douteux que pris individuellement,
les actionnaires sont mal lotis, car pour éviter un éventuel
désordre, le droit individuel avait déjà fait l'objet
d'une délimitation par l'art. 35 de la loi de 1867 pour les
actionnaires. Pour l'heure, les articles 525 et suivants de l'Acte Uniforme
organisent dans la même optique le droit de communication des documents
sociaux aux actionnaires, lors des assemblées, ou à toute
époque de l'année ; ils peuvent aussi poser des questions
écrites aux dirigeants deux fois par exercice, surtout fait de nature
à compromettre la continuité de l'exploitation.
A l'analyse, il se dégage deux régimes du droit
d'information. Ainsi, certaines informations sont limitées dans le temps
telles les documents soumis à une assemblée, tandis que d'autres
sont permanentes tel que le droit de consulter les documents soumis aux
assemblées des trois dernières années, les
procès-verbaux de leurs délibérations et leur feuille de
présence51. Ce droit à l'information est d'autant plus
important qu'il permet aux actionnaires de contrôler le flux de leurs
49 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.) : op.cit., n°1199,
p. 899.
50 Le législateur a entendu éviter
l'accès à l'assemblée d'agitateurs, de maîtres
chanteurs, et plus simplement de cabinets d'affaires faisant profession de
l'état de mandataires.
51 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGEUBOU TOUKAM
(J.), op. cit. , n° 162, p. 71.
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investissements de même qu'il leur assure une meilleur
appréciation de la rentabilité de leurs placements.
§2- LA GARANTIE OU LE CARACTERE OBLIGATOIRE DES
DROITS PECUNIAIRES DES ACTIONNAIRES
Les droits pécuniaires constituent la raison même
de la présence d'un actionnaire dans une société. En
effet, il serait hérétique de penser qu'une personne
décide d'entrer dans une société commerciale, à
fortiori celle à capitaux sans attendre de celle-ci la multiplication de
ses placements. Les droits politiques assurant de ce fait l'expression
même des droits financiers. C'est pourquoi il est impératif qu'il
leur soit assuré un certain nombre de droits relatifs notamment au droit
de reprise de l'apport initial en cas de liquidation de la
société doublé du droit au boni de liquidation, au droit
préférentiel de souscription en cas d'augmentation du capital
mais surtout aux réserves et bénéfices distribuables(A),
ainsi qu'aux dividendes(B).
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