L'intangibilté du capital social et la protection juridique des créanciers sociaux( Télécharger le fichier original )par Mahawa DIOP Université gaston berger de Saint Louis - Maitrise 2006 |
B. L'engagement de la responsabilité des dirigeant sociauxAux termes de l'article 889 de l'AUSC, « encourent une sanction pénale, les dirigeants sociaux qui, en l'absence d'inventaire ou au moyen d'inventaire frauduleux, auront sciemment, opéré entre les actionnaires ou les associés la répartition de dividendes fictifs ». C'est dire le souci du législateur communautaire à combattre les comportements de nature à nuire au développement de l'entreprise. Une telle distribution serait préjudiciable aussi bien aux associés et à la société, qu'aux créanciers sociaux car c'est le capital lui-même qui sera entamé puisqu'en réalité il n'y a pas de bénéfice distribuable. La distribution de dividendes fictifs étant un délit, sera sanctionnée sur le terrain de la responsabilité pénale. Les distributions de dividendes fictifs sont sévèrement réprimées dans les sociétés par actions et les SARL90(*). Certes la cour de cassation a une conception extensive de la notion de dividende fictif. En effet, elle avait estimé que si le conseil d'administration fait voter par l'assemblée un dividende qu'il lui présente à l'aide d'un bilan inexact comme provenant de l'exercice et qui est, en réalité prélevé des réserves, c'est un dividende fictif91(*).la seule exception qui était alors admise était quand les dividendes distribués avaient leur contrepartie dans les réserves occultes car la distribution ne porte pas atteinte aux réserves inscrites au bilan. Mais cette exception sera écartée par la loi de 196692(*) : la mise en distribution des sommes prélevées sur les réserves n'est possible que si l'assemblée indique expressément les postes sur lesquels les prélèvements sont effectués. Tout prélèvement en violation de cette règle constitue un dividende fictif. Ainsi, la répression pénale ne protége plus seulement les créanciers sociaux mais encore les actionnaires ou associés contres les tromperies administratives93(*). La responsabilité pénale repose l'existence d'une infraction : c'est le délit de distribution de dividende fictif caractérisé par l'élément intentionnel. C'est l'emploi de l'adverbe « sciemment » justifie l'exigence de cet élément défini comme le fait d'avoir agit en connaissance de cause. L'existence d'un système répressif est d'autant plus nécessaire que les dirigeants sociaux seraient amenés à se livrer facilement à des actes d'aliénation du patrimoine social, en dépit de l'existence du contrôle de gestion exercé par les commissaires aux comptes. En droit OHADA, l'infraction se rattache à une conception étroite de la comptabilité envisagée comme une simple « technique d'enregistrement des valeurs »94(*).la loi cherche à sanctionner le défaut de sincérité comptable. Dans le cadre de la distribution de dividendes fictifs, l'infraction sera considérée comme consommée lorsque l'élément intentionnel ou moral et celui matériel sont réunis. C'est l'existence d'un inventaire fictif ou frauduleux, une répartition de dividendes fictifs et une mauvaise foi. L'existence d'un inventaire frauduleux ou fictif est une condition préalable. L'inventaire permet d'avoir une appréciation de l'état du patrimoine social un moment donné par le moyen d'un relevé estimatif et descriptif des créances, des dettes et des biens de la société. Il en résulte donc, toute absence d'inventaire ou toute fraude dans l'inventaire est constitutive d'infraction s'il y a une répartition de dividendes fictifs. Contrairement à l'absence d'inventaire qui constitue son défaut lors de la répartition, l'inventaire frauduleux ou l'inexactitude de l'inventaire s'accompagne d'une mauvaise foi. Il peut se manifester par la majoration ou la minoration de l'actif notamment par la surévaluation de ses éléments ou par simulation de l'existence de ces éléments, en réalité inexistants. Tel est le cas, par exemple, l'inscription de créances en réalité irrécouvrables ou la simulation de stocks inexistants, etc. Quant à la minoration elle peut résulter de l'omission d'inscrire une charge ou de la sous-évaluation du montant d'une dette. L'infraction sera donc réalisée par la décision des gérants ou du conseil d'administration ordonnant le paiement du dividende, même cas de vote par l'assemblée générale d'un quitus ou d'une décision approuvant cette répartition. Cette décision serait prise en violation de l'article 144 de l'AU qui détermine la procédure de prise de décision de distribution, mais également en violation de la condition relative à la réalité du bénéfice même. Ainsi, le point de départ de la prescription de l'action publique commence le jour de la mise à la disposition des associés des dividendes. En contrepartie des pouvoirs confiés aux organes légaux de la société, l'engagement de leur responsabilité semble logique. En effet, il faut éviter qu'ils en abusent, compromettant ainsi les intérêts des associés et des tiers. Enfin, il existe une dernière sanction relative à la société elle-même. Aussi, en raison de l'importance du rôle que joue le capital social, le législateur a-t-il prévu la dissolution de la société en cas de perte de plus de la moitié du capital. * 90 L. 1966, art. 437, 1° ; art. 425, 2°. * 91 Cass. Crim. 10 nov. 1942 ; G.P.1943.1.85 ; 4 mai 1954, JCP 1954.II.8239, note Bastian. * 92 Art. 346, al. 2 * 93 Ripert et Roblot, Traité, t. I, n°1524 * 94 M. Delmas-Marty, Droit pénale des affaires, Tome 2, Paris, PUF, 1990, p.309. |
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