L'organisation de la conférence islamique et les droits de l'homme( Télécharger le fichier original )par Sami KILIC Université Panthéon-Sorbonne - Master 2 droit des pays arabes 2009 |
§ 2 : Les manifestations d'une approche particularisteAlors même que le corpus islamique originel fait grand cas des droits de l'Homme (A), la Déclaration du Caire a préféré s'attacher à l'approche traditionaliste dans la formulation de certains droits garantis (B). A) Panorama rapide sur les droits de l'Homme dans le corpus islamique originel Il est clair que le message islamique, placé dans son contexte, a consacré la dignité humaine et apporté des améliorations par rapport aux conditions de l'époque38(*). Le Sermon d'Adieu du Prophète39(*), prononcé en 632 peu avant sa mort, est considéré comme un véritable manifeste en faveur des droits de l'Homme notamment s'agissant de la mention des droits de la femme, de la protection des biens, et de la proclamation de l'égalité entre les êtres humains. L'Homme est consacré créature suprême de Dieu40(*), l'esclavage n'est pas supprimé mais il est destiné à disparaître progressivement par le biais de son régime d'accès et de sortie, les non-musulmans bénéficient du droit à la vie, au respect de leurs biens, à la liberté de conscience41(*). L'homme et la femme ont une égale dignité mais il y a des « différences dues à la condition physique de la femme d'une façon générale et à son rôle qui n'est pas toujours le même, dans n'importe quelle société, d'une façon particulière »42(*). La mère est exaltée, la femme devient héritière, le nombre d'épouses qu'un homme peut prendre est limité à quatre, la femme peut, sous certaines conditions, demander le divorce, elle peut refuser d'allaiter l'enfant, le régime matrimonial est la séparation des biens, etc.43(*). « L'enseignement du Coran et l'exemple du Prophète s'adressaient à une population primitive, dont les coutumes ancestrales ne pouvaient être supprimées sans transition. Par la lettre et par l'esprit, la législation coranique apportait une amélioration considérable au statut de la femme de l'Arabie préislamique »44(*). Mais la théorie est une chose, sa pratique en est une autre. Il est clair que « dans les trois traditions, nous trouvons effectivement un enseignement sur la personne humaine créée à l'image de Dieu, précieuse, éminente, à défendre et à garantir par-dessus tout. Mais cet enseignement est resté, en général, à un niveau idéal et n'a pas reçu, dans les différentes sociétés - juives, chrétiennes ou musulmanes - une traduction effective dans un droit vécu »45(*). Comme nous l'avons vu plus haut, cet héritage a été enchâssé dans l'idéologie asharite, les canons divins se sont fossilisés, le bonheur terrestre est devenu un souci secondaire par rapport à la béatitude éternelle ; ainsi, les « diktats de l'esprit religieux intégral produisent leurs effets dans un certain nombre de secteurs névralgiques : le statut de la femme, le droit pénal, la tolérance religieuse, la rigueur morale »46(*). C'est ce que nous allons voir à travers la Déclaration du Caire.
B) La coloration traditionaliste dans la garantie de certains droits La Déclaration du Caire contient des droits qu'on retrouve dans d'autres déclarations et qui sont religieusement neutres. Ainsi, l'égalité entre les êtres humains et l'égale dignité (art. 1 et 4)47(*) ; la protection de la vie humaine : le droit à la vie (art. 2 a), l'interdiction de « recourir à des moyens qui pourraient conduire à un génocide » (art. 2 b), la garantie de l'intégrité physique (art. 2 d) ; le droit humanitaire : l'article 3 s'attarde sur la protection des civils, des blessés, des malades, des prisonniers de guerre en cas de conflits armés et prévoit qu'il « est interdit de couper des arbres, de détruire des moissons ou du bétail, ou les installations et les bâtiments civils de l'ennemi par des bombardements, à l'aide d'explosifs ou par tout autre moyen », l'article 12 consacre le droit d'asile ; la liberté individuelle (art. 11 a), la sûreté (art. 18 a), l'interdiction de la torture, des expériences médicales