SECTION I- LES DEFAILLANCES DU DISPOSITIF DE
PROTECTION
Dans l'entreprise de protection des actionnaires, le recours
aux moyens de détection précoce des actes de gestion pouvant
être nuisibles pour les actionnaires présente un
intérêt indéniable. Toutefois, il convent d'être
modeste quant à sa portée réelle (§1). En outre,
lorsque ces moyens n'ont pas pu empêcher la réalisation des fautes
de la part des organes de gestion et de contrôle, l'exercice des actions
en responsabilité n'est pas lui-même aisé (§2).
§ 1- LES LIMITES DES MOYENS DE DETECTION PRECOCE
DES ACTES DE GESTION FAUTIFS
Il convient d'être modeste quant à la
portée réelle d'un recours à l'alerte et à
l'expertise de gestion de la mise en oeuvre de cette dernière favorisant
une intervention intempestive du juge dans la société
commerciale(A). Par ailleurs, le législateur n'a prévu
expressément aucun régime de responsabilité de l'expert de
gestion(B).
A- Les dangers d'une intervention intempestive du juge
dans la société commerciale
Si le dessein premier de l'expertise de gestion est
d'éclairer, d'informer et par voie de conséquence de
protéger l'actionnaire, il n'en demeure pas moins que cette recherche de
la vérité et de l'information est susceptible de produire
plutôt des effets pervers. Il faut dire que ce n'est pas l'intervention
du juge dans son principe qui est contestée mais sa fréquence,
car les affaires s'accommodent mal de la publicité. Or, il est
évident que le recours au juge ne peut passer inaperçu, les
audiences étant pour la plus part publiques et, quand bien même
elles seraient à huis clos ou conduites en chambre du conseil, la
décision à intervenir sera nécessairement rendue publique,
de sorte que l'attention des partenaires et autres intéressés
soit attirée sur les difficultés que traverse la
société concernée. Il s'agit donc de n'avoir recours
à ce type de protection qu'exceptionnellement, les dirigeants devant
s'arranger à ce que la gestion soit transparente par le biais d'une
information complète et continue des actionnaires en tant que de
besoin.
En effet, la désignation d'un expert étant
essentiellement l'oeuvre d'un juge, il revient à ce dernier
désormais d'apprécier les opérations de gestion de la
société. Et l'on s'interroge alors sur la capacité et
l'opportunité des décisions prises par le juge dans la nomination
de l'expert de gestion ; mieux, en application de quels critères le juge
africain décidera-t-il que l'opération de gestion paraît
suffisamment contestable et suspecte pour qu'un complément d'information
soit nécessaire ? Il est donc mal aisé de comprendre comment une
personne qui n'est pas mue pas l'affectio societatis caractérisant toute
la composante de la société commerciale soit à même
de prendre des décisions pour cette dernière.
De même, on ne peut pas ignorer qu'une fois
désigné, l'expert devra mener une véritable enquête
dans le but de faire régner la lumière là où
règne l'opacité. Dans cette entreprise fort louable, il est
à craindre une fois de plus que la confidentialité des affaires
en prenne un sérieux coup, les tiers devant être désormais
informés des difficultés de la société, peut
être pas encore graves, mais assez pour inciter à la
méfiance et à des actes de concurrence déloyale.
Ainsi, le législateur africain gagnerait d'ores et
déjà à définir clairement les conditions de
désignation d'un expert, de même qu'à préciser le
contenu de la notion d' « opérations de gestion »,
car cela permettrait aux juges sollicités de pouvoir se prononcer dans
le sens de l'intérêt social.
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B- L'absence de consécration expresse d'une
responsabilité de l'expert de gestion294
Parce qu'il est appelé à connaître les
détails de fonctionnement de la société commerciale et
à contribuer à l'épanouissement des actionnaires au sein
de celle-ci, il nous semble assez regrettable que le législateur
africain n'ait pas songé à organiser un régime de
responsabilité de l'expert de gestion pour les fautes qu'il pourrait
commettre dans l'exercice de ses fonctions. Cette lacune a pour effet
immédiat d'amenuiser les garanties de sécurité des
actionnaires.
