ANNEXE E
Projet de Déclaration sur les droits de l'Homme
(1981)
Louange à Dieu ! Prière et paix sur son
Prophète !
Les Etats membres de l'Organisation de la Conférence
Islamique,
Croyant en Dieu, Seigneur de l'univers, créateur de
toute chose, donateur de tous les bienfaits ; Dieu qui a
créé l'homme à son image, lui ayant donné comme
devoir de le peupler, de le mettre en valeur et d'être garant et
fidèle aux obligations divines, lui permettant de disposer de tout ce
qu'il a créé dans les cieux comme sur la terre ;
Reconnaissant le message de Mahomet (sur lui la prière
et la paix de Dieu) envoyé par le Tout-Puissant pour
révéler aux hommes le message éternel de la
vérité et de la sagesse divines, sauver le monde, affranchir les
gens assujettis, détruire les idoles et les tyrans, annoncer
l'égalité entre tous les êtres humains (le plus digne
d'estime parmi eux est le plus pieux), ainsi que pour annuler les distinctions
de race, de couleur ou de classe et tout ce qui sème la discorde ou
alimente la haine entre les gens que Dieu a créés d'un seul
être ;
Dans l'esprit de l'unicité, idée majeure de
l'Islam qui a appelé l'humanité entière à n'adorer
que Dieu, à ne point lui associer et à se créer des
dieux ; ainsi, cette religion a-t-elle établi la base réelle
de la liberté et de la dignité des êtres humains et
a-t-elle annoncé l'affranchissement de l'homme de l'asservissement de
l'homme ;
En vue de réaliser les enseignements spécifiques
de la shari'ah islamique éternelle qui appelle à
sauvegarder la foi, la vie, la raison, l'honneur, les biens, la descendance,
qui a le mérite d'être universelle, médiane et
modérée dans toutes ses positions et ses dispositions, en
unissant le spirituel et le matériel, en faisant fraterniser le
rationnel et le sentimental, en joignant l'idéalisme au réalisme,
en équilibrant les droits et les devoirs, en harmonisant la
liberté de l'individu avec l'intérêt de la
communauté et en établissant un traitement équitable entre
les parties opposées sans tyrannie ni préjudice ;
Réaffirmant le rôle culturel et historique de la
Nation islamique, que Dieu a fait une nation médiane, la rendant ainsi
qualifiée à témoigner devant les hommes et à les
diriger dans le sentier droit ; laquelle Nation a légué
à l'humanité une civilisation mondiale équilibrée,
liant la terre au ciel et l'ici-bas à l'au-delà, joignant la
science à la foi, laquelle Nation est qualifiée aujourd'hui pour
guider l'humanité perplexe entre les courants et les idéologies
compétitifs et pour proposer les solutions islamiques aptes à
résoudre les problèmes anachroniques de la civilisation
matérielle ;
En vue d'accomplir les efforts déployés par
l'humanité pour faire valoir les droits de l'homme dans les temps
modernes, notamment la proclamation et les conventions adoptées par
l'Assemblée générale des Nations Unies, aux fins de
protéger l'homme contre les forces brutales et d'affirmer sa
liberté et ses droits dans la vie ;
Conscients que l'humanité, qui atteint un grand
degré de progrès dans le domaine de la science matérielle,
a besoin d'un appui religieux à sa civilisation et d'un auto-frein qui
protège ses droits ;
Croyant que les droits et les libertés dans l'Islam
font partie de la religion des musulmans et que personne n'est en droit de les
entraver totalement ou partiellement, de les violer ou de les ignorer, parce
qu'ils sont des dispositions divines à suivre ; lesquels droits et
libertés nous sont parvenus par le dernier livre
révélé ainsi que par l'envoyé de Dieu pour
accomplir les précédents messages
révélés ; que leur protection est un acte
d'adoration, que toute agression contre eux est déniées par la
religion, et que tout homme en est responsable, la Nation en étant
responsable par association ;
Proclament ce qui suit :
Art. 1 - L'humanité dans tous les pays constitue une
seule famille unie par son adoration au Tout-Puissant et sa reconnaissance
d'Adam comme père de tous les êtres humains ; tous les gens
sont donc égaux dans la dignité humaine, dans l'accomplissement
des devoirs et des responsabilités, sans condition de race, de couleur,
de langue, de région, de sexe, de croyance, d'appartenance politique, de
situation sociale ou d'autres considérations ; l'individu le plus
méritoire auprès de Dieu est le plus pieux.
Art. 2 - a) Tout individu a droit à la vie ; les
individus, les communautés et les Etats se doivent de protéger ce
droit contre toute agression.
b) La continuité de l'existence humaine, jusqu'à
ce que Dieu en décide autrement, est un devoir sacré ; nul
n'a le droit d'empêcher les mariages, la fécondité ou les
naissances de façon continue ; il est également interdit de
pratiquer l'avortement sans nécessité médicale.
