II.1.3- Modèle de segmentation
Enfin, le modèle de segmentation postule que les
attitudes au travail et hors travail ne sont pas liées entre elle.
Chaque domaine d'expérience développe des valeurs et des
exigences propres et indépendantes et les comportements dans un domaine
de la vie ne sont pas nécessairement reliés aux comportements
dans un autre domaine (Kabanoff, O'Brien, 1980). Ce modèle est
très critiqué et résiste mal à l'observation de la
montée du conflit entre vie professionnel et vie familiale.
En conclusion, il importe de souligner que ses trois
modèles ont été dépeints par Boulin et Silvera
(2001), à partir des travaux de Parker(1964) : l'approche en terme de
généralisation/reproduction/extension qui postule que les
salariés reproduisent dans le hors travail les expériences
positives et négatives vécues dans le travail ; l'approche en
terme de compensation dans laquelle le temps libre a une fonction correctrice
par rapport aux contraintes vécues dans le travail ; l'approche en terme
de neutralité qui postule que les comportements dans le hors travail
sont indépendants de ce qui se joue dans le travail.
Le modèle théorique de notre
recherche
Les modèles utilisés pour rendre compte du lien
existant entre la vie au travail et la vie hors travail sont nombreux et de
niveau de complexité diverse. A l'examen des postulats de ces trois
modèles qui viennent d'être exposés et à partir des
objectifs de notre étude, le modèle de la diffusion tel que
repris par (Barnett, 1994; Demerouti et al., 2005) nous apparaît
le plus plausible et le plus approprié. Il suppose que les frustrations
vécues au travail se propagent et se colonisent sur la vie
extraprofessionnelle. Cette théorie a des apports puissants et
importants dans la mesure où elle édite des règles et
induit des méthodes de diffusion d'attitudes et de comportements. C'est
donc une théorie puissante pour comprendre la relation vie au
22
travail et vie hors travail. Bien qu'elle fait abstraction du
sujet entant qu'il accepte ou non une attitude lorsqu'elle s'impose, fut-ce
inconsciemment. Elle véhicule en effet une conception du sujet passif
et manipulé par les exigences de son activité de travail.
II.2-Revue des travaux antérieurs
Nous allons présenté, ici, les travaux de Marine
et al., (1981), de Nathalie St-Amour et al.,(2005) et de
Gadbois, (1981) qui ont étudiés la relation entre le travail et
le non travail, en faisant ressortir l'influence et l'impact du travail sur
l'organisation des activités de la vie hors travail.
II.2.1- Travaux de Marine, Escribe et Navarro (1981)
Marine et al.,(1981) ont étudié
l'articulation temporelle de la vie de travail et hors travail, en ce centrant
sur l'influence d'un facteur particulier (contrainte de temps) sur
l'organisation des activité de vie dans les ménages.
L'étude porte sur un échantillon de 82 personnes, en comparant
les couples dont seul le mari travaille à ceux dont les conjoints
exercent tous une activité professionnelle. L'hypothèse retenue
pour cette étude est que les modes d'organisation des activités
dans le couple sont affectés par le volume de temps disponible pour
gérer ce système. Les variables prises en compte sont la
structure temporelle des activités (variable dépendante) et le
volume de temps pour gérer ce système (selon le couple ou selon
que le mari exerce une profession), comme variable indépendante, en ce
sens que le temps de travail constitue un pôle dominant par rapport
auquel se structurent les activités hors travail.
Ainsi, si les résultats de cette étude
confirment l'existence de stratégies différentielles, ils
montrent surtout la complexité du réseau de variables qui
interviennent dans les modalités de régulation mises en jeu:
moyens contraintes, modèle de vie...
La problématique développée ici
s'insère dans le cadre d'une étude collective sur la relation vie
de travail- vie hors travail menée sous la direction de Curie (1980,
cité par Marine et al., 1981, p.25) dont l'un des postulats est
que les incidences d'une modification affectant un domaine particulier ne
pourront être saisie que si l'on connait les modes d'interaction des
différents secteurs d'activité entre eux.
Signalons, cependant, que cette approche peut paraître
restrictive pour deux raisons: en premier lieu, les auteurs n'abordent qu'un
sens de l'interaction vie au travail- vie hors travail, alors que dans la
perspective systémique adoptée, une relation réciproque
est tout aussi possible (Curie et Hajjar, 1987). En second lieu, au delà
des conséquences temporelles retenues ici, l'activité
professionnelle a des effets physiologiques et psychologiques sur l'individu
dont l'état actuel de la recherche ne permet pas de rendre compte. Par
exemple, selon Boussougou- Moussavou (1996), l'absentéisme peut
être analysé non seulement comme une réponse à des
mauvaises conditions de travail, mais également comme une forme
particulière de régulation du système des
activités, c'est à dire une conduite répondant aux
perturbations que la vie de travail introduit dans la réalisation
d'activités extra- professionnelles.
En dépit de ces limites, l'essentiel de l'étude
a porté sur la description des activités de vie en fonction du
volume de temps professionnel des couples et a permis ainsi
d'appréhender la manière dont les personnes organisent leur
emploi du temps, c'est à dire de mettre en évidence des formes de
régulations particulières selon les sujets ou les
ménages.