Le droit français est cependant plus explicite sur le
statut de l'expert sans pour autant également en fixer un régime
de responsabilité de cet acteur plutôt important dans le
fonctionnement défectueux d'une société commerciale dont
la situation n'est pas encore irrémédiablement compromise mais
suffisamment préoccupante nécessitant des réactions
appropriées afin qu'elle n'atteigne cette situation
irréversible.
A notre sens, le régime de responsabilité de
l'expert pourrait se calquer sur celui du commissaire aux comptes, bien que
l'étendue de leurs compétences soit différente. En tout
état de cause, la faute serait le fait générateur du
recours dont l'aboutissement est la sanction de l'expert295.
L'expertise de gestion permettant aux actionnaires de faire la
lumière sur la gestion de la société, l'expert ne saurait
représenter un obstacle à cette fin. Il est vrai que sa
désignation est régie par l'urgence, les fautes de l'expert
établies entraînent des sanctions.
En ce qui concerne les sanctions, l'expert s'expose à
la réparation du préjudice causé aux actionnaires. Cette
réparation se résume en allocations de dommages et
intérêts ; l'action en réparation pouvant être
individuelle ou collective. La sanction des experts participe de la
sécurisation des actionnaires ; la société commerciale
fonctionnant dans l'intérêt des actionnaires, les tiers ne
sauraient menacer les intérêts des investisseurs pourvoyeurs
d'emplois.
294 Aucun des différents Actes uniformes n'envisagent, en
effet, nulle part la responsabilité de l'expert ; c'est à croire
qu'il s'agit là d'un sain à l'abri des tentations et des
imperfections communes aux Hommes pris dans leurs passions.
295 S'agissant de la faute de l'expert, elle peut
découler du dépassement des pouvoirs et missions qui lui ont
été confiés. L'expert qui, dans son rapport
présente sciemment des informations mensongères, engage sa
responsabilité. De même, l'expert qui, avec la complicité
des dirigeants sociaux présente une image infidèle de la
société dans le but de nuire aux actionnaires sera
sanctionné.
§2- DIFFICULTÉS D'EXERCICE DES ACTIONS EN
RESPONSABILITE
Tout commence avec le principe (( actori incumbit
probatio» de droit processuel qui fait obligation à celui qui
allègue un fait d'en rapporter la preuve, alors même qu'il est
matériellement impossible, sinon très difficile pour
l'actionnaire de prouver la faute de ceux qui portent atteinte à ses
droits (A). Quand bien même cette faute sera prouvée, rien n'est
moins sûr de sa portée réelle de satisfaction, la
responsabilité civile tenant lieu le plus souvent de sanction
bénigne comparativement au préjudice subi (B).
A- Obstacles liés au difficile
établissement des responsabilités : faible probabilité de
découverte des fautes
Les obstacles liés au difficile établissement
des responsabilités peuvent aussi bien concerner le régime des
preuves, la vague détermination des responsabilités (1) que les
difficultés soulevées par l'exercice (( ut singuli »
de l'action sociale (2).
1- Obstacles relatifs au régime des preuves et
à la vague détermination des fautes faisant grief
La réparation des dommages subis par les actionnaires
qu'ils soient majoritaires ou minoritaires, se heurte incontestablement
à la preuve d'un abus. Aussi, en cas d'abus de majorité, assez
fréquemment les minoritaires se rendent-ils compte que la
société ne produit pas les bénéfices que l'on
pourrait raisonnablement espérer compte tenu de sa dimension et de la
nature de ses activités. Ils soupçonnent des négligences,
voire des malversations mais sans parvenir à préciser leurs
griefs, ce qui les empêche de demander réparation296.
Même si leur situation semble pourtant s'être
améliorée avec le présent Acte uniforme par le
contrôle des comptes et la désignation d'un expert de gestion, la
difficulté demeure.
D'ailleurs, comme l'a relevé CHARTIER297
(( La détermination des auteurs d'un abus de droit de vote peut
être délicate. En effet, poursuit-il, elle suppose que soit
rapportée la preuve du sens dans lequel chaque associé a
voté à main levée ou à scrutin ».
296 GUYON (Y.), Droit des affaires, op. cit. n° 454, p.
485.
297 FENEON (A.), « Droit des actionnaires minoritaires dans
les sociétés commerciales de l'espace OHADA. », p. 166.
