L'avis à tiers détenteur: cadre juridique et contentieux au Maroc( Télécharger le fichier original )par Mohammed SADDOUGUI Université Mohamd premier-Oujda-Maroc - Master en droit des contentieux à vocation économique 2008 |
Section 2 : La nature juridique de l'avis à tiers détenteurL'administration fiscale, afin d'assurer une exécution forcée de sa créance, peut recourir soit à des procédures d'exécution de droit commun, telles la saisie-arrêt et la saisie- attribution (en droit comparée français par exemple), lorsque les fonds du redevable sont détenus entre les mains d'un tiers, soit à des procédures de recouvrement qui lui sont spécifiques, comme l'avis à tiers détenteurs (objet de notre étude) ou plus exceptionnellement, la contrainte par corps. L'avis à tiers détenteur est une voie d'exécution forcée spécifique au droit fiscal. Elle constitue "un moyen expéditif de saisir les créances du contribuable"54(*).Il s'agit, sans hésitation aucune, d'une voie d'exécution forcée réservée uniquement à un créancier particulier, à savoir le Trésor public55(*). L'administration fiscale s'est vue donc attribuée cette procédure simplifiée de recouvrement par le législateur qui lui permet de réclamer, à un simple tiers, le paiement de la dette d'impôt d'autrui avec les deniers du débiteur56(*). L'adoption de cette procédure par le législateur marocain, suscite une attention particulière, du fait qu'il ne lui a pas consacré de définition précise et qu'elle n'a vu le jour, dans sa formulation, actuelle, qu'avec la promulgation de la loi 15-97.Il est donc utile de chercher à cerner sa nature juridique en doctrine et en jurisprudence. Pour atteindre cet objectif, on a adopté une démarche comparative, notamment avec les procédures de droit commun voisines, à savoir, la saisie-arrêt (sous-section II) et la saisie- attribution (sous-section III). Mais, avant d'entamer cette étude, on procédera préalablement à cerner la notion de l'A.T.D. Tout en mettant en exergue son origine et ses spécificités (sous-section I). Sous-section 1 : La Notion de l'avis à tiers détenteurLa mise en évidence de la notion d'A.T.D., nous amènera à cerner sa définition (Paragraphe 1) à la lumière du droit marocain et son homologue, le droit comparé français, pour passer ensuite à la détermination de ses spécificités (Paragraphe 2).
Paragraphe 1: Définition de l'avis à tiers détenteurEn droit marocain, l'A.T.D. est régi par les articles 101 et 102 du code du recouvrement des créances publiques57(*).C'est une nouvelle procédure, vu sa formulation. Mais, on peut dire qu'elle trouve ses origines dans le dahir de 1935. En effet, il y'a une certaine similitude entre l'article 101 du C.R.C.P. et la sommation à tiers détenteur prévue par l'article 62 du dit dahir modifié. L'apport de la nouvelle loi réside dans la formulation "avis à tiers détenteur" prévue par l'article 101 et de "l'effet d'attribution immédiate qui s'étend aux créances à termes ou conditionnelles" prévue par l'article 102. Par une lecture synthétique des articles 100 à 104 du chapitre V du C.R.C.P. réglementant les obligations des dépositaires et tiers détenteurs , on peut dire que" l'avis à tiers détenteur est une procédure spécifique au droit fiscal permettant au Trésor l'attribution immédiate de sommes appartenant ou devant revenir aux redevables d'impôts et taxes et autres créances affectées au privilège du trésor, détenues par les dépositaires et tiers détenteurs à concurrence des créances dont le paiement est requis" Par l'institution de cette procédure de recouvrement forcé, le législateur a doté le comptable chargé du recouvrement d'un instrument rapide et efficace et lui a permis ainsi d'étendre les garanties du Trésor à des tiers détenteurs. En droit comparé Français, c'est l'article 2 de la loi du 12 novembre180858(*) qui institua au profit du Trésor public cette procédure de recouvrement exorbitante du droit commun, à laquelle la pratique donnera le nom l'avis à tiers détenteur, pour lui permettre d'appréhender les créances publiques à la charge du contribuable défaillant entre les mains d'un tiers59(*). L'A.T.D. "est une institution qui n'a pas été décantée par la troisième ni la quatrième- République, sans doute en raison de l'idée, longtemps tenue pour réaliste, que la