La sécurisation des sytêmes de paiements dans l'espace UEMOA( Télécharger le fichier original )par Mouhamado Saliou SECK Université Gaston Berger de Saint-Louis - Maà®trise de Droit De L'Entreprise 2009 |
Paragraphes II : Les mécanismes de sécurisation propres à chaque système de paiementNous verrons respectivement les mécanismes de sécurisation dans STAR-UEMOA (A) et dans SICA-UEMOA (B) A - Les mécanismes sécurisation dans STAR-UEMOA Le STAR-UEMOA est un système reposant sur une base brute et spécialement conçu pour le règlement des paiements interbancaires de gros montants. L'importance en terme de valeur de tels paiements fait qu'ils nécessitent un traitement rapide pour éviter les risques de crédit ou de liquidité. C'est pour ces raisons qu'ont été prévues la vérification préalable de la provision et l'imputation directe dans le CR du participant (1) et la gestion des ordres de paiement par file d'attente (2) 1) La vérification préalable de la provision et l'imputation directe dans le Compte de Règlement du participant Ces mécanismes sont prévus par le préambule de la convention portant STAR-UEMOA. A la réception d'une instruction de paiement émise par un participant, le système vérifie l'existence de la provision au compte de règlement du participant et crédite le compte du bénéficiaire par le débit du compte de règlement de l'émetteur. Cela veut dire que si le participant ne dispose pas d'une provision suffisante correspondant au montant des fonds à transférer, l'instruction de paiement va être rejetée par le système. De la vérification préalable de la provision découle un autre principe : celui du caractère inconditionnel de l'ordre de transfert. En effet la situation inverse aurait engendrée l'admission implicite de l'accord d'un crédit par la Banque Centrale au participant émetteur de l'ordre. Comme l'acceptation d'un ordre sans provision équivalente par le système va lier l'agent de règlement, en l'occurrence la Banque Centrale envers le destinataire de l'ordre, l'opération pourrait être analysée comme une avance sur fonds si l'agent de règlement exécute son obligation. Une telle situation favoriserait l'émission par les participant d'instructions de paiement qu'ils ne peuvent honorer et ainsi d'exposer le système au risque de liquidité. Ce genre de comportements, constitutifs de ce que les spécialistes des systèmes de paiement appellent « l'aléa moral »78(*), peut engendrer un risque systémique. Il est donc heureux que le système subordonne l'acceptation de l'instruction de paiement à la présence d'une provision suffisante dans le compte de règlement du participant émetteur. Le principe de l`imputation immédiate est un corollaire du principe précédent et une application du mandat donné par le participant à la BCEAO « d'imputer sur son CR toutes les opérations admises dans le STAR UEMOA qu'il présente et qui sont conformes aux normes techniques (notamment d'authentification) applicables dans ledit système »79(*). Apres l'acceptation par le système de l'instruction de paiement, l'agent de règlement opère une inscription au débit du compte de règlement du participant donneur et au crédit de celui du bénéficiaire équivalente au montant de l'ordre de transfert. Cela constitue l'une des avancées majeures introduites dans l'espace UMOA par l'avènement d'un système de règlement brut à temps réel. En effet avant la reforme, les transferts interbancaires étaient caractérisés par leur lenteur, ce qui concourrait au risque de règlement. Il faut préciser qu'il peut exister un certain temps entre l'émission d'un ordre de paiement et le transfert effectif des fonds, c'est le délai qui existe un paiement et sa finalité. Plus la finalité est décalée dans le temps plus s'accroît le risque d'une insuffisance voire d'un défaut de la provision correspondante et donc le risque de règlement. Avec le principe de l'imputation immédiate la finalité des paiements dans STAR-UEMOA est ramenée à une moyenne de 55 secondes au lieu de plusieurs jours80(*) ce qui est largement en deçà des prescriptions de l'indicateur de performance du système qui stipule que 90 % des paiements doivent être réglés en moins de quinze minutes. La vérification préalable de la provision et l'imputation directe dans le Compte de Règlement du participant sont des outils de gestion des risques dans le STAR-UEMOA. Ils permettent de juguler les risques de crédit et de liquidité notamment en évitant qu'un participant n'expose le système et l'ensemble de ses contreparties à un risque systémique du fait de sa défaillance. Appliqués dans leur rigueur, ces principes peuvent cependant déboucher à un blocage du système raison pour laquelle ils sont combinés avec d'autres mécanismes pour rationaliser leur mise en oeuvre. 