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La maltraitance des enfants: esclavage modernisé ou exploitation déguisée ?

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par Aly Saleh
Institut supérieur de commerce et de communication - Master professionnel en journalisme et communication 2009
  

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CHAPITRE 2 : Etude du Milieu

Que dire de la maltraitance indirecte subie par l'enfant témoin de violences conjugales dans sa famille?

Les enfants qui vivent dans un contexte de violences conjugales sont dans tous les cas victimes. Qu'ils subissent eux-mêmes les coups, insultes ou négligences ou qu'ils soient témoins visuels

ou auditifs des violences infligées à un des parents, ils restent prisonniers d'un contexte qui nuit à leur développement physique, relationnel et psychosocial.

Au Sénégal, une femme sur dix a déclaré avoir déjà subi de la violence physique et/ou sexuelle de la part d'un partenaire (ancien ou actuel) au mois une fois au cours de sa vie. De nombreux enfants sont donc potentiellement touchés par la problématique. Il a été montré que les enfants témoins de la violence commise à l'encontre d'un des parents, montrent plus d'agressivité, d'hyperactivité, et de comportements délinquants que les enfants non exposés à ce type de violence. Ils manifestent également plus de troubles de l'humeur, tels que de l'anxiété et de la dépression. En outre, ils présentent moins de compétences sociales, une plus faible estime d'eux-mêmes et davantage de difficultés d'apprentissage et de concentration que les enfants non exposés.

Pour toutes ces raisons, il est impératif qu'ils bénéficient d'une prise en charge adéquate par des professionnels spécialisés, au même titre que les enfants qui subissent directement les violences parentales.

Comment s'effectuent la prise en charge et le suivi des parents violents?

En préambule, il importe de préciser qu'il existe deux grands ensembles de parents qui ont recours à la violence :

o dans la grande majorité des cas, il s'agit de travailler avec des parents qui se trouvent confrontés à des déficits de compétences parentales et qui ont recours à des comportements violents dans certaines circonstances et contextes. Cela signifie que ces parents peuvent aussi se montrer aimants et adéquats. Les expériences positives passées avec ces parents peuvent expliquer - entre autres - la force du lien d'attachement entre ces parents et leurs enfants.

o Il existe aussi une minorité de parents atteints de graves troubles qui utilisent systématiquement la violence. Ce n'est pas de cette minorité dont il sera question ici. Dans ces cas, la prise en charge vise le contrôle social des parents pour assurer la sécurité des enfants, plus que la réhabilitation des compétences parentales.

La présence de tiers lors de

o contacts entre ces parents et leurs enfants est nécessaire en vue d'assurer la sécurité tant psychique que physique des enfants.

La prise en charge varie par ailleurs en fonction des formes de violences (physiques, psychologiques, sexuelles, économiques, etc.) et des modalités relationnelles. Le pronostic de réussite est généralement différent selon le type de violence :

o Violence symétrique : parents et enfants sont conscients de l'inadéquation de leurs comportements mais ne parviennent pas à gérer les frustrations et conflits inhérents à la vie commune sans recourir à la violence. Ces interactions violentes sont bidirectionnelles, réciproques et publiques. Les protagonistes reconnaissent que la violence est problématique. Le pronostic est positif, les séquelles psychologiques peuvent être limitées : l'identité de chacun est préservée car l'autre est reconnu.

o Violence complémentaire : la relation est ici inégalitaire, dans la mesure où l'autorité liée au statut de parent est utilisée de manière abusive, et pas pour assurer la sécurité et la socialisation des enfants. Cette violence est unidirectionnelle et intime. Le pronostic est sombre, les séquelles psychologiques plus profondes, car l'enfant intègre l'exposition à la violence comme la norme et n'a pas droit à l'altérité. Cette modalité relationnelle est liée à l'installation d'une forme d'emprise.

