L'avis à tiers détenteur: cadre juridique et contentieux au Maroc( Télécharger le fichier original )par Mohammed SADDOUGUI Université Mohamd premier-Oujda-Maroc - Master en droit des contentieux à vocation économique 2008 |
Paragraphe 1: La nature juridique de la saisie-attributionEn droit comparé français, cette procédure, comme on l'a déjà évoqué précédemment, vient pallier aux insuffisances de l'ancienne procédure saisie-arrêt. Elle est réglementée par les articles44(*) 42 à 47 de la loi 91-650 du 9 juillet 1991. Elle ne peut être mise en oeuvre que dans les conditions où le créancier est muni d'un titre exécutoire et que la créance est liquide et exigible. Elle diffère donc de l'ancienne saisie-arrêt par le fait qu'elle ne comporte plus d'instance en validité. Elle tire son particularisme du fait que son application ne concerne que les biens incorporels et plus précisément les sommes d'argent. Par ailleurs, elle permet la conversion d'une saisie conservatoire de créance et son utilisation ne concernera en pratique que les créances du Trésor ne bénéficiant pas du privilège, comme les produits domaniaux45(*). Paragraphe 2: Les effets de la saisie-attributionFortement inspiré de la procédure de l'avis à tiers détenteur, la saisie attribution emporte effet d'attribution immédiate de la créance au profit du créancier saisissant comme le remarque le Professeur CROZE : « l'innovation essentielle consiste évidemment dans cet effet attributif qui transfère immédiatement la propriété de la créance du patrimoine du saisi à celui du saisissant où elle demeure cependant indisponible et qui exclut donc toute possibilité de concours avec les créanciers agissant postérieurement »46(*) . Cependant, la loi de 1991 indique que les actes de saisies signifiés le même jour sont réputés effectués simultanément47(*).Le concours entre créanciers doit alors se régler au prorata de leurs créances respectives, sans tenir compte de l'existence d'éventuels privilèges48(*). Mais, ce qualificatif "attribution immédiate" a fait l'objet de débats doctrinaux et jurisprudentiels quant à son interprétation juridique. Ainsi, la question s'est posée lorsqu'on voulait savoir si la saisie attribution a, comme l'ancienne saisie-arrêt, un effet successif. D'aucuns tiennent à une interprétation restrictive de la notion "attribution immédiate ": ils avancent que cette formule est tellement précise que le législateur lors de la rédaction de l'article 43 de la loi du 9juillet 1991 en était conscient; et cette précision ne saurait être innocente. A cet effet, le créancier saisissant n'obtient alors rien d'autre que l'attribution de la créance existante et échue au moment de la signification au tiers de l'exploit de saisie attribution. On ne pourrait donc plus saisir les créances futures. Ce qui confère à la saisie attribution un effet instantané49(*). Mais, cette position doctrinale, n'est pas partagée totalement par la jurisprudence. En effet, Son approche est entamée sous un autre angle. Ainsi, pour écarter les créances futures de l'assiette de la saisie attribution, elle recherche si les sommes dues par le tiers au débiteur, correspondent à une créance unique à exécution successive ou à des créances distinctes indépendantes. Et ce n'est que dans ce dernier cas que la saisie du créancier premier saisissant n'aura qu'un effet instantané50(*). La jurisprudence est restée constante quant au premier cas. Ainsi, la cour de cassation dans un arrêt du 22novembre 2002,rejetant le pourvoi faisant grief à l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Versailles, et se basant sur les articles 13 et 43 de la loi du 9juillet 1991 et les articles 69 et suivants du décret du 31 juillet 1992,a affirmé que" la saisie attribution d'une créance à exécution successive, pratiquée à l'encontre de son titulaire avant la survenance d'un jugement portant ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires de celui-ci ,poursuit ses effets sur les sommes échues en vertu de cette créance, après ledit jugement"51(*) Outre l'effet attributif de la saisie- attribution, le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter ,et s'il y'a lieu, les cessions de créances ,délégation ou saisies antérieures52(*).Lorsque la saisie est pratiquée entre les mains d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôt, le législateur a mis à sa charge l'obligation de déclaration de l'ensemble des comptes du débiteur et ne peut se retrancher derrière le secret professionnel53(*). La nature de cette voie d'exécution est plus proche de celle de l'avis à tiers détenteur que nous allons aborder immédiatement. * 44 -L'article 42 de la loi française 91-650 du 9 juillet dispose que: Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail. - L'article 43 dispose que: L'acte de saisie emporte à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers ainsi que tous ses accessoires. Il rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation. La signification ultérieure d'autres saisies ou de toutes autres mesures de prélèvement, même émanant de créanciers privilégiés, ainsi que la survenance d'un jugement portant ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire, ne remettent pas en cause cette attribution. Toutefois, les actes de saisie signifiés au cours de la même journée entre les mains du même tiers sont réputés faits simultanément. Si les sommes disponibles ne permettent pas de désintéresser la totalité des créanciers ainsi saisissants, ceux-ci viennent en concours. Toutefois, lorsqu'une saisie-attribution se trouve privée d'effet, les saisies et prélèvements ultérieurs prennent effet à leur date. * 45 -MICHEL DOUAY, Le recouvrement de l'impôt, librairie générale de droit et de jurisprudence, EJA, Paris, 2005, p.153. * 46 - MASCLET (M.B.), op. cit. p.152. * 47 -Art.43, alinéa 3 de la loi du 9 juillet 1991. * 48 -Avis de la cour de cassation, du 24 mai 1996:Bull. civ.mai 1996, n°5, p.3. * 49 -TAORMINA GILLES «La saisissabilité des créances à exécution successive et des créances futures», in recueil DALLOZ 2004, p.1490. * 50 -Il a été jugé que ne constituaient pas des créances à exécution successive, susceptibles comme telles de faire l'objet d'une seule saisie-attribution dont les effets se prolongeraient dans le temps en application des dispositions de l'article 13 de la loi de 1991: - Les sommes dues pour une caisse d'assurance mutuelle à un praticien d'une profession médicale en exécution d'une convention de tiers payant. (Cass.2ème ch. civ. du 13 juin 2002, Bull.civ.II, n°129). - Les sommes dues au salarié par l'employeur en application des dispositions des art.442-1 et s, code du travail, au titre de la participation aux bénéfices (T.G.I. Saint-Omer, JEX, 27 janvier 1998, GAZETTE .Pal.1999, 1, jur.p.119). - Plusieurs mensualités déjà échues d'une créance et qui constituent dès lors une créance en capital unique. (Cass.2ème ch.civ.30sept.1999,n°97-22.458). - Les sommes devant être versée par la CPAM du Finistère à une société de transport de malades. (Cass.2ème ch.civ.17 mai 2001, bull.civ.II, n°99). * 51 -Cour de cassation, 2ème ch.civ.10juillet 1996, Bull.1996, II,n°209,p.127. * 52 -Art. 44 de la loi du 9 juillet 1991. * 53 -Art. 47 de la même loi. |
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