2) La gestion des ordres de paiement par file d'attente Le caractère réciproque des paiements dans les systèmes de paiements fait que chaque montant dont le transfert est demandé par un participant est attendu par un autre. Le rejet d'une instruction de paiement pour insuffisance de provision prive donc forcément le bénéficiaire de fonds sur lesquels il comptait pour honorer ses propres engagements dans le système. La nature potentiellement systémique des ordres de transferts introduits dans STAR s'accommode mal de telles entraves. Pour pallier ces insuffisances, il a été aménagé dans le système une procédure de traitement des ordres de paiement par file d'attente. Ainsi, en cas d'insuffisance de provision, l'opération est placée en file d'attente et traitée selon les règles de gestion des files d'attente. Ces règles sont déterminées par l'article 15 de la convention portant STAR-UEMOA. Le traitement des opérations placées en file d'attente est dévolu à la Banque Centrale. Celle-ci s'acquitte de ce traitement conformément à la règle du FIFO (First In First Out)81(*) selon laquelle la première opération admise dans la file d'attente sera la première exécutée en cas de suffisance de la provision dans le CR du participant. Cette règle s'oppose à celle du LIFO (Last In First Out) propre aux algorithmes82(*) de gestion de files qui veut que la dernière opération dans la file soit la première traitée. Il est permis au participant de déroger à la règle du FIFO en attribuant un niveau de priorité à l'ordre qu'il émet. Le participant dispose pour ce faire de deux niveaux de priorité d'importance graduelle :
A cette dérogation s'ajoute celle exclusivement réservée à la BCEAO par l'article 1583(*) à savoir la possibilité d'attribuer un niveau dit « systémique » aux ordres qu'elle émet dans le cadre des opérations de banque centrale, ainsi que pour le déversement de soldes du système de compensation des paiements de masse. Cette faculté est motivée par l'importance des montants sur lesquelles portes ces opérations. En effet les opérations de banque centrale, notamment les opérations de politique monétaire et celles effectuées pour le compte des Trésors Publics ont une influence directe sur l'économie des Etats membre de l'Union. Il ne peut donc être question qu'elles soient retardées par des virements d'importance moindre. Les instructions de paiement qui n'ont pas pu être exécutées pour défaut de provision sont rejetées par STAR. La méthode de gestion du flux des ordres de transfert dans STAR par file d'attente a le mérite de rendre fluide le fonctionnement du système et permet de prévenir la réalisation de risques de liquidité ou de crédit. Avec cette procédure, les participants n'ont pas besoins de disposer durant toute la journée d'échanges des liquidités nécessaires à la couverture de toutes leurs positions dans le système, ce qui aboutit à pallier ce défaut des RTGS que d'être gourmands en liquidités. Aux nombres des mécanismes de sécurisation de STAR-UEMOA, figure la possibilité d'avances intrajournaliéres prévues par l'article 16 de la convention. Ce sont des avances de fonds aux participants pour leur permettre d'honorer leurs engagements dans le système notamment en cas d'insuffisance de liquidités. Les avances sont faites par la Banque Centrale en contrepartie de titres dont elle détermine la nature, les conditions d'éligibilité, la décote qui leur est appliquée ainsi que les limites applicables à chaque participant. De nature intrajournaliere, les avances sont portées au débit du participant la journée d'échanges suivante s'il s'avère incapable de les rembourser à la fin de la journée de leur octroi. Le non remboursement de ladite avance à la clôture des échanges entraîne une exclusion temporaire du participant.84(*) Cependant ce procédé de refinancement est prévu mais n'est pas encore mis en oeuvre dans STAR, ce qui est regrettable dans la mesure où le mécanisme d'une file d'attente associé à un niveau de priorité de règlement n'est pas suffisant à prévenir le risque de liquidité auquel le système est d'emblée exposé. Il appert à travers l'étude des mécanismes précédents que le RTGS fait l'objet d'une protection qui prend en compte ses spécificités. Une telle affirmation vaut également pour le système de paiement de masse de la BCEAO, en l'occurrence SICA-UEMOA. B - Les mécanismes de sécurisation dans SICA-UEMOA Le SICA est un système de paiement de masse reposant sur le principe de la compensation multilatérale85(*) et le règlement des obligations nettes des participants est différé86(*) par rapport au traitement des paiements unitaires sous-jacents. Ces deux caractéristiques sont traditionnellement associées à ce type de système de paiement et sont sources de risques en cas de défaillance d'un participant. Qu'il s'agisse des risques de règlement, de crédit, de liquidité ou en principal, des mécanismes palliatifs sont prévus pour leur faire face. Ces sont l'inversion de la compensation (1) et la mise en place d'un fonds de garantie ainsi que le recours à la collateralisation (2). 