CONCLUSION
Nous voici à présent arrivé en terme de
notre travail qui a consisté essentiellement sur une étude de
l' « appréciation souveraine du juge dans la
détermination de la proportionnalité entre l'attaque et la
riposte : cas d'une victime-agresseur originel ».
Il importe de souligner ici que nous sommes devant un cas
concret en droit pénal qui requiert célérité, la
personne du juge qui commande cette machine, sous l'autorité bien
entendu de la loi, doit connaître une appréciation qui est
au-delà de tout doute raisonnable.
C'est ainsi que nous avons commencé par évoquer
la souveraineté du juge dans le droit pénal comme première
partie du travail en commençant par le rôle du juge en droit
pénal qui a constitué notre premier chapitre. Il est attendu du
juge pénal un rôle déterminant pour en établir la
culpabilité de l'auteur d'une infraction ou sa non-culpabilité.
C'est ainsi qu'il revient au juge d'être beaucoup plus actif dans la
confrontation des parties pour bien élucider tout cas sous examen sur la
recherche et l'administration de la preuve devant sa juridiction afin de bien
motiver son jugement au-delà de tout doute raisonnable.
Le rôle actif a pour fondement juridique en droit
positif congolais l'article 74, alinéa 6 du code de procédure
pénale, qui permet au tribunal « d'ordonner toute mesure
d'instruction complémentaire qu'il estime nécessaire à la
manifestation de la vérité ». Cela voudrait dire tout
simplement que le juge ne doit pas se limiter aux seuls moyens
présentés devant lui tant par le ministère public que le
prévenu, il doit aller au-delà de tout ce qui lui est
exhibé comme preuve.
Partant du pacte international relatif aux droits civils et
politiques, ce dernier voudrait que toute personne ait droit en ce que sa cause
soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal
compétent, indépendant et impartial, établi par la loi. La
règle adoptée par le droit est en effet celle d'après
laquelle le juge statue selon son intime conviction. Cette
règle est exposée en termes particulièrement heureux. Le
principe d'intime conviction du juge permet ce dernier d'apprécier
souverainement tout ce qui a trait au procès pendant ; toutefois
certaines limites sont de mises et nous les avons
énumérées dans le développement de ce travail ainsi
que certaines exceptions quant à ce qui concerne certains actes,
procès-verbaux à l'occurrence, revêtus d'autorité
jusqu'à la preuve littérale contraire. L'autorité reconnue
à ces procès verbaux ne s'applique pas à
l'intégralité de leur contenu, mais uniquement aux
énonciations relatives à ce que l'agent verbalisateur a vu,
entendu ou constaté personnellement.
Le deuxième chapitre a porté quant à lui
à l'évolution de la réaction sociale contre le
phénomène criminel. Nous avons été inspiré
à aborder cet intitulé pour différencier deux notions qui
sont celle de la légitime défense et celle de la vengeance
privée.
Examinant la notion de la vengeance privée, dans sa
mise en oeuvre se manifeste une étroite solidarité
active et passive du groupe. Tout le clan de la victime est prêt à
assister le vengeur, tout le clan de l'agresseur doit s'apprêter à
subir la vengeance qui cherchera à atteindre non seulement le coupable
mais ses proches, son chef, les membres les plus importants du groupe. En guise
de rappel la responsabilité pénale, aux origines, a
été collective. C'est ainsi que, par l'action combinée de
ces diverses causes, une autorité supérieure s'esquisse puis
s'affirme, elle va limiter l'aveugle guerre privée et faire
réaliser de sérieux progrès à l'organisation de la
répression. Les limitations diverses apportées à la
vengeance. La vengeance privée conserve un très large domaine,
mais elle n'est plus sans contrôle et sans mesure, elle est
« dirigée », canalisée et limitée. A
ce jour, cette notion n'est plus digne de se faire entendre d'autant plus que
sa période a déjà été révolue, toute
personne qui se sentirait lésée dans ses droits aujourd'hui, a
des instances compétentes à sa portée, les seules
habilitées pour lui en rétablir.
La notion de la légitime défense comme
précédemment examinée, constitue une apparente exception
au principe selon lequel nul ne peut se faire justice à lui-même.
En raison de l'urgence et de l'impossibilité matérielle de se
faire défendre par la police, la loi a permis aux particuliers de se
substituer en quelque sorte, dans les circonstances exceptionnelles,
à celle-ci. Cette interprétation permet de résoudre
des questions controversées, aussi bien quant au domaine d'application
de la légitime défense que quant à ses conditions et
à ses effets.