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A l'égard des administrateurs et commissaires aux
comptes responsables, les recours des actionnaires vont aussi se heurter
à des difficultés de preuve. Il est, en effet, difficile à
un actionnaire de se documenter298. En outre, vis-à-vis du
commissaire au comptes spécialement, la preuve du lien de
causalité entre la faute et le dommage est très souvent
difficile, parce que la faute des commissaires n'est à peu près
jamais la seule cause du dommage, et ne fait que permettre ou aggraver la faute
des dirigeants299, laquelle - on l'a relevé - est
déjà elle-même assez complexe à établir.
D'un autre côté, s'il est assez difficile, voire
impossible de dresser une liste indicative des fautes pouvant faire grief aux
droits des actionnaires, le législateur africain pêche en omettant
ou en déterminant de façon très vague les fautes de
certains intervenants dans la société commerciale. Il en est
ainsi de celles du liquidateur, alors même que l'intervention de ce
dernier n'est pas sans risque sur les droits des actionnaires. Il est donc
regrettable que le législateur ait lésiné sur
l'organisation de sa responsabilité tout au moins sur le plan
civil300. En effet, durant la liquidation de la
société, le liquidateur joue le rôle de dirigeant. Il
devrait donc pouvoir voir sa responsabilité engagée si dans sa
mission, il a commis des fautes ou a enfreint la loi.
Dans ce contexte, sa responsabilité, nous semble-il,
devrait se calquer sur celle des dirigeants sociaux. C'est certainement cette
espèce de décalcomanie qui a amené le législateur
à ne pas penser à organiser un régime de
responsabilité propre à cet autre acteur social. Ainsi, le
liquidateur répondrait tant à l'égard de la
société, des tiers que des actionnaires, des conséquences
dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de ses
fonctions301. Si donc ses fautes de gestion ont causé un
préjudice à la société, une action sociale sera
ouverte, et si ses fautes ont atteint personnellement un associé, une
action individuelle pourra être ouverte contre lui. Suivant cette
logique, ces actions en responsabilité devraient se prescrire par trois
ans à compter du fait dommageable et s'il a été
dissimulé, à compter de sa révélation.
Une tout autre difficulté est celle
particulièrement soulevée par l'exercice « ut singuli
» de l'action sociale.
298 PERROUD (J.), « La condition de l'actionnaire »,
op. cit., p. 324.
299 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), op. cit. n° 1347, p.
1035.
300 Il est assez surprenant, en effet, que le
législateur est suffisamment organisé sa responsabilité
pénale à travers les articles 902 à 904 de l'AUSC. Le
législateur camerounais, pour sa part, réprime pénalement
les infractions commises par le liquidateur dans les articles 21 et 22 de sa
loi du 10 juillet 2003 portant répression des infractions contenues dans
certains actes uniformes.
301 Cf. art. 221 AUSC.
2- Les difficultés particulières
soulevées par l'exercice « ut singuli » de
l'action sociale
La preuve du lien de causalité entre la faute et le
préjudice étant difficile à rapporter, car les faits
litigieux ont été commis souvent plusieurs années avant
qu'ils soient soumis à examen, dans un environnement économique
différent, pratiquement impossible à reconstituer
exactement302, l'exercice « ut singuli » de
l'action sociale soulève de sérieuses
difficultés303 de nature à porter plutôt
préjudice à l'ensemble des droits des actionnaires.
Tout d'abord, cet exercice confère à un
actionnaire un pouvoir dont seule la société est titulaire et qui
devrait par conséquent être de la compétence de ses
représentants. Dans cette hypothèse, l'action sociale
exercé « ut singuli » contient de toute
évidence un ferment d'anarchie, car elle permet à un actionnaire
de se prétendre meilleur juge de l'intérêt social que les
organes chargés par la majorité de gérer les affaires
communes. Elle risque également de paralyser la société en
exacerbant les passions d'actionnaires exagérément processifs.
Par la suite, il n'est pas toujours facile pour l'actionnaire
de distinguer l'action sociale exercée « ut singuli »
de l'action individuelle. Pourtant, le régime de ces deux actions
est bien différent.