ou scientifiques forcées et des arrestations arbitraires (art. 20), les droits procéduraux tels que l'égalité devant la loi, le droit de recourir à la justice, le principe de légalité des délits et des peines et la présomption d'innocence (art. 19) ainsi que les droits économiques, sociaux et culturels que nous étudierons ultérieurement. Il y a surtout des droits qui revêtent un cachet islamique : L'article 2 a) précise qu'il est « interdit d'enlever la vie sans raison légale ». La « raison légale » permet donc d'ôter la vie ; c'est une référence à la possibilité d'appliquer la peine de mort48(*). L'article 2 c) dispose que « la continuité de l'existence humaine, jusqu'à ce que Dieu en décide autrement, est un devoir légal ». C'est une interdiction claire du suicide. L'article 7 a) dit que « la mère et le foetus recevront protection et un traitement spécial ». La question de l'avortement (intervention volontaire de grossesse) n'a pas reçu une réponse uniforme ; le Coran est muet, le Prophète aurait signalé que l'être humain ne reçoit l'âme dans le ventre de sa mère que 120 jours après la conception ; les théologiens ont émis des avis différents mais quoiqu'il en soit, l'avortement thérapeutique n'est possible que s'il y a un danger de mort ou de maladie permanente pour la mère donc ni lorsqu'il y a un risque de malformation du foetus ni lorsque la grossesse résulte d'un viol ou d'un adultère49(*). Le projet de 1979 prévoyait dans son article 7 que « l'avortement et l'infanticide sont absolument prohibés » ; l'article 2 b) du projet de 1981 est moins catégorique : « il est également interdit de pratiquer l'avortement sans nécessité médicale ». Etrangement, la résolution 16/22-C (1994) portant « Déclaration sur les droits et la protection de l'enfant dans le monde islamique » revient à une position rigoureuse. Dans la rubrique « les droits du foetus », le texte indique que l'islam reconnaît « un droit absolu à la vie en interdisant l'avortement ». Le Covenant de 2005 sur les droits de l'enfant en Islam interdit l'avortement sauf s'il y a intérêt de la mère, de l'enfant ou des deux. L'article 2 d) dispose qu'on peut porter atteinte à l'intégrité physique pour raison légale. Les châtiments corporels sont expressément prévus dans le corpus islamique ; cent coups de fouet en cas d'adultère (Coran 24, 2) ou lapidation (tradition prophétique)50(*), 80 coups de fouet en cas de fausse accusation d'adultère, amputation de la main en cas de vol (Coran 5, 38), amputation de la main droite et du pied gauche en cas de brigandage et d'insurrection armée (Coran 5, 33-34). L'article 5 a) consacre le droit au mariage des hommes et des femmes et précise qu' « aucune restriction quant à la race, la couleur, ou la nationalité ne les empêchera d'exercer ce droit ». La religion n'est pas mentionnée puisque la femme ne peut épouser un non-musulman51(*). Le projet de 1979 était plus explicite ; l'article 9 disposait : « on tiendra compte du fait que la foi en Dieu est une condition requise (chez la partenaire) pour le mariage du Musulman et que l'unité de religion (avec le partenaire) est la condition requise pour le mariage de la musulmane ». Le projet de 1981 supprime cette explication de texte. En outre, la question du consentement des époux est passée sous silence dans le texte de 1990 alors qu'elle figurait expressément dans les projets de 1979 (art. 9) et de 1981 (art. 3). L'âge du mariage n'apparaît pas non plus dans la Déclaration du Caire. Enfin, l'article 6 b) rappelle que « le mari a la charge de l'entretien de la famille et la responsabilité de sa protection »52(*). La vie privée est également protégée53(*) mais encore une fois conformément aux valeurs islamiques. Ainsi, l'article 18 prévoit que « b) tout individu a droit à l'indépendance dans les affaires de sa vie privée : son domicile, sa famille, ses biens et ses relations. Il n'est pas permis de l'espionner, de le contrôler ou de porter atteinte à sa réputation. Il doit être protégé contre toute intervention arbitraire. c) Le domicile privé est inviolable dans tous les