Elle est en effet un cas particulier de l'état de
nécessité : l'agent se trouve dans l'alternative soit de
subir ou laisser subir une lésion grave, soit d'infliger une
lésion grave à l'agresseur. Elle est aussi un acte de
justice : celui qui repousse par la force une agression injuste rend
service à la société, concourt à la défense
d'un intérêt juridiquement protégé. C'est "un
gardien de la paix publique comme le dit le célèbre
pénaliste Jean PRADEL.
La légitime défense en tant que fait
justificatif découlant objectivement et logiquement d'une riposte, a
pour conséquence de faire perdre à l'acte de défense tout
caractère fautif et donc punissable, c'est-à-dire qu'elle
confère au bénéficiaire l'irresponsabilité des
actes qu'il a posés. Nous avons également élargi la
légitime défense sur l'espace international entre les Etats en
vertu de l'article 51 de la charte des nations unies.
Ainsi, comme nous l'avons précédemment
évoqué, il ne s'agit pas de se faire justice à
soi-même, mais plutôt de se faire police à soi-même.
Elle a des conditions qui doivent être remplies pour qu'on retienne la
légitime défense.
Celles-ci sont relatives à l'attaque :
- L'attaque qui a provoqué la riposte doit être
actuelle ou imminente ;
- L'attaque doit être injuste ;
- Le recours à la force doit être le seul moyen
de se protéger ou de protéger
autrui ;
- L'agression doit être dirigée contre les
personnes ou contre les biens.
Et les autres sont relatives à la riposte :
- La riposte doit être proportionnée à
l'attaque
- La riposte doit être concomitante à
l'attaque
- La riposte est justifiée non seulement pour
repousser l'agression dont on est soi-même victime, mais encore
celle dont un tiers quelconque est victime. C'est pourquoi le policier a aussi
l'obligation d'intervenir à la défense des tiers en
péril.
Après avoir balisé l'étude de la
légitime défense et celle de la vengeance privée, ayant
toutes deux, l'alternative de faire naître le cas échéant
une victime-agresseur originel, sachant qu'il en dépend selon qu'on est
plus fort que l'agresseur originel, et que la différence entre les deux
se situant au temps de réaction ; nous avons ainsi obtenu la
brèche de développer l'appréhension de la
victime-agresseur originel issue de la légitime défense qui a
constitué notre deuxième partie.
Dans le troisième chapitre, traitant la
victime-agresseur origninel, nous avons commencé par en faire une
étude victimologique. Pour notre gouverne, toute victime n'est
pas forcément victime au sens du droit. L'optique de la
victime-agresseur originel est un peu différente de celle d'une victime
de jure ; d'autant plus que c'est l'agresseur qui s'est lui-même
conduit à la victimisation d'un acte dont il a été
l'initiateur. En vertu de cela, la solution envisagée pour le cas en
espèce aura un impact considérable sur la qualité de la
victime qu'il est par rapport à la vraie victime au sens du Droit.
Toutefois il bénéficierait de ce statut de victime de jure dans
l'hypothèse où, la personne agressée agirait pour assouvir
sa vengeance afin de repousser l'agression, ou tout simplement sa riposte
serait disproportionnée.
Etant donné qu'il y a des personnes qui attirent les
catastrophes par l'effet de leur conduite, la personne de l'auteur de
l'infraction est une notion importante, tant dans l'appréciation de la
responsabilité de celle-ci que dans celle du rôle joué, par
elle, à l'intérieur d'une criminalité.
En guise de rappel, un acte incriminé peut devenir
licite, conforme au droit, lorsqu'il est légitimé par un fait
justificatif. Toutefois, l'infraction commise en riposte ne se trouve
autorisée que si elle était nécessaire à la
défense de l'agressé originel. Il en est ainsi exigé que
les actes commis aient été commandés par la
nécessité actuelle de la légitime défense. Il
résulte que le fait justificatif ne peut être admis quand
l'agressé originel pouvait assurer sa protection ou celle d'autrui en
appelant l'autorité publique. Nous avons également
développé la responsabilité pénale envisagée
du point de vue juridique en la différenciant de la
responsabilité envisagée du point de vue criminologique.
« La légitime défense de soi-même ou des autres
étant autorisée par la loi positive comme par la loi naturelle,
ne fait pas seulement disparaître la criminalité
pénale ; qu'elle exclut légalement toute faute et ne permet
pas à celui qui l'a rendue nécessaire par son agression de
demander des dommages- intérêts » (Cass. req.,
24 févr. 1886).