II.2.2- Travaux de Nathalie St-Amour, Johanne
Laverdure, Annie Devault et Sylvianne Manseau (2005)
Nathalie St- Amour et al., ont menés une
étude sur : la conciliation travail-
24
famille: ses impacts sur la santé physique et mentale
des familles québécoises. Cette problématique est
analysée à la lumière des différents contextes
entourant le travail et la famille. Les études retenues sont issues de
deux sources d'informations principales : les recherches publiées dans
des revues où les textes sont évalués par les pairs, les
recherches et les documents publiés par les gouvernements provinciaux et
fédéraux. Les stratégies de repérage des
études pertinentes et récentes ont consisté, dans un
premier temps, à interroger les banques de données suivantes :
Medline, PsychINFO, Francis et Érudit, à partir d'une combinaison
de mots-clés comme par exemple, conciliation, travail et famille,
travail, famille et santé (santé mentale et physique),
bien-être, travail, famille et enfant en plus de travail, famille et
adolescent.
L'ampleur du conflit révélé par les
études confirme ce que l'observateur est en mesure de constater dans le
quotidien : les familles et les individus éprouvent de plus en plus de
difficultés à trouver et à maintenir un équilibre
entre les demandes nombreuses et parfois contradictoires de la vie de travail
et de la vie de famille.
Les recherches nous rapportent que cette course contre la
montre a des conséquences importantes au plan de la santé
physique et mentale des individus et de leurs déterminants ainsi qu'au
plan économique.
L'ensemble de ces études ont mis en évidence les
résultats suivants :
Au plan de la santé physique, mentale
et de leurs déterminants
1. Selon l'enquête sociale générale (ESG)
de 1998, les parents et les mères mono parentales âgés de
25 à 44 ans, signalent le plus haut taux de stress relié au
manque de temps.
2. Il existe une corrélation élevée entre
les situations de conflit travail-famille et la dépression
(soulevée dans la méta-analyse d'Allen et coll., 2000).
3. Il existe un lien entre les situations de conflit
travail-famille et les troubles
d'anxiété et d'humeur chez les femmes en
particulier (Frone, 2000).
4. Il existe un lien entre les situations de conflit
travail-famille et les coûts requis pour les consultations
médicales des travailleurs (Duxburry et Higgins, 1999).
5. Il existe un lien entre le conflit travail-famille et
l'incidence de maladies physiques comme l'hypertension artérielle,
l'hypercholestérolémie, les troubles gastro-intestinaux, les
allergies et les migraines (Duxbury, Higgens Mills, 1991; Frone, Russe/Barnes,
1996; Thomas et Ganster, 1995).
6. Les difficultés de la conciliation travail-famille
ont des répercussions négatives sur les habitudes alimentaires et
la pratique de l'activité physique (C. Dubé et coll., 2002,
Hitayesu, 2003).
7. Le conflit travail-famille est associé à une
augmentation de la dépendance à l'alcool et de la consommation de
drogues chez les hommes en particulier (Frone, 2000).
8. Les parents qui se sentent débordés par
leurs multiples tâches auraient une attitude moins chaleureuse avec leurs
adolescents et seraient plus enclins à développer des
interactions conflictuelles avec ces derniers (Galambos, Sears, Akmeida et
Klokeric, 1995).
9. Le conflit travail-famille a été relié
à l'insatisfaction face à la vie familiale et conjugale (St-Onge
et coll., 2002).
10. Les horaires de travail atypiques et le conflit
travail-famille ont été associés au manque de temps pour
partager les repas en famille. Pourtant, ces moments sont
considérés comme des moments privilégiés de
socialisation qui ont des répercussions émotionnelles positives
sur les relations parent-enfant (US Council of Economic Advisors (2002).
Au plan du travail et au plan
économique
1.
26
Selon l'étude de Duxbury et Higgins, les personnes qui
vivent un conflit travail-famille sont 27 % à
se dire satisfaites de leur travail alors que les
employés qui ne sont pas dans une telle situation le sont à 80
%.
2. La méta-analyse d'Allen et coll., (2000)
démontre que les employés qui vivent des problèmes de
conciliation travail-famille songent davantage à changer d'emploi et
sont plus susceptibles de connaître un épuisement
professionnel.
3. La conciliation travail-famille est aussi reliée
à un rendement professionnel inférieur, à une augmentation
de l'absentéisme, à un roulement élevé du personnel
et à une perte de motivation (Duxbury et Higgins, 1998).
4. L'insatisfaction professionnelle des employés
entraîne des coüts supplémentaires pour les employeurs et
pour le système de santé, car elle est associée à
un absentéisme accru, à un roulement du personnel et à des
problèmes de santé des travailleurs. Les employés
satisfaits de leur emploi vivent plus longtemps et sont moins susceptibles
d'être malades (Robbins, 1993 dans Duxbury et Higgins, 1999).
5. Des chercheurs ont estimé que les jours d'absence
au travail des employés qui vivent des difficultés de
conciliation entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle ont
représenté des coûts de 2,7 milliards de dollars pour les
entreprises canadiennes en 1997. (Cooper et coll., 1996; Levi et Lunde-Jensen,
1996 dans Duxbury et Higgins, 1999).
6. Cette dernière étude permet d'estimer
à plus de 100 millions de dollars par année les coûts en
soins de santé associés à la difficulté de
concilier travail et famille au Québec.
L'examen des banques de publications et des contacts avec des
experts n'a fait ressortir aucune documentation de l'impact sur la santé
de mesures gouvernementales particulières dans le domaine de la
conciliation travail-famille.
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