1) L'inversion de la compensation Encore appelée « révocation des échange », « rétrogradation/réfection » ou en langage courant « détricotage», l'inversion de la compensation, aux termes de la convention portant SICA-UEMOA : « consiste à reprendre l'ensemble des opérations pour lesquelles l'établissement participant défaillant est contrepartie et dont la date de règlement est la date du jour, que celles-ci résultent des présentations de la journée en cours ou des jours précédents, à contre-passer les écritures, puis à recalculer les soldes multilatéraux »87(*). I il s'agit donc de révoquer et de soustraire les opérations du participant qui n'arrive pas à couvrir sa position nette débitrice. La mise en oeuvre de ce mécanisme aboutit à une double annulation, au niveau comptable et juridique. En effet de prime abord, la défaillance du participant conduit à un nouveau calcul des soldes des autres participant. Cette procédure peut être totale, il s'agit alors d'annuler l'ensemble des opérations du participant défaillant. Elle est partielle lorsque seules quelques opérations sont révoquées afin de ramener le solde de l'établissement défaillant dans les limites de la capacité de règlement de ce dernier88(*). « Bien que théoriquement envisageable, ce cas de figure est fort improbable car il faut, à la fois, être techniquement capable d'opérer un tri entre les opérations du défaillant et de recueillir l'accord des contreparties concernées par les opérations révoquées »89(*). Cette solution soulève différents problèmes et n'apparaît pas comme un mode satisfaisant de gestion des défauts de règlement. Elle est, en premier lieu, source de risque de liquidité. Les soldes recalculés après exclusion du défaillant risquent, notamment si ce dernier est un participant important, d'être sensiblement différents de ceux initialement présentés au règlement. Certains participants verront leur situation inversée, passant d'une position nette multilatérale créditrice à une position débitrice. Il en résulte un risque de liquidité, qui pourrait entraîner des défaillances en cascade et des tensions sur le marché interbancaire. Même si la Convention de SICA dispose clairement que : « L'opération d'inversion de la compensation est un ultime recours, utilisé dans les cas extrêmes », on ne peut en éluder les implications qui peuvent être fâcheuses. Le mécanisme ainsi exposé, qui devait être un gage de sécurisation du système de paiement de masse se révèle être un couteau à double tranchant dont la manipulation peut, à la limite, constituer une source des mêmes risques qu'il est censé élaguer. Certains auteurs90(*), justifie l'inversion de la compensation par la prévention « de l'alea moral». Selon eux, l'absence d'inversion sera comprise -- à tort91(*) -- par les participants ou les tiers comme une garantie de règlement implicite, par appel à la fonction de prêteur en dernier ressort de la Banque Centrale. Ces limites de l'inversion de la compensation ont conduit à la mise en place de mécanismes aux fins sinon de la compléter, du moins d'en juguler les effets pervers. 2) La constitution d'un fonds de garantie et la collateralisation Le fonds de garantie, prévu par l'article 31 de la convention portant SICA-UEMOA, est une application particulière du mécanisme de la cession temporaire de titre organisée par le Règlement 15/2002/CM/UEMOA. Il est constitué par l'ensemble des participants de la Place et a pour finalité de permettre de couvrir le solde débiteur d'un ou plusieurs participant au moment de la compensation. Le montant total du fonds commun est défini en fonction des soldes débiteurs enregistrés dans le système au cours de la période précédent la constitution du fonds (de six à douze mois). En effet, il est fait en sorte qu'il couvre la majeure partie (entre 85 % et 95 %)92(*) des soldes débiteurs constatés. C'est d'ailleurs en adéquation avec le Principes fondamental qui préconise « (qu') un système comportant une compensation multilatérale devrait permettre, pour le moins, l'exécution en temps requis des règlements journaliers dans le cas où le participant présentant l'obligation de règlement la plus élevée serait dans l'incapacité de s'exécuter ». Le fonds de garantie n'étant pas encore mis en place au sein de l'UEMOA, le détour par le droit comparé, notamment européen, parait nécessaire pour la détermination des contributions. Ainsi, la contribution de chaque participant