cas. (...) ». Aujourd'hui, la liberté sexuelle c'est-à-dire le loisir d'avoir des relations sexuelles entre adultes consentants est considérée comme un élément de la vie privée54(*). Or, dans la résolution 16/22-C (1994) portant « Déclaration sur les droits et la protection de l'enfant dans le monde islamique », cette extension est condamnée : « L'islam a magnifié les valeurs de la chasteté et de la pudeur chez l'homme comme chez la femme et limité les relations sexuelles entre l'homme et la femme dans le cadre unique à savoir celui du mariage légal. Il a interdit de façon catégorique le « zina » (le péché de la chair), le concubinage et la déviation sexuelle aussi bien à l'homme qu'à la femme » (I- La famille). Le statut général de la femme fait également partie de la spécificité islamique. L'article 6 a) énonce que « la femme est l'égale de l'homme dans la dignité humaine ; ses droits sont équivalents à ses devoirs. Elle a la personnalité civile, sa responsabilité financière indépendante, et le droit de conserver son nom patronymique et ses liens de famille ». On note que les femmes et les hommes ne sont égaux qu'en dignité et non en droits. En effet, l'islam assigne à chaque sexe une fonction particulière : le père subvient aux besoins de la famille, choisit l'éducation des enfants et la mère s'occupe du foyer et de l'entretien quotidien de la famille. Il ne s'agit là ni d'un mépris ni d'une infériorité intrinsèque mais le résultat d'un partage des rôles55(*). L'homme et la femme sont d'une égale dignité, il est donc plus idoine de parler d'équivalence que d'égalité. « L'Islam effectue ainsi une distribution fonctionnelle des responsabilités entre les sexes et les générations »56(*). Cette configuration justifie l'inégalité successorale57(*) qui apparaît alors comme une mesure d'équité en faveur de l'homme qui porte seul le poids des charges financières. S'agissant de la répudiation, le mari peut unilatéralement et discrétionnairement mettre fin au lien conjugal mais cette faculté est justifiée par le versement d'une dot à la femme dès la formation du mariage. S'agissant du témoignage, il faut noter que le Coran ne mentionne l'équivalence d'un homme à deux femmes pour les seules transactions commerciales (2, 282), domaine où les femmes ne sont pas forcément compétentes à cette époque. Cette équivalence n'apparaît pas dans les versets qui concernent le témoignage en matière d'adultère et de divorce. D'ailleurs, à y lire le verset 282 de plus près, on comprend que la seconde femme est exigée « de sorte que si l'une oublie un détail, l'autre sera là pour le lui rappeler » ; in fine, il n'y a donc qu'une seule femme qui témoigne, l'autre n'intervenant que subsidiairement. Enfin, s'agissant du travail des femmes et de leur investissement dans la vie politique, l'article 13 indique que le travailleur « a droit, sans aucune distinction entre les hommes et les femmes, à un salaire équitable pour son travail (...) » et l'article 23 b) que « tout individu a le droit de participer, directement ou indirectement, à l'administration des affaires publiques de son pays. Il a aussi le droit d'occuper des fonctions publiques conformément aux dispositions de la Loi islamique ». La pusillanimité est plutôt évidente dans le dernier cas puisque c'est la Loi islamique qui reste l'étalon. En outre, dans le préambule de la Charte de l'OCI révisée en 2008, les Etats membres se disent déterminés « à préserver et à promouvoir les droits des femmes et à favoriser leur participation effective dans tous les domaines de la vie, conformément aux lois et législations des Etats membres ». Autant dire, une disposition vide de sens puisque la législation nationale prime. D'ailleurs, dans la déclaration de Dakar adoptée lors du sixième Sommet en décembre 1991, l'OCI réaffirme « l'importance du rôle de la femme dans le processus de développement de la société musulmane appelant instamment à une plus grande participation de la femme aux activités de développement économique et social » (point IX du 3è paragraphe) mais pas politique... La résolution 16/21-C (1993) intitulée « sur le rôle de la femme dans la société musulmane » réaffirme, elle, « sa profonde considération pour le rôle de la femme dans l'édification et le développement de la société musulmane dans tous les domaines » (point 1)58(*). L'article 12 consacre la liberté d'aller et de venir mais l'inscrit dans le cadre de la Loi islamique ; lors de la discussion de l'article 13 de la DUDH concernant le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat, l'Arabie saoudite s'y était opposée au motif que les non-musulmans ne peuvent pénétrer à La Mecque ni au Hedjaz. Or, la Déclaration du Caire ne concernant que les musulmans, la référence à la Loi islamique semble concerner les restrictions qui entourent le déplacement de la femme. La liberté religieuse est une autre pierre d'achoppement ; l'article 10 prévoit que « l'islam est la religion naturelle de l'homme. Il n'est pas permis de soumettre ce dernier à une quelconque forme de pression ou de profiter de sa pauvreté ou de son ignorance pour le convertir à une autre religion ou à l'athéisme ». Cet article peut se combiner à l'article 18 a) qui dispose que « tout individu a droit à la sécurité de (...) sa religion (...) ». On ne retrouve pas la formulation classique « toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion »59(*). On comprend, de prime abord, que seule la pression pour convertir le musulman est interdite ; en apparence, le texte n'interdit pas les tentatives qui se font sans provocation, mais cette ouverture est contrariée dès le départ puisque l'article commence par affirmer que l'islam est la religion naturelle de l'homme. En réalité, ce n'est pas la conversion par la pression qui est interdite, c'est la conversion tout court. Le droit musulman classique nous enseigne que c'est la faculté de changer de religion qui est, en réalité, visée. L'Arabie Saoudite mena une fronde lors des discussions sur les articles pertinents de la DUDH et du PIDCP60(*). L'article 29 du projet de 1979 indiquait clairement que « le musulman a l'obligation personnelle de demeurer fidèle à l'Islam dès lors qu'il y a adhéré en toute liberté », position reprise en 1981 : article 12 : « le musulman qui a été guidé à l'Islam ne doit pas se convertir à une autre religion ». L'enseignement classique nous apprend que l'apostat doit être mis à mort non pas en vertu du Coran mais d'un dit du Prophète qui aurait incité ses fidèles à tuer celui qui change de religion61(*). Ce n'est donc pas le souci de protéger les « droits et libertés d'autrui » qui guide l'esprit de l'article, c'est plutôt celui de préserver l'ordre public compris dans le sens de l'article 22 c) : « (...) il est de même interdit de faire ce qui viole les valeurs éthiques, provoque la désintégration et la corruption de la société, lui porte préjudice, ou sape la croyance ». En outre, le texte de l'OCI ne prévoit rien sur les manifestations extérieures de la croyance religieuse alors que c'est l'enjeu même de la liberté religieuse qui doit pouvoir se déployer dans les prières, les pèlerinages, les cérémonies ou l'enseignement. En revanche, les sentiments religieux sont bien protégés puisque l'article 22 c) interdit de « s'attaquer aux choses sacrées et à la dignité des Prophètes ». On sait que dans son arrêt très discuté Otto-Preminger-Institut du 20 septembre 1994, la Cour européenne avait estimé qu'on pouvait « juger nécessaire (...) de sanctionner, voire de prévenir, des attaques injurieuses contre des objets de vénération religieuse » (§ 49). Dans les deux cas, c'est le mot « attaque » qui est employé c'est-à-dire qu'au-delà de la simple critique, il faut une offense. Mais cette conception restrictive peut ne pas être celle de l'OCI. Enfin, il faut relever que la liberté d'expression est également soumise à des limitations. L'article 22 reconnaît le droit d'exprimer librement son opinion mais « d'une manière non contraire aux principes de la Loi islamique », l'importance de l'information pour la société mais indique les restrictions susmentionnées sur les valeurs religieuses et interdit l'incitation à la haine raciale ou religieuse62(*). D'ailleurs, article 1 de la Charte révisée de l'OCI lui assigne comme objectif de « lutter contre la diffamation de l'Islam » (point 12)63(*). En réalité, les articles font souvent référence à la Loi islamique mais une restriction générale est également prévue dans les deux derniers articles de la Déclaration. L'article 24 dispose que « tous les droits et libertés énoncés dans ce document sont subordonnés aux dispositions de la Loi islamique » et l'article 25, « La Loi islamique est la seule source de référence pour interpréter ou clarifier tout article de cette Déclaration ». C'est donc la charia qui innerve chaque pan de ce texte quand bien même l'article n'y comporte aucune référence directe. Il faut, enfin, noter qu'il n'y a qu'un droit intangible formulé dans l'article 20 sur l'interdiction de la torture, des traitements inhumains, humiliants et brutaux et des expériences scientifiques non consenties ; l'article dispose, in fine, qu'il « n'est pas permis de promulguer des lois exceptionnelles qui permettent aux autorités exécutives de recourir à de tels traitements »64(*). On peut surtout estimer que l'intangibilité d'autres dispositions ne pourrait être déduite que des provisions de la charia qui, elle seule, régit toute la Déclaration65(*). L'étude de l'aspect religieux ne doit pas faire perdre de vue le fait que les Etats membres de l'OCI ont également des caractéristiques communes sur le plan de leur positionnement politique ; leur vision des droits de l'Homme est donc également empreinte d'idéologie politique. * 38 Ihsan Hamid AL-MAFREGY, « L'Islam et les droits de l'Homme », Marc AGI (dir.), op. cit., pp. 115-153. Voir également Ali MERAD, « Le concept de `droits de l'Homme' en Islam », pp. 223-241 : p. 226 : « Si le discours islamique actuel fait de larges références au concept de droit de l'Homme, ce n'est pas par pure concession à l'esprit de l'époque, mais en vertu d'une exigence propre à la tradition religieuse et culturelle de l'Islam. (...). On peut aisément montrer qu'au niveau sémantique aussi bien qu'au niveau doctrinal, la notion de « droits inhérents à la personne humaine » est inscrite dans la conscience islamique depuis les origines ». * 39 Voir le texte dans Marc AGI (dir.), op. cit., pp. 325-328. * 40 Coran 5, 35 : « (...) Celui qui aura tué un homme sans que celui-ci ait commis un meurtre, ou exercé des brigandages dans le pays, sera regardé comme le meurtrier du genre humain ; et celui qui aura rendu la vie à un homme sera regardé comme s'il avait rendu la vie à tout le genre humain ». * 41 Le Coran est on ne peut plus clair : 109, 6 : « A vous votre religion et à moi, ma religion » ; 2, 256 : « Pas de contrainte en religion » ; 10, 99 : « Est-ce à toi de contraindre les gens à être croyants ? » ; 5, 48 : « (...) si Dieu avait voulu, certes Il aurait fait de vous une seule communauté (...) ». * 42 Mohamed Amin AL-MIDANI, Les apports islamiques au développement du droit international des droits de l'Homme, op. cit., p. 103. * 43 Ibid., pp. 72-157. * 44 Marcel A. BOISARD, « Les droits de l'Homme en Islam », op. cit., p. 75. * 45 Mohammed ARKOUN, « Pratique et garanties des droits de l'Homme dans le monde islamique », op. cit., p. 49. * 46 Yadh BEN ACHOUR, « Les droits fondamentaux entre l'universalité et les spécificités culturelles et religieuses », op. cit., p. 91. * 47 La Déclaration de Lahore adoptée lors du deuxième sommet en 1974 indiquait que « la solidarité des peuples islamiques ne repose pas sur une hostilité à l'égard d'aucune autre communauté humaine ni sur des distinctions de race et de culture, mais sur des préceptes positifs et éternels d'égalité, de fraternité et de dignité de l'homme, d'affranchissement du joug de la discrimination et de l'exploitation, de la lutte contre l'oppression et l'injustice » (II-1). Voir, pour une analyse du concept de dignité en général, Béatrice MAURER, « Essai de définition théologique et philosophique de la dignité humaine », Les droits fondamentaux, Jacques-Yvan MORIN (dir.), op. cit., pp. 223-252. * 48 La Charte arabe de 2004 