Enfin, dans le quatrième chapitre nous avons fait une
analyse jurisprudentielle de la proportionnalité dans la légitime
défense avec soubassement jurisprudentiel. Comme il a été
dit, la légitime défense peut porter soit sur les personnes, soit
sur les biens ; nous avons commenté l'arrêt Bernard pour
agression juste de la personne issue d'un ordre légal et l'arrêt
Antonioli pour une agression juste issue d'un ordre illégal. Partant
d'un ordre légalement donné et opéré dans les
prescrits de la loi, la légitime défense ne doit en aucun cas
être admise. C'est pourquoi il ne nous a pas été utile ici
d'évoquer la proportionnalité. Ensuite l'arrêt Cousinet et
l'arrêt Louis Devaud ont porté sur les agressions injustices et se
sont soldés à la condamnation de leurs auteurs pour cause que les
réactions opérées ont été
disproportionnelles aux attaques.
Par ailleurs, notons que disproportion pose à
l'évidence moins de problèmes lorsque l'agression était
commise contre les biens par rapport à celle commise contre une
personne ; l'arrêt Reminiac nous a servi de référence
quant à ce.
A la fin nous avons fait un chemin retour sur le rôle
actif du juge dans cette matière. Il est attendu des juges en effet
essayer de pouvoir reconstituer la scène pour déterminer si la
défense, fut-elle avec des conséquences très graves, ou
tout simplement elle est justifiée, pour en définitif en
établir la proportionnalité. Le juge doit marcher dans ses voies
en demeurant actif, en garantissant le respect des droits de la défense
et du contradictoire. Et nous atterrissons en rappelant que la justice est
rendue par des hommes qui jugent d'autres hommes. Chacun sait, chacun sent
qu'il s'agit là, si l'on va au fond des choses, d'une mission
impossible, si pas impossible mais réservé au seul Dieu mais qui
l'a légué de manière temporaire aux hommes magistrats. Ils
doivent faire preuve de ce souci d'humanité en demeurant actif ;
car le juge qui dormira ne sera pas réveillé par les
parties au procès, recommandation faite par Gilbert THIEL.
Disons pour terminer que la jurisprudence n'a jamais reconnu
facilement la légitime défense. Pour qu'il y ait légitime
défense il faut un début d'acte. Si la personne est à 5
mètres et lève la main en venant vers toi, il y a un début
d'acte violent. Car visiblement il se déplace dans l'intention de
frapper mais "intention n'est pas acte". Néanmoins le tuer est
disproportionné avec l'acte en soi. Dire à quelqu'un "je vais te
tuer" en restant assis est une menace pas un début de crime on peut
même utiliser la violence pour le maîtriser mais seulement en
utilisant la force nécessaire.
Bien qu'en légitime défense en droit
français, l'entière appréciation du juge soit
indispensable, notons cependant qu'il en existe des grandes restrictions, car
a priori cette notion est réglementée par leur code
pénal ; contrairement en République Démocratique du
Congo, de lege lata notre code pénal ne dispose rien de ce qui
est la légitime défense, celle-ci est restée l'oeuvre de
la jurisprudence et de la doctrine d'autant plus que notre code pénal
n'en parle même pas. Nous pensons que, de lege ferenda le
législateur congolais devrait de sa part, tenir compte des
différents éléments circonstanciels de la légitime
défense dans son arsenal juridique afin de restreindre un peu
l'entière appréciation à la largesse du juge par rapport
à la légitime défense.
La personne qui riposte une attaque doit encore savoir que
l'agression doit être quasiment contemporaine de la réaction, se
situer un instant de raison avant cette dernière, être en somme
quasiment actuelle par rapport à la riposte. Comme le disait Pradel
« La légitime est un plat qui se mange chaud.
Si l'attaque est déjà passée, il n'y a plus
légitime défense, mais pure vengeance ; et si l'attaque
n'est qu'éventuelle, résultant par exemple d'une menace, celui
qui se ferait justice préventivement bénéficierait peut
être de la mansuétude du juge au titre de la peur, mais ne serait
pas justifié. Il faut donc un danger certain, mais cette certitude
n'implique pas nécessairement que la personne se soit trouvée en
péril de mort. » L'oeuvre humaine est toujours
caractérisée par l'imperfection, la perfection est le propre de
Dieu ; sur ce, nous sollicitons l'indulgence de tous nos lecteurs quant
à ce qui concerne les petites coquilles qu'ils découvriront tout
au long de la lecture du présent travail. En outre, nous ne pouvons
prétendre avoir épuisé la matière jurisprudentielle
relative à la notion de la victime-agresseur originel ; car cette
dernière ne vit que par son évolution et la manifestation d'un
temps à autre, d'une circonstance à une autre, et selon la
différence des faits.
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