au fonds commun permanent est calculée soit en fonction des seuls soldes débiteurs (pour Relit93(*)), soit en fonction, à la fois, des soldes débiteurs et créditeurs qu'il a enregistrés au cours de la période précédent la constitution du fonds (pour le SIT94(*)). En effet, dans le cas du SIT, certains participants sont systématiquement créditeurs et leur contribution au fonds se justifie par la réduction du risque qu'ils ne soient pas réglés. Le montant total et les contributions au fonds seront ajustés périodiquement pour tenir compte de l'évolution des soldes débiteurs des participants. Dans le cadre de SICA, les règles de constitution, de fonctionnement, de gestion et de remboursement en cas d'utilisation du fonds de garantie seront précisées dans le règlement de celui-ci. En attendant la mise en place de ce fonds, Les mécanismes de sécurisation de SICA prévoient la possibilité de constituer des garanties complémentaires, individuelles. Celles-ci sont des collatéraux éligibles95(*) mobilisables dont la valeur équivaut au moins à celle du solde débiteur maximum de compensation, réservés à la garantie de règlement de son solde de compensation96(*). La principale différence avec le fonds de garantie c'est que les sommes ainsi remises en garanties complémentaires individuelles par le participant ne peuvent être réalisées que pour couvrir le défaut de paiement, par ce participant, de son solde débiteur dans le système, à l'exclusion du solde d'un autre participant ou de toute autre affectation97(*). Le système de paiement de masse et celui de gros montant de l'Union sont protégés par des mécanismes juridiques et opérationnels assez divers pour envisager les scénarios de risques potentiels et y apporter des solutions mais également assez précises pour prendre en compte les différences inter systèmes qui induisent des risques nouveaux auxquels doivent répondre des palliatifs qui ne le sont pas moins. Cependant quid du système monétique ? * 78 Voy. D. Dambrure Les systèmes de paiement, Paris, Economica. Et M. Aglietta, « Les systèmes de paiement dans l'intégration européenne », CEPII n°94-01 - Mai 1994 * 79 Article 10 de la convention portant STAR-UEMOA * 80 Le délai des transferts intra-UEMOA a été ramené de 3 semaines à moins de 3 minutes. Source Rapport sur les systèmes de paiement dans l'UEMOA - 2006 * 81 Littéralement signifie : Premier Entré Premier Sorti, se dit aussi PEPS en français * 82 Les algorithmes (informatique) sont des procédés de calcul mis en oeuvre sur un ordinateur, et qui, répétés autant de fois qu'il est nécessaire, permettent d'obtenir le résultat recherché. Microsoft ® Encarta ® 2007 * 83 Convention portant STAR-UEMOA * 84 Article 16 de la convention STAR-UEMOA * 85 La compensation multilatérale est un mode d'extinction des obligations qui repose sur le remplacement de paiements unitaires entre participants par un solde net multilatéral de chaque participant vis-à-vis de l'ensemble des participants. Ce remplacement s'effectue par novation ou, selon les juridictions, par tout autre dispositif juridique comparable ayant pour effet de permettre l'extinction d'obligations multiples sous-jacentes par un paiement unique * 86 Le règlement différé signifie qu'il existe un décalage temporel entre, d'une part, la prise en compte, le traitement des ordres de paiement unitaires et le calcul des soldes espèces nets par le système et, d'autre part, le règlement de ces soldes nets sur les livres de l'agent de règlement, qui seul permet de conférer un caractère définitif (concept de finality) aux différentes instructions de paiement sous-jacentes. * 87 Article 33 convention portant SICA-UEMOA. * 88 On se demande si ce n'est pas la méthode de SICA qui fait état de « l'ensemble des opérations pour lesquelles l'établissement défaillant est contrepartie » Article 33 alinéa 2 de SICA. * 89 Banque de France. Revue de la stabilité française, n° 3, janvier 2003 : protection des systèmes de paiement et de titres à règlement différé : l'exemple de SIT (système interbancaire de télécompensation) et de RELIT (système de règlement-livraison de titres). * 90 J.M. Figuet, "Le risque systémique dans les systèmes interbancaires de paiement de gros montant", Revue d'économie politique, n°1 jan-févr. 1999. * 91 « La BCEAO ne joue pas le rôle de prêteur de dernier ressort » selon l'article 32 de la convention de SICA. * 92 Banque de France. Revue de la stabilité française précitée. * 93 Système de règlement-livraison d'instruments financiers * 94 Le système interbancaire de télécompensation * 95 Voy. Article 32 du Règlement 15/2002/CM/UEMOA * 96 Article 31 de SICA * 97 Banque de France. Revue de la stabilité française précitée |
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