est beaucoup plus précise : « Article 6 : La peine de mort ne peut être prononcée que pour les crimes les plus graves conformément aux lois en vigueur au moment où le crime est commis et en vertu d'un jugement définitif rendu par un tribunal compétent. Toute personne condamnée à la peine de mort a le droit de solliciter la grâce ou l'allégement de sa peine. Article 7 : a) La peine de mort ne peut être prononcée contre des personnes âgées de moins de 18 ans sauf disposition contraire de la législation en vigueur au moment de l'infraction [dans la version de 1994, la peine de mort est interdite pour les personnes âgées de moins de 18 ans sans dérogation possible]; b) La peine de mort ne peut être exécutée sur la personne d'une femme enceinte tant qu'elle n'a pas accouché ou d'une mère qui allaite que deux années après l'accouchement, dans tous les cas l'intérêt du nourrisson prime ». * 49 Voir Sami Awad ALDEEB ABU-SALIEH, Les musulmans face aux droits de l'Homme. Religion et droit et politique. Etude et documents, Bochum, Winkler, 1994, pp. 44-48. * 50 Ibid., p. 62. * 51 Le Coran prévoit une interdiction identique pour l'homme et la femme de ne pas épouser des polythéistes (2, 221) mais en se fondant sur un dit du Prophète selon lequel « l'Islam domine et ne saurait être dominé », les théologiens ont estimé que la femme ne pouvait se marier avec des gens du Livre non plus. * 52 L'article 16 de la DUDH dispose quant à lui : « 1) A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille. Ils ont des droits égaux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution. 2) Le mariage ne peut être conclu qu'avec le libre et plein consentement des futurs époux ». Lors du vote de cet article, le Pakistan, l'Iraq et la Syrie ont voté contre, l'Afghanistan, l'Arabie Saoudite, l'Iran et le Liban se sont abstenus. La Charte arabe reste, ici, traditionaliste : article 33 a) « (...) le droit de se marier et de fonder une famille selon les règles et les conditions régissant le mariage, est reconnu à l'homme et à la femme dès qu'ils sont en âge de contracter un mariage. Il ne peut y avoir de mariage sans le plein et libre consentement des deux parties. La législation en vigueur réglemente les droits et les devoirs de l'homme et de la femme au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution ». * 53 La protection de la vie privée fait l'objet d'une sollicitude toute particulière ; voir Mashood A. BADERIN., International human rights and Islamic law, Oxford University Press, 2003, pp. 116-117. * 54 Voir l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, Dudgeon c. Royaume-Uni (22/10/1981) et l'arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis, Lawrence et Al. v. Texas (26/06/2003). * 55 Le Coran indique que « les hommes ont autorité sur les femmes, en vertu de la préférence que Dieu leur a accordé sur elles, et à cause des dépenses qu'ils font pour assurer leur entretien » (4, 34). Le projet de 1981 était quelque peu brutal : article 4 : « (...) l'homme doit avoir le dernier mot et être le chef de la famille ». La Déclaration islamique universelle des droits de l'homme, proclamée à Paris le 19 septembre 1981 par le Conseil islamique pour l'Europe, prévoit dans son article 19 h) qu' « au sein de la famille, les hommes et les femmes doivent se partager leurs obligations et leurs responsabilités selon leur sexe, leurs dons, talents et inclinations naturels (...) ». L'article 3 c) de la Charte arabe de 2004 dispose quant à lui : « L'homme et la femme sont égaux sur le plan de la dignité humaine, des droits et des devoirs dans le cadre de la discrimination positive instituée au profit de la femme par la charia islamique et les autres lois divines et par les législations et les instruments internationaux. En conséquence, chaque Etat partie à la présente Charte s'engage à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la parité des chances et l'égalité effective entre l'homme et la femme dans l'exercice de tous les droits énoncés dans la présente Charte ». * 56 Robert SANTUCCI, « Le regard de l'Islam », Islam et les