nécessité de faire rentrer les impôts peut s'accommoder de quelques libertés avec les garanties données aux citoyens , contre les abus possibles des agents de l'Etat"60(*).Cette position doctrinale du conseiller POULLAIN, illustre bien le déséquilibre flagrant entre l'administration et le citoyen , instauré par l'utilisation de l'A.T.D. Actuellement, cette procédure est régie par les articles L.262 et L.263 du livre des procédures fiscales61(*). * 54 -COZIAN (M.), L'avis à tiers détenteur en matière de privilège du Trésor, RTD comm.1967, p.66, n°2. * 55 -KARIM Sid AHMED, Droits fondamentaux du contribuable et procédures fiscales: étude comparative, HARMATAN, p.162, in http://www.books.google.fr (visité le 24/08/2008). * 56 - ANDRE LEFEUVE, Le paiement en, droit fiscal, HARMATAN, 2002, p.65 in http://www.books.google.fr (visité le 25/08/2008). * 57 -L'article 101dispose que: Les comptables publics , économes, locataires et tous autres détenteurs ou débiteurs de sommes appartenant ou devant revenir aux redevables d'impôts et taxes et autres créances jouissant du privilège du Trésor sont tenus sur la demande qui leur en est faite sous forme d'avis à tiers détenteurs par le comptable chargé du recouvrement, de verser en l'acquit des redevables ,les fonds qu'ils détiennent ou qu'il doivent à concurrence des sommes dues par ces redevables. Sont également soumis aux obligations visées à l'alinéa premier du présent article, lorsqu'ils sont tiers détenteurs, les gérants, administrateurs ou directeurs de sociétés pour les impôts et taxes dus par celles-ci. -l'article 102 dispose que: l'avis à tiers détenteurs a pour effet l'attribution immédiate des sommes détenues par les tiers visés aux deux articles précédents à concurrence du montant des impôts, taxes et autres créances dont le paiement est requis. Cet effet d'attribution s'étend aux créances à terme ou conditionnelles que le redevable possède à l'encontre des tiers détenteurs actionnés. * 58 -- Cet article fut modifié tour à tour par l'article 58 de la loi du 30 mars 1902,par l'article 2 du décret-loi du 30 octobre 1935,l'article 28 du décret-loi du 2 mai 1938 et l'article 14 de la loi du 27 avril 1946,l'article 3 du décret du 30 avril 1955 ,par l'article 8-11 de la loi du 31 décembre 1981,par l'article 86 de la loi du 9 juillet 1991 et en dernier lieu, par l'article 35 de la loi du 30 décembre 1991. * 59 - SID AHMED (K.), op. cit. p.162. * 60 -POULLAIN (B.), «Avis à tiers détenteur, un acte mettant en oeuvre une voie d'exécution non signé par son auteur est...inexistant», étude sur Cass.com, 13 janvier 1998,n°135 P, Debard: RJF 4/98,254,cité par MASCLET(M.B.),op.cit, p.154 . * 61- L'article L. 262 du livre des procédures fiscales dispose que : "Les dépositaires, détenteurs ou débiteurs de sommes appartenant ou devant revenir aux redevables d'impôts , de pénalités et de frais accessoires dont le recouvrement est garanti par le privilège du Trésor sont tenus, sur la demande qui leur en est faite sous forme d'avis à tiers détenteur notifié par le comptable chargé du recouvrement, de verser aux lieu et place des redevables, les fonds qu'ils détiennent ou qu'ils doivent, à concurrence des impositions dues par ces redevables ". " Les dispositions du présent article sont applicables également aux gérants, administrateurs, directeurs ou liquidateurs de sociétés pour les impositions dues par celles-ci". -L'article L. 263 du livre des procédures fiscales dispose que : "L'avis à tiers détenteur a pour effet d'affecter, dès réception, les sommes dont le versement est ainsi demandé au paiement des impositions privilégiées, quelle que soit la date à laquelle les créances même conditionnelles ou à terme que le redevable possède à l'encontre du tiers détenteur deviennent effectivement exigibles". "Il comporte l'effet d'attribution immédiate prévu à l'article 43 de la loi n°91-650 du 9 juillet 1991". "Lorsqu'une personne est simultanément destinataire de plusieurs avis établis au nom du même débiteur, émanant des comptables chargés du recouvrement respectivement des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, elle doit, en cas d'insuffisance des fonds, exécuter ces avis en proportion de leur montant respectif".
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