Appréciation souveraine du juge dans la détermination de la proportionnalité entre l'attaque et la riposte: cas d'une victime-agresseur originel( Télécharger le fichier original )par Elysee AWAZI BIN SHABANI Université de Goma - Licence 2010 |
1.2. La légitime défense et l'ordre manifestement illégal.1.2.a. L'ordre illégal L'ordre illégal émanant d'une autorité légitime ne constitue ni un fait justificatif ni une excuse permettant au fonctionnaire subalterne de se soustraire à une incrimination pénale. La question concerne tout à la fois les fonctionnaires civils et militaires et si la solution n'est pas nécessairement différente, la situation du militaire, surtout le simple soldat, beaucoup plus strictement engagé dans les liens de la discipline, beaucoup moins compétent pour apprécier l'illégalité d'un acte, mérite d'être examinée de manière distincte163(*). La doctrine craignant les excès auxquels pouvait conduire la solution suggérée pour les militaires, proposait au contraire, une théorie tout à l'opposé dite de l'obéissance raisonnée, plus souvent qualifiée « des baïonnettes intelligentes » et selon laquelle le militaire a le devoir de désobéir à un ordre illégal. Cette proposition, en apparence séduisante, paraît bien difficile à concilier avec le nécessaire respect de la discipline dans les armées notamment et certains auteurs, peut-être plus sages (Puech, n° 75) lui préfèrent un système intermédiaire où le subordonné ne doit refuser d'exécuter que les ordres manifestement illégaux164(*). Le législateur n'a pu circonscrire les contours de l'expression « abus d'autorité ». Mais nous pouvons affirmer qu'il entend contenir tous les écarts de comportements, ou les élans d'extravagance pouvant gagner les dépositaires de l'autorité publique à travers un exercice excessif du droit de commandement, du pouvoir légitime ou non d'imposer à leurs subalternes une obéissance passive et nuisible, alors que ces derniers, à l'instar de tous les humains, doivent bénéficier de la protection de leurs droits et libertés fondamentaux consacrés tant par les instruments juridiques internationaux que par l'ordre juridique interne165(*). 1.2.b. Inefficacité de la justification La thèse de la seule inefficacité justificative de l'ordre manifestement illégal laisse a priori peu de place pour admettre une non-culpabilité fondée sur une erreur de droit concernant l'illégalité de l'acte. En revanche, il est plus difficile de considérer que le subordonné, notamment dans le cas du militaire, a toujours la possibilité de résister au commandement illégal. Il convient donc d'examiner si l'erreur de droit ou la contrainte sont de nature à faire disparaître la culpabilité du subordonné. Partant de l'arrêt relevé par Bernard nous y trouvons la réponse. La Cour d'appel de Grenoble avait reconnu Bernard coupable de rébellion sur la personne d'un commissaire de police qui était venu procéder à son arrestation. Le moyen du pourvoi introduit par Bernard se fondait sur le fait que la résistance à un ordre illégal ne pouvait constituer ni le crime, ni le délit de rébellion. La Cour de cassation devait rejeter ce pourvoi au motif que « l'illégalité d'un ordre ne pouvait, en aucun cas, autoriser un particulier à s'y opposer avec violence et voies de fait ». En analysant l'attendu de la Cour de cassation, nous nous rendons compte qu'elle consacrait de façon absolue la théorie de l'obéissance passive. C'est n'est point aux individus sur lesquels le dépositaire de la force publique exerce ses fonctions, à se rendre juge des actes de cet exercice, et moins encore à les réprimer, qu'aux seuls magistrats de loi appartient ce pouvoir166(*). Quelques années plus tard, Armand Carrel, auteur dans le journal Le national allait développer une théorie opposé prônant le droit absolu de résistance face à l'ordre illégal. L'auteur fondait notamment sa théorie sur une disposition de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1793 qui stipulait « tout acte exercé contre un homme, hors les cas et dans les formes que la loi détermine, est arbitraire et tyrannique : celui contre lequel on voudrait l'exécuter par la violence a le droit de le repousser par la force »167(*). Le danger d'une telle théorie est indéniable : à partir du moment où chaque individu aurait la possibilité de juger de la légalité de tel ou tel acte, le pouvoir social en place aurait bien du mal à faire respecter la norme168(*). * 163 Garraud, t.I, n° 454.,cité par J.Pradel. * 164 Garraud,, t.II, n° 454 ; Vidal-Magnol, t.I, n° 187., * 165 MUTATA LUABA (L), Droit pénal militaire congolais, ESDEMJGS, Kinshasa, 2005, p.348. * 166 Crim., 13 mars 1817, S. 1817.1.1881, citée par J. PRADEL et A. VARINARD, op.cit., p. 270. * 167 Art. 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1793. * 168 Sur cette question, Vidal Magnol, t. I, n° 208, Garçon, art. 328, n° 748, art 209, n°s 104 et S. |
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