En regard de ces modalités relationnelles de la violence, nous distinguons deux types de prises en charge : celles qui s'effectuent sur une base volontaire ou sur une base contrainte.

o Base volontaire : il s'agit de parents conscients de l'inadéquation de leurs comportements (parfois suite à l'intervention de tiers : école, pédiatre, famille, etc.), et qui en souffrent. Ils souhaitent - malgré la honte qui les habite - trouver des solutions pour éviter que la violence se répète et s'aggrave. Sur la base de cette prise de conscience, l`accompagnement va permettre à ces parents de s'approprier ou de se réapproprier progressivement des compétences permettant de trouver des alternatives au recours à la violence. Un suivi assurant la consolidation de la reconstruction des compétences parentales va être mis en place.

o Base contrainte : il s'agit de parents dont les violences ont été repérées socialement et dont la gravité est telle qu'une mesure contraignante - civile ou pénale - leur est imposée. Dans un premier temps, la prise en charge vise à ce que les parents prennent conscience du caractère illégal et inadéquat de leurs comportements. En parallèle, une forme de contrôle social tend à assurer la sécurité des enfants, dans certains cas par leur placement. Pour autant que les parents s'approprient progressivement une demande personnelle de changement, un accompagnement proche de celui qui a été développé pour les parents « volontaires » est possible.

· Comment soutenir les professionnels qui accompagnent les enfants victimes de mauvais traitements?

Tout professionnel de l'enfance peut être confronté au phénomène de la maltraitance, mais il n'a pas forcément reçu de formation liée à cette problématique.
Par rapport au dépistage des mauvais traitements, il est pourtant important que le professionnel reçoive une formation sur:

- les symptômes fréquemment manifestés par l'enfant maltraité, ainsi que les caractéristiques de son fonctionnement psychologique et comportemental,
- les indicateurs évocateurs de maltraitance qui sont liés au contexte familial.

Selon les cas, le professionnel doit faire un signalement au service compétent, lui-même ou en passant par sa hiérarchie. Il est donc important que l'intervenant connaisse les lois et les procédures auxquelles il est astreint. Il convient que les directions d'institutions (privées et publiques) donnent des informations complètes à leurs collaborateurs afin que ceux-ci ne se trouvent pas sans ressources en cas de besoin. Le recours aux collègues permet aussi de ne pas rester seul et d'obtenir davantage d'informations. Certaines institutions ont prévu des protocoles à suivre en cas de suspicion de mauvais traitements. Cela peut constituer une forme de soutien pour le professionnel confronté à une telle situation. Reste que dans un tel cas, l'important est de ne pas rester seul.

Concernant les professionnels qui ont un rôle thérapeutique ou socio-éducatif avec des familles maltraitantes, on peut évoquer quelques aspects importants à prendre en compte pour être soutenu:
- La prise en charge de ces familles implique souvent une approche tri-focale: d'une part la prise en charge individuelle de l'enfant ; d'autre part la prise en charge de la famille. En troisième lieu, il y a le contrôle social effectué par le service qui est garant de la protection de l'enfant.
Il est indispensable que ces trois instances puissent constamment collaborer, dans la transparence totale afin que le système encadrant (composé des divers professionnels impliqués dans la situation) puisse à tout moment s'ajuster au système encadré (famille et enfant). On évite ainsi les triangulations typiques de ce type de situation.
- Le professionnel doit connaître les mécanismes de

défense présents chez l'enfant comme dans la famille de

ce dernier ; il doit aussi savoir reconnaître ses propres mécanismes de défense qui sont généralement puissants dans ce type de situation (ex: suractivité, attitude à la Zorro ou, au contraire, banalisation voire déni).
- Il est important que l'intervenant qui travaille en institution en réfère à sa hiérarchie lorsqu'il est confronté à un enfant victime de mauvais traitements. Il est également nécessaire que cet intervenant bénéficie régulièrement de séances de supervision : en effet, les mécanismes à l'oeuvre dans ce genre de famille sont très spécifiques et il faut pouvoir les comprendre pour les identifier et s'en protéger. Par ailleurs, les entretiens de réseau sont indispensables pour ne pas rester seul et pour s'accorder entre intervenants confrontés à une même situation.
 


·Comment intervenir auprès de jeunes violents, qu'ils soient seuls ou en bande (agressions, racket)?

En préambule, il convient de rappeler que la majorité des jeunes n'ont pas de comportements violents. Il ne faut pas oublier non plus que si quelques jeunes souffrent de troubles qui les amènent à la violence, la majorité des jeunes qui utilisent la violence en ont eux-mêmes été victimes, souvent à l'intérieur de la famille.
La violence subie est donc un élément essentiel à prendre en compte au moment où le jeune bascule de son vécu de victime à ses passages à l'acte.