Art. 3 - La famille est l'élément de base dans
la construction de la société ; le mariage est le fondement
de sa constitution.
a) A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme, sans
aucune restriction quant à la race, la couleur ou la nationalité,
ont le droit de se marier.
b) La société et l'Etat doivent lever tout
obstacle devant le mariage et faciliter celui-ci par tous les moyens.
c) Le mariage ne peut être contracté qu'avec le
consentement des futurs époux ; le divorce se fait selon les
dispositions qui le régissent.
Art. 4 - La femme est la soeur de l'homme, égale
à lui sur le plan humain ; ses droits sont équivalents
à ses devoirs ; l'homme doit avoir le dernier mot et être le
chef de la famille, tandis que la femme conserve sa personnalité civile,
ainsi que ses biens financiers, son nom patronyme et ses liens de famille.
Art. 5 - Dès sa naissance, chaque enfant a des droits
à faire valoir sur ses parents, la société et l'Etat, en
ce qui concerne sa garde, son éducation et sa prise en charge sur le
double plan moral et financier. La maternité doit être
protégée en lui accordant un soin spécial. Le père
a droit à choisir l'éducation de son enfant, à condition
de sauvegarder l'intérêt de l'enfant ainsi que son avenir,
à la lumière des valeurs morales et des dispositions de la
shari'ah.
Art. 6 - L'appartenance de l'individu à son père
et à ses parents est un droit incontestable et incessible.
Art. 7 - Tout individu a le droit d'avoir une
nationalité. Nul ne peut être privé de sa
nationalité.
Art. 8 - Tout individu a droit à voir reconnaître
sa personnalité légitime, sur le plan de son habilité
à assumer des responsabilités et d'en charger autrui.
Art. 9 - a) Tout individu a droit à la liberté
d'opinion et à la liberté d'expression dans les limites des
principes et valeurs en vigueur et par tout moyen légitime
b) Tout individu a droit à appeler pour le bien,
à ordonner le juste et empêcher le mal ; il peut participer
avec d'autres individus ou groupes à l'exercice de ce droit ;
l'Etat et la société doivent l'y aider et lui assurer la
protection nécessaire.
Art. 10 - L'éducation est un droit et un devoir dont
l'Etat ou la société doivent assurer les moyens et les voies,
garantir la diversité, de façon à assurer
l'intérêt de la religion, permettant à l'individu de
connaître la religion de Dieu, les réalisations de l'univers pour
l'intérêt et le bien de l'humanité. L'enseignement doit
être gratuit, dans les premiers cycles au moins.
Art. 11 - Les divers organes d'éducation et
d'orientation, à savoir la famille, l'école, l'université,
les moyens d'information et autres, doivent viser une éducation
intégrale et équilibrée pour préparer l'individu
à la vie d'ici-bas et à celle de l'au-delà. Cette
éducation doit assurer le plein épanouissement de la
personnalité de l'individu, le renforcement de sa foi en Dieu, le
respect et la défense de ses droits et de ses devoirs.
Art. 12 - Tout individu a le droit à la liberté
des rites en suivant sa spontanéité divine ; il n'est pas
permis d'exercer n'importe quelle sorte de contrainte ou de pression contre lui
pour se convertir à une autre religion ou pour devenir
athée ; il n'est également pas permis de profiter de sa
pauvreté, de sa faiblesse ou de son ignorance pour le convertir à
une autre religion ; le musulman qui a été guidé
à l'Islam ne doit pas se convertir à une autre religion.
Art. 13 - L'individu est né libre ; pas de
servitude sauf à Dieu le Tout-Puissant ; nul n'a le droit de
l'humilier, de l'opprimer ou de l'exploiter.
Art. 14 - Tout individu a le droit de circuler librement et de
choisir sa résidence à l'intérieur comme à
l'extérieur de son pays, en respectant les modalités qui
régissent ce domaine dans un pays. Devant la persécution, tout
individu a le droit de chercher asile dans tout autre pays. Le pays qui lui
accorde asile doit le garder jusqu'à ce qu'il puisse retrouver un lieu
sûr.
Art. 15 - Le travail est un droit que l'Etat ou la
société doit assurer aux individus aptes. Tout individu a droit
au libre choix de son travail, dans le cadre de son intérêt et de
celui de la société. Le travailleur a droit à toutes les
garanties relatives à l'immunité contre les dangers. Il n'est pas
permis de le surcharger, de l'exploiter ou de lui faire du mal. Il doit jouir
des congés, des indemnités et des promotions. Il doit percevoir
sans retard un salaire suffisant et équitable en contrepartie de son
travail. Il doit être loyal et, en cas de différend entre les
travailleurs et les patrons, l'Etat doit intervenir pour rendre la justice et
faire régner le droit sans parti pris.
Art. 16 - Tout individu a droit au commerce
légitime ; il ne doit pas monopoliser, tromper ou porter
préjudice au consommateur.
Art. 17- Tout individu, aussi bien seul qu'en
collectivité, a droit à la propriété, dans le
respect des intérêts d'autrui et de la
société ; l'expropriation est interdite, sauf dans
l'intérêt public et moyennant une indemnisation
équitable.
Art. 18 - Tout individu a le droit de bénéficier
des avantages de la production scientifique, littéraire, technique ou
technologique. Tout individu ayant contribué à cette production a
droit à la protection de ses intérêts moraux et
matériels découlant de cette production. Celle-ci ne doit pas
être contraire aux préceptes de la shari'ah, aux valeurs
ou à la morale.
Art. 19 - a) La société ou l'Etat doivent
assurer à tout individu le droit aux soins médicaux et sociaux.
Ils doivent le faire bénéficier de toutes les aides publiques,
dans les limites des ressources disponibles. Ils doivent l'aider à se
libérer de la peur et à vivre en sûreté, aussi bien
pour sa personne que pour sa famille, son honneur et ses biens.
b) Tout individu a droit à une vie digne, qui lui asses
besoins ainsi que ceux dont il a la charge. Ces besoins englobent la
nourriture, les vêtements, le logement, l'éducation, les soins
médicaux, ainsi que tous les besoins essentiels qui correspondent
à sa situation. L'Etat doit assurer à l'individu se trouvant en
état d'incapacité ce dont il a besoin, de ses propres ressources
et en raison du droit exigible par les pauvres sur les biens des riches.
Art. 20 - Tout individu a droit à l'indépendance
dans les affaires de sa vie privée : son domicile, sa famille, ses
biens et ses relations. Il n'est pas permis de l'espionner ou de porter
atteinte à sa réputation. Elle doit être
protégée contre toute intervention arbitraire.
Art. 21 - Tout individu a le droit de participer au choix de
ses gouvernants, de les contrôler, de les juger et de les instruire
conformément aux ordres du Tout-Puissant. Tout individu a le droit de
participer à la gestion des affaires publiques de son pays, soit
directement soit indirectement. Il a le droit d'occuper les postes publics
selon les conditions en vigueur.
Art. 22 - a) Les individus sont égaux devant la
loi ; le chef de l'Etat et l'individu sont ainsi égaux devant la
loi ;
b) Le droit de recourir à la justice est assuré
à tous les individus ;
c) La responsabilité est, dans son fondement,
individuelle. Pas de crime et pas de peine sans dispositions légales ou
sans une règle établies à ce sujet.
Art. 23 - Nul ne peut arrêter un individu, restreindre
sa liberté, l'exiler ou lui infliger une peine, sans impératif
légitime. Nul ne peut l'exposer à la torture physique ou morale
ou à tout autre traitement humiliant, brutal ou contraire à la
dignité humaine. Il n'est pas permis de promulguer des lois
exceptionnelles qui permettent aux autorités exécutives de
recourir à de tels traitements.
Art. 24 - Tout individu est présumé innocent
jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable,
à la suite d'un jugement équitable, lui assurant toutes les
garanties nécessaires à sa défense. Le doute est
interprété dans l'intérêt de l'accusé.
Art. 25 - Dans le cas de guerre, il n'est pas permis de tuer
les femmes, les enfants et les vieillards parmi ceux qui ne participent pas
à la guerre. Il n'est également pas permis de couper les arbres
ou de détruire les bâtiments civils de l'ennemi. Le blessé
a droit à la nourriture et à l'asile. Le corps du mort doit
être sauvegardé.
Art. 26 - Tout individu doit être sauvegardé
après sa mort : l'Etat ou la société se doivent de le
protéger, d'enterrer son corps, d'exécuter ses recommandations,
conformément aux dispositions de la religion, et de sauvegarder sa
renommée.
Art. 27 - Aucun des droits et libertés prévus
dans ce document ne doit nuire ni porter préjudice lors de son exercice.
Ils sont soumis aux dispositions de la shari'ah islamique ainsi qu'aux
objectifs de celle-ci.
Art. 28 - La shari'ah islamique, dans ses sources
essentielles et accréditées, est la seule référence
pour expliquer ou éclaircir tout article de ce document en cas de
différend dans l'interprétation ; la seule
référence est celle des experts en la matière.
Source : ALAOUI Rachid Ben El Hassan, L'Organisation
de la conférence islamique. Etude d'une organisation internationale
spécifique, thèse Bordeaux IV, 2001, pp. 462-464 et pp.
465-467.
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