Au-delà de ses difficultés, reste que même
retenue, la responsabilité civile est loin de produire les effets
escomptés. Autrement dit, la portée réparatrice de la
responsabilité civile est fortement réduite.
B- Le caractère bénin de la
responsabilité civile en tant que sanction
La responsabilité des dirigeants, des commissaires aux
comptes, du liquidateur et même de l'expert de gestion, en cas de faute
dans l'exercice de leurs fonctions est importante et impérative pour la
protection des droits des actionnaires. Seulement, étant donné
qu'il s'agit de replacer la victime dans l'état où elle se
trouvait avant la survenance du dommage, la responsabilité ne constitue
une sanction efficace que pour autant que l'auteur de la faute
présenterait une solvabilité suffisante. En effet, quand les
dirigeants de la société ou les commissaires aux comptes sont des
personnes sans surface, la crainte de leur responsabilité
n'empêche pas leurs agissements304. C'est dire que la
responsabilité civile paraît trop souvent
302 MERLE (Ph.), Droit commercial, Sociétés
commerciales, op. cit. n° 406, p. 361.
303 GUYON (Y.), op. cit. n° 457, p. 446 et 447.
304 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), op. cit. n° 1361, p.
1042.
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inefficace en tant que sanction. Ainsi, en tant que
procédé de réparation, elle se heurte sinon à
l'insolvabilité des mis en cause potentiels, tout au moins, à une
disproportion entre l'ampleur du dommage causé et la modicité,
sincère ou aménagée, du patrimoine sur lequel les
condamnations s'exécuteront.
D'un autre côté, l'actionnaire redoutera d'exposer
des frais de justice de plus en plus élevés305 d'une
procédure dont l'issue est par dessus tout incertaine.
Comme sanction donc, la responsabilité civile telle
qu'elle se présente actuellement, présente trop de failles.
D'où la nécessité, pour une protection optimale des
actionnaires, d'envisager quelques pistes de solutions.
SECTION II- AXES DE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION
DES ACTIONNAIRES
Les actions en nullité et les actions en
responsabilité civile ayant montré à suffisance leurs
limites dans la tentative de sécurisation des actionnaires, il est plus
que jamais indispensable, dans le but de restaurer à ces moyens de
protection somme toute non négligeables, la plénitude de leurs
missions, de leur apporter un supplément d'éléments
protecteurs. A ce titre, il conviendra d'examiner d'une part l'obligation de
souscription d'une assurance professionnelle par certains acteurs sociaux plus
exposés à la faute (§2) et d'autre part
l'éventualité d'une responsabilité sans faute (§1)
pour être complet sur la question.
§1-VERS UNE RESPONSABILITE SANS FAUTE ?
L'idée ici est celle d'assurer à l'actionnaire,
victime des fautes d'une quelconque origine, une indemnisation, effective et
intégrale. C'est-à-dire, replacer la victime autant que possible
dans l'état où elle se trouvait avant la survenance du dommage.
Aussi, si comme le fait remarquer Boris STARK, la réparation ne saurait
lui être ni supérieure - elle constituerait un enrichissement sans
cause - ni inférieure - elle se situerait au dessus du
rétablissement -, il s'agit pour nous dans cette brèche,
d'allouer à la responsabilité une fonction incitative aussi bien
dans la prévention que dans la réalisation du dommage.
Pour y parvenir, il nous semble que l'une des premières
mesures soit fondée sur la révision de la responsabilité.
A notre sens, on devrait donc passer en la matière, d'un régime
de responsabilité pour faute à un régime de
responsabilité sans faute, qui
100
permettrait ainsi, une indemnisation de plein droit à
tout actionnaire s'estimant lésé ou à une
responsabilité automatique. De la sorte, les actions tendant à la
prévention dans la réalisation d'un dommage pourront renforcer
l'efficacité recherchée de la responsabilité civile.
De plus, une augmentation des dommages et
intérêts à un montant supérieur que le coût
réel du préjudice serait de nature à ramener les
dirigeants et toute personne susceptible d'être impliquée,
à une gestion saine et prudente. En d'autres termes, il est question de
muter la fonction réparatrice de cette allocation pécuniaire en
fonction incitatrice.