droits de l'Homme, Marc AGI (dir.), op. cit., pp. 155-172 : p. 163. * 57 Coran 4, 11-13. * 58 Les résolutions-proclamations sont nombreuses et quasiment après chaque conférence, une mention aseptisée rappelle que « nous sommes pleinement conscients de la vocation véritable de l'Islam qui est de promouvoir la dignité des femmes et d'en renforcer le rôle social. Aussi, nos politiques et nos actions devront-elles tendre à en réaffirmer les droits, le statut social et la dignité comme nous l'enjoint notre religion » ( Déclaration de Putrajaya sur le savoir et la moralité pour l'unité, la dignité et le progrès de la Oummah, adoptée lors du dixième sommet en 2003). La résolution 2/37-ORG (2010) crée une organisation spécialisée pour la promotion de la femme au sein de l'OCI. * 59 Formulation qu'on retrouve à l'article 18 de la DUDH, à l'article 18-1 du PIDCP, à l'article 9 de la CEDH et à l'article 30 a) de la Charte arabe de 2004. * 60 Mohamed Amin AL-MIDANI, Les apports islamiques au développement du droit international des droits de l'Homme, op. cit., p. 189 et p. 226. * 61 Les versets coraniques se contentent de promettre à l'apostat un châtiment douloureux ici-bas et dans l'au-delà (2, 217 ; 3, 87 ; 3, 177 ; 9, 74). * 62 A cet égard, l'article 32 de la Charte arabe de 2004 est plus complet, il garantit « le droit à l'information et la liberté d'opinion et d'expression et le droit de rechercher, de recevoir et de répandre des informations par tout moyen, sans considération de frontières géographiques » mais dans la rubrique des restrictions, en plus des restrictions classiques comme les droits et la réputation d'autrui, la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre, de la santé ou de la moralité publics, il est précisé que cette liberté doit s'exercer « dans le cadre des principes fondamentaux de la société ». * 63 L'OCI avait condamné la publication des Versets sataniques dès 1989, et a derechef condamné la publication des caricatures sur le Prophète et le film de Geert Wilders dans la déclaration finale du sommet de Dakar en 2008. * 64 Voir pour une comparaison entre les différents textes relatifs aux droits de l'homme, Catherine MAIA, « De la signification des clauses de non-dérogation en matière d'identification des droits de l'Homme impératifs », Les droits de l'Homme. Une nouvelle cohérence pour le droit international ?, Rafâa BEN ACHOUR et Slim LAGHMANI (dir.), Actes du colloque des 17, 18 et 19 avril 2008, VIIIè rencontre internationale de la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, Paris, PEDONE, 2008, pp. 39-61. Voir également Chérif BASSIOUNI, « Les états d'urgence et d'exception : les violations des droits de l'Homme et l'impunité sous couvert de droit », Droits intangibles et états d'exception, Daniel PREMONT, Christian STENERSEN et Isabelle OSEREDCZUK, Bruxelles, Bruylant, 1996, pp. 107-123 et Matar DIOP, « La Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples et l'intangibilité des droits fondamentaux », ibid., pp. 413-420. * 65 Voir Osman EL-HAJJE : « La Déclaration du Caire des droits de l'Homme en Islam et les droits non susceptibles de dérogation », Droits intangibles et états d'exception, Daniel PREMONT, Christian STENERSEN et Isabelle OSEREDCZUK, op. cit., pp. 429-437. L'auteur range dans la catégorie des droits intangibles en se fondant sur la charia, l'égalité devant la loi (« l'égalité est le principe juridique non susceptible de dérogation le plus important en islam », p. 433), le droit de recours devant la justice, le principe de la légalité des délits et des peines et la participation des citoyens aux affaires publiques en se fondant sur l'obligation coranique de se consulter pour les affaires de la communauté (3, 159 ; 42, 36-38). En revanche, il ne considère pas que l'interdiction de la torture ou des traitements inhumains fait partie de cette catégorie puisque la charia prévoit des châtiments corporels pas plus que le droit à la vie, la charia prévoyant des cas où il est possible d'ôter la vie d'une personne. |
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