La réponse face à un jeune qui a recours à des comportements violents doit donc être double:


· une réponse normative qui le ramène à la Loi (autant au niveau légal que dans une compréhension plus psychodynamique de la loi du père) ; cette réponse doit être une conséquence directe et immédiate à son acte.



· une réponse éducative qui permette au jeune de réfléchir à ses comportements et au sens qu'il y donne, en favorisant le recours à des alternatives à la violence. Une approche plus compréhensive (notamment dans un groupe thérapeutique) est alors adéquate.

Cette articulation entre la sanction et le soin est complexe, notamment en raison du rapport que chacun entretient avec la violence et du danger auquel se confrontent potentiellement les intervenants. Cette double réponse comporte le risque de se voir prise dans les pièges de l'urgence, de l'émotionnel et de la simplification.

Il est essentiel que les intervenants soient assurés de leur propre sécurité pour qu'une réponse puisse porter ses fruits sans engendrer de nouvelles violences. Pour ce faire, il convient de tenir compte du contexte : selon que le jeune agit seul ou en bande, la réponse n'est pas la même:


· avec un jeune seul, le positionnement de l'intervenant dépend du lien entretenu avec le jeune qui se montre violent. Une confrontation sans la création initiale d'un lien risque de mettre en danger l'intervenant. S'il est important de se positionner clairement face à la violence en condamnant les actes du jeune - et non sa personne -, cette démarche est le fruit d'un processus qui nécessite plusieurs conditions : temps, ouverture minimale du jeune, contexte favorable, etc. Afin de permettre ce processus, il convient de prendre toutes les mesures utiles pour assurer sa propre sécurité et celle d'éventuels tiers. Si ces conditions ne sont pas remplies, l'intervention portera prioritairement sur l'aspect normatif de la réponse, quitte à utiliser le levier de la contrainte (et des pertes qu'elle peut occasionner) pour développer dans un deuxième temps le volet éducatif de la réponse.


· avec des jeunes en bande, les enjeux pour chacun se trouvent dans l'appartenance à un groupe de pairs, la reproduction de gestes connus à l'intérieur de la famille, la recherche d'une identité forte et du respect. L'identification et la loyauté au groupe rendent l'intervention plus complexe. Lors d'un racket ou d'une agression, l'intervention auprès d'une bande est perçue comme une attaque contre laquelle elle va tenter de se défendre. Il importe donc que les intervenants ne soient pas perçus comme des « étrangers » à la bande et/ou qu'ils en soient respectés. Si tel n'est pas le cas, la création du lien se fera après le rappel à la Loi et celui-ci est du ressort des forces de l'ordre.

Dans tous les cas, il importe donc que l'intervention comporte d'abord le rappel à la Loi qui interdit la violence. Pour ne pas devenir dangereuse et inefficace, l'intervention - professionnelle ou citoyenne - ne doit pas être conduite par une personne isolée. L'intervention doit pouvoir être soutenue par une institution (service spécialisé, police, autres témoins, etc.) qui lui assure les conditions de sécurité et de soutien nécessaires.

· Quel accompagnement pour l'enseignant qui accueille dans sa classe un enfant victime de mauvais traitements ?

En ce qui concerne le soutien et l'accompagnement d'un enseignant confronté à une situation de maltraitance, il n'existe pas de réponse unique. La réponse dépend bien souvent du lieu d'enseignement et du réseau existant.
Les ressources à disposition des enseignants sont de plusieurs types.

Quand il existe un service de santé, l'enseignant peut se référer à l'infirmière de l'école qui évaluera avec lui ses besoins et lui proposera diverses références et ressources à l'intérieur ou à l'extérieur de l'école. Dans certaines écoles, il existe des procédures d'accompagnement d'intervision en et/ou lien avec le service de psychologie scolaire et/ou le service de santé. Dans d'autres établissements, les demandes sont à adresser à un membre de la direction.

A signaler qu'il existe des groupes d'analyse de pratiques qui peuvent apporter leur soutien dans ce genre de situation. 
Un élément important à relever est la nécessité de ne pas rester seul avec son inconfort et ses soucis et de pouvoir partager ceux-ci. Parfois les collègues peuvent être de bonnes ressources dans un premier temps.

 

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera