L'abstentionnisme électoral au mali depuis l'avènement du multipartisme en 1992.( Télécharger le fichier original )par Madou NIMAGA Université Cheickh Anta DIOP de Dakar - DEA en Science politique 2006 |
Paragraphe 2 : Les contestations « traditionnelles » des résultats électoraux.Il faut entendre ici par contestations « traditionnelles » des résultats électoraux, les mises en cause fréquente des verdicts issus des urnes par les acteurs politiques surtout les vaincus, qui par leurs déclarations ou autres agissements appellent à ne pas reconnaître les résultats des élections mettant du coup la sincérité des élections en doute. Il ne s'agit donc pas des contestations formelles formulées devant les juridictions compétentes où toutes les parties prenantes dans une élection ont en principe la faculté de saisir le juge pour irrégularités constatées. Au-delà de cette faculté reconnue aux acteurs politiques de contester les résultats provisoires des élections, force est de constater que le discours politiques à la suite des élections tend généralement à décrédibiliser les verdicts des urnes par des déclarations souvent abusives et disproportionnées. Ces discours ont un effet plus négatif et peuvent provoquer chez les populations principalement analphabètes, un sentiment de méfiance de la chose politique. Cet état de fait à donc pour conséquence d'altérer l'adhésion populaire au jeu électorale. La double confiance des citoyens à l'ensemble du processus organisationnel des élections ainsi que aux résultats qui leur sont issus, constitue un facteur encourageant pour leur participation au vote. L'exemple des élections Kényane de 2007 et Zimbabwéenne de 2008 nous à montrer jusqu'où les contestations des verdicts électoraux peuvent fragiliser un processus démocratique par le basculement dans la violence politique. Au Mali, si les résultats des consultations fondatrices96(*) depuis 1992 (référendum, les élections législatives puis présidentielles) ont été acceptés de façon consensuelle sans heurts par l'ensemble de la classe politique, cela ne fut pas toujours le cas pour les autres. L'acceptation consensuelle des résultats des consultations de fondation peut se comprendre par le fait que, ces consultations étaient organisées par un gouvernement de transition qui avait fait de la neutralité son crédo, puis qu'aucun de ses membres n'était autorisé à se présenter comme candidat. En plus, le contexte de ces élections ne permettait pas une nouvelle fracture sociale, après les événements douloureux de mars 1991. L'histoire électorale récente du Mali, nous montre que les contestations électorales ont atteint leur paroxysme surtout en 1997 puis 2002. En 1997, pour la première fois au Mali, l'administration était complètement dessaisie de l'organisation des élections au profit d'un organe indépendant nouvellement créé, il s'agit de la commission électorale nationale indépendante (CENI) présidé par Me Kassoum TAPO. La création d'une CENI répondait donc à la satisfaction d'une revendication fondamentale de l'opposition politique qui ne faisait plus confiance à l'administration pour l'organisation des élections. L'organisation des législatives du 13 Avril 1997 par la CENI a révélé de graves insuffisances et lacunes conduisant les partis d'oppositions à un rejet pire et simple des résultats. Ces partis, politiques regroupés au sein du COPPO ont réclamé l'annulation du scrutin avec succès. La Cour Constitutionnelle du Mali dans son arrêt n° EL 97 - 046 CC du 25 Avril 1990 a invalidé le scrutin du 13 Avril 1997 sur toute l'étendue du territoire national au motif qu' « aucune liste électorale n'a été fournie à la cour pour se prononcer sur la régularité et la sincérité du premier tour des élections législatives du 13 avril 1997 ». C'est dans ce sillage que l'opposition avait appelé au boycott de la présidentielle du 11 Mai 1997. Par contre en 2002 l'enjeu électoral était plus important, le président sortant Alpha Oumar Konaré n'étant pas candidat à sa propre succession à cause de la limitation du mandat présidentiel à deux, l'opposition a dès l'entame annoncer sa participation aux échéances prochaines. La tension était en effervescence. Le seul parti au pouvoir, l'ADEMA, a enregistré trois candidatures (dont le candidat officiel, Soumaïla CISSE, et deux autres membres du parti qui se sont présentés sous la bannière de candidat indépendant, il s'agit de Mandé SIDIBE, ancien Premier Ministre et Hamed El Madami DIALLO, ancien Ministre du développement rural). Les partis d'opposition se sont également annoncés mais en rang dispersé dont principaux candidats étaient Ibrahim Boubacar Keïta (RPM) Moutaga TALL (CNID), Choguel Kokala MAIGA, Mady KONATE (PDP), Almamy SYLLA (RDP), Oumar MARIKO (SADI)... L'ancien Chef de l'Etat de la période transitoire (Mars 1991 - Juin 1992), Amadou Toumani TOURE fait également partie de la course. Pour la première fois les Maliens devaient choisir entre Vingt quatre (24) candidats dans une élection présidentielle. A la suite du premier tour, le candidat indépendant, Amadou Toumani TOURE arrive en tête suivi du candidat officiel de l'ADEMA, Soumaïla CISSE. Le troisième homme de cette présidentielle, Ibrahim Boubacar Keïta, Ancien premier Ministre entre 1994 - 2000) a officiellement dénoncé les résultats, les qualifiant de résultats taillés sur mesure. En outre, la Cour constitutionnelle a annulé plus 500.000 Voix pour fraude électorale ou autres irrégularités. Les élections générales de 2007 constituent une autre étape de cette forme de contestation électorale. En effet, le Président TOURE, fort du bilan de son premier quinquennat, a remporté l'élection présidentielle du 29 Avril 2007 dès le premier tour devant ses adversaires regroupés au sein du Front pour démocratie et la république (FDR). Les leaders du FDR réunit, le 13 Mai 2007, le lendemain de la proclamation officielle des résultats par la cour constitutionnelle ont lu une déclaration officielle dont, on peut retenir en substance que « le FDR tout en continuant à considérer que le scrutin ait été entaché de fraudes, prend acte de la décision de la cour constitutionnelle et invite militants et sympathisant, tous les démocrates et patriotes épris de liberté et de justice à poursuivre la lutte par les moyens démocratiques et pacifiques ». Il faut rappeler que le FDR réclamait par sa requête devant les Sages, l'annulation pire et simple du scrutin du 29 Avril 2007 pour motif de fraudes. En même temps, Mr Bouabré Yvonne ABONE, député Ivoirien, vice président du Comité interparlementaire de l'UEMOA et président de la Mission d'observation des élections au Mali a déclaré le 1er Mai 2007 que « L'élection présidentielle du 29 Avril 2007 au Mali ne souffre pas d'irrégularité de nature à remettre en cause les résultats du scrutin. En conséquence, nous invitons le peuple Malien, les acteurs politiques et de la société civile à accepter le verdict des urnes ». On s'aperçoit ainsi les contradictions voire la controverse qui existe entre les déclarations de contestations des résultats qui ont tendance à remettre en cause la sincérité du scrutin et les rapports des missions d'observation indépendante. Au terme de l'enquête de 2003 sur la perception de la démocratie et du processus électoral au Mali, ils « 43% des enquêtés qui pensent que les résultats des élections ne sont pas fiables au Mali », tandis que « 40% estiment que les élections ne changent rien au Mali ». La pratique qui consiste à remettre en cause incessamment les résultats électoraux par les responsables politiques traduit selon nous, une certaine insuffisance de culture démocratique car la démocratie est aussi le fait pour les vaincus des élections à consommer leur défaite pacifiquement et à respecter les verdicts des urnes. Pour palier a ce facteur, il est impérieux pour les responsables politiques de tous les bords de respecter leurs engagements (codes de bonnes conduites), et de respecter les décisions des juridictions électorales. Ainsi, après avoir étudié l'impact des contestations traditionnelles des verdicts des urnes, nous allons analyser maintenant le recours à la violence par certains hommes politiques comme mode de règlement des différends politiques. * 96 Voir Mamadou GAZIBO, L'introduction à la politique africaine, Montréal, PUM, les élections fondatrices sont celles qui consacrent la fin d'une transition démocratique, lors qu'elles sont crédibles et concurrentielles. |
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