IV- REVUE DE LA
LITTERATURE
Sur le plan de la production intellectuelle, le constat a
été fait qu'il existe encore peu d'études qui
s'intéressent particulièrement au processus de la TICAD.
Quelques unes peuvent ainsi recensées. Il s'agit des travaux de Obayashi
; Ohara ; Aicardi de st Paul ; Kita. A coté de ses travaux
figurent d'autres pour lesquels la Ticad constitue un aspect de leur
réflexion ; parmi lesquels on peut citer ceux de Kamo ; Alima
Zoa ; Osagawa.
D'une analyse systématique de ces travaux se
dégagent deux lignes de faille. D'un coté les
« hérauts » de la Ticad ; de l'autre
coté, se situent les critiques du processus.
Dans la première catégorie, se situent des
auteurs tels que Kita ; Osagawa ; Kamo ; Alima zoa.
Shozo Kamo en 2004, dans un article intitulé "De
l'engagement économique à l'engagement politique africain du
Japon " tente de ressortir le glissement de la politique africaine du
Japon qui s'est opéré à partir de 2003 avec de la Ticad
III. En effet, si selon l'auteur, depuis les années 1980, le Japon
était résolument engagé dans le champ économique
(à travers une augmentation substantielle et en croissance continue de
son APD allouée au continent africain et la mise sur pied d'une plate
forme de coopération qu'étaient les Ticad I et II dont les
thèmes portent essentiellement sur la réduction de la
pauvreté en Afrique), force est de reconnaître qu'avec la
récession qui a frappé l'économie japonaise au milieu des
années 1990 avec comme incidence une diminution drastique de son APD,
le Japon s'est résolu à réorienter sa politique africaine
en investissant progressivement le champ politique. C'est dans cette logique
que va donc se situer l'organisation de la TICAD III par le Japon au cours de
laquelle l'agenda politique occupa une place centrale. En effet la question de
la consolidation de la paix fut selon Kamo le point crucial du discours du
président de la conférence de la Ticad III. Cette nouvelle
orientation de la politique africaine du Japon par le biais de la TICAD III, a
contribué selon l'auteur, à lui donner une dimension encore plus
réfléchie.
S'agissant de Minoru Osagawa , dans un article ayant pour
titre ; « la coopération japonaise à
l'égard de l'Afrique : vers un développement de la
coopération Asie-Afrique » paru en 2004, l'auteur soutient que
la promotion de la coopération Asie- Afrique constitue aujourd'hui une
des spécificités et une composante essentielle de la
coopération japonaise en Afrique. C'est dans cette logique que la TICAD
va s'imposer selon l'auteur comme le cadre par excellence à travers
lequel le Japon va concrétiser cette coopération Asie-Afrique.
Celle-ci peut donc se vérifier par une coopération technique
relevée à travers la mise sur pied d'un ensemble de projets
porteurs en vue de réduire la pauvreté et améliorer les
conditions socio économiques en Afrique à l'instar de l'Institut
africain pour le développement de la capacité (AICAD)
établi au Kenya. Celui-ci a constitué un des fleurons de la TICAD
II. Mais également, l'organisation des fora économiques durant
les Ticad aura permis au Japon avec ses partenaires asiatiques de promouvoir
des échanges et des investissements entre l'Asie et l'Afrique. Les plus
emblématiques de celles-ci sont sans doute l'Asia Africa Forum
(AAF) et Asia-Africa Conference on Trade and Investment (AATIC) de la
TICAD.
Alima Zoa Serge Christian en 2008, dans son mémoire
intitulé « Les clés de l'offensive politico
diplomatique du Japon en direction de l'Afrique et du Cameroun depuis
1991 », essaye de décrypter les fondements et de rendre compte
des manifestations de l'offensive nippone en Afrique. Il y voit ainsi dans la
Ticad « une technologie de consolidation de la Doctrine africaine
du Japon ». En effet, selon ce dernier, la Ticad peut
être considéré comme un modèle
d'« Affectio sociatis » en ceci qu'elle s'est
imposée au fil des années comme cette grande messe de la
coopération Japonaise avec le continent noir et par des actions
opérationnelles qu'elle a déjà mises à son actif.
Julien Kita dans un article paru en 2008 et intitulé
; « La 4ème TICAD : accélération
de la coopération Japon Afrique » essaye dans une approche
prospective, à décrypter les nouvelles tendances qu'apporte la
4ème Ticad dans la politique africaine du Japon. Il ressort
ici qu'au regard de la forte mobilisation jamais connue en pareille
édition et des engagements forts qui y ont été pris par le
gouvernement japonais au cours de celle-ci, tout laisse accroire que cette
4ème édition augure un renforcement des liens entre
le Japon et l'Afrique et une véritable reprise cette initiative par le
gouvernement japonais.
Pour ce qui est des critiques du processus, des auteurs
à l'instar d'Ohara et Obayashi pensent que son emprise effective est
beaucoup plus limitée, se bornant à n'être qu'un instrument
de visibilité diplomatique plutôt mineur en matière de
développement.
Pour Jenko Ohara en 2003, dans un article ayant pour
titre ; "Le rôle de la Ticad pour le développement de
l'Afrique » la TICAD n'est pas destinée à renforcer ou
à concrétiser son engagement du développement africain,
mais constitue, un instrument de visibilité pour une meilleure
présence diplomatique en Afrique et dans le monde. Sans doute,
l'évolution décroissante de la part de l'Afrique dans l'APD
japonaise, est un indicateur non négligeable de l'impact du processus de
la TICAD, qui peut permettre de vérifier cette hypothèse. En
plus, d'après ce dernier, cette initiative manque de réalisations
concrètes.
C'est quasiment la même thèse défendue par
Minoru Obayashi qui en 2004, dans un article ; « Ticad, un
processus favorable pour le développement de
l'Afrique ? » pense que son influence reste faible, elle n'a
contribué ni à l'augmentation du budget de coopération
vers l'Afrique, ni à l'adaptation du système de
coopération japonaise aux réalités africaines. Mais bien
au contraire, la Ticad I à III semble se résumer à un
simple « instrument de visibilité pour une meilleure
présence diplomatique en Afrique et dans le monde. »
N'étant donc pas dans son orientation jusqu'ici destiné à
renforcer ou concrétiser son engagement au développement
africain. Elle « manque d'originalité des
discussions contrairement à d'autres réunions
internationales. La plupart d'entre elles se limitent à la reprise des
débats et des thèmes déjà abordés dans
d'autres instances internationales, et sans valeur
ajoutée ».
Si l'on peut reconnaître une pertinence
indéniable à ces différents travaux dans
l'élucidation du processus de la TICAD en ce qu'ils ressortent de
manière claire le processus en ses différentes étapes, ses
grandes lignes conductrices, des projets qui y ont été
menés... Bref, la place centrale que celle-ci occupe dans le dispositif
de la politique africaine de coopération du Japon.
Néanmoins, aucune de ces réflexions, n'examine
en aucun cas le volet de la réception locale de l'offre de
développement apportée par la Ticad. Leurs analyses sont
structurées fondamentalement par une vision du
« haut ». Or, la présente réflexion se veut
être au carrefour du regard entre le « haut » et le
« bas », qui non seulement va décrypter la
pensée japonaise dans son offre de développement
vis-à-vis de l'Afrique, mais également d'analyser la
réception locale qui en est faite.
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