Enfin, faciliter la mise en cause de la responsabilité
des dirigeants pour faute de gestion, et des commissaires aux comptes pour
complicité ou négligence viendrait à coup sûr,
renforcer l'efficacité à nouveau de la responsabilité
civile, et partant, la protection des actionnaires en les obligeant à
dédommager effectivement les victimes de leurs incartades par tous les
moyens, même par le biais de la souscription d'une assurance.
§2-L'OBLIGATION DE SOUSCRIPTION D'UNE ASSURANCE
PAR LES DIRIGEANTS SOCIAUX ET LES COMMISSAIRES AUX COMPTES
Assurément, la gestion d'une société
commerciale appelle à une certaine prise de risques par le dirigeant
social. Mais lorsque la notion de risque engendre une faute, cela signifie
qu'il y a eu disproportionnalité entre la prise de risque et
l'intérêt social engageant de ce fait la responsabilité du
dirigeant social et la question de l'indemnisation de l'actionnaire se pose
avec acuité.
Face à l'impécuniosité involontaire ou
organisée des dirigeants sociaux ou du commissaire aux comptes mettant
en péril l'intégrale indemnisation des actionnaires en cas de
dommage subi du fait des premiers, l'assurance apparaît comme le moyen le
plus approprié devant permettre aux actionnaires d'obtenir
réparation effective et intégrale du préjudice subi. En
effet, l'assurance protège les individus éprouvant de l'aversion
au risque tout en maintenant un caractère incitatif de la
responsabilité. Autrement dit, l'actionnaire sera indemnisé
dès lors que le dirigeant ou le commissaire a commis une des trois
fautes prévues par le droit des sociétés, ce d'autant
qu'en matière d'assurance, lorsque le sinistre qui fonde l'intervention
de l'assureur de responsabilité se réalise, la victime dispose
d'une action directe contre ce dernier sans être obligée de passer
par l'auteur principal de la faute. Aussi, pour
305 Même si ,dans le cas du Cameroun, le
législateur interne s'est employé tout récemment à
faciliter l'accès au prétoire en l'organisant dans sa loi n°
2009/004 du 14 avril 2009 portant organisation de l'assistance judiciaire, il
n'est pas certain que cela soit le cas dans le reste des pays membres de
l'OHADA.
pallier l'insolvabilité du dirigeant social et celle du
commissaire aux comptes condamnés à dédommager
l'actionnaire victime de leurs méfaits, il serait opportun pour le
législateur africain d'imposer à ces derniers la souscription
d'une assurance professionnelle.
Certes, on pourrait avancer que le mécanisme de
l'assurance conduirait à une déresponsabilisation des dirigeants
ou des commissaires face à la réalisation du dommage, mettant
ainsi à nouveau en péril le caractère incitatif que l'on
veut attribuer à la responsabilité civile, dans la mesure
où se sachant assurés, ceux-ci ne prendraient plus de
précaution. Mais cette distorsion a priori que l'assurance peut produire
au détriment du caractère incitatif sus évoqué,
peut tout d'abord être atténuée par le fait que le
comportement des agents en termes assurantiels est défaillant, au regard
de leur fréquente méconnaissance ou mauvaise estimation du
risque, de leur mauvaise information, etc. Par la suite, il ne faut pas perdre
de vue que la couverture d'un éventuel dommage ne peut pas totalement
enlever le caractère incitatif de la responsabilité : les
assurances, conformément aux enseignements de l'économie de
l'assurance, n'offrent pas des assurances complètes. En effet, la
garantie est souvent plafonnée : la compagnie prévoit le montant
de la garantie qui constitue le maximum de l'indemnité. De la sorte, le
dirigeant social ou le commissaire aux comptes devra assumer la
différence entre le montant des dommages et intérêts et
celui de l'assurance, au profit, naturellement, de l'actionnaire qui se
trouvera ainsi complètement dédommagé.
Enfin, les assurances mettent en place des systèmes
incitatifs à la prudence par la mise en place de bonus et inversement
sanctionne les dirigeants et commissaires assurés trop négligents
par le système de franchise et de malus.
Comme on peut le constater le législateur africain
gagnerait à intégrer ces quelques observations dans le but
d'attirer au maximum les investisseurs dans l'espace OHADA.
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