Section 2. La vengeance privée
Les recherches historiques et la sociologie
permettent de se rendre compte de la ligne générale de
l'évolution du droit pénal. Les documents sont peu sûrs
dès qu'il s'agit d'époques très reculées. Mais on
trouve dans les récits légendaires, dans les textes
sacrés, dans les oeuvres épiques ou dramatiques qui nous ont
été conservés, des échos certains de
périodes fort antérieures. L'évolution varie selon la
race, la religion, la latitude, le système social, mais on y retrouve
toujours certaines constantes ; les mêmes institutions apparaissent
au cours des siècles en divers points du globe, les mêmes phases
se succèdent en fonction des progrès de la civilisation et de
l'organisation sociale ; certaines populations primitives en sont encore
aujourd'hui au stade du talion ou de la lutte entre clans. Par contre notre
justice pénale actuelle reste inspirée plus qu'on ne le
croît, de traditions de justice privée, de réactions
instinctives et d'une certaine aura magique.
La présente section relative à la vengeance
privée va comporter à son sein trois paragraphes parmi lesquels
nous avons la période de la vengeance et de la guerre privées
(§1er), la période de la justice privée
(§2ème) et enfin la période de la justice
publique (§3ème).
§1. La période de la vengeance et de la guerre privées.
Même au plus profond de la nuit des temps, l'individu a
toujours trouvé appui auprès de ceux qui l'ont engendré et
de ceux qui sont du même sang. Ce groupe est étroitement uni par
la force des choses et la famille s'élargit à la dimension du
clan, qui parait l'unité administrative et politique. Ce clan a, par
nécessité, une très forte cohésion, et ses membres
sont unis par une solidarité quasi complète.
I.a. Caractères moraux de la vengeance privée.
La vengeance est un droit pour la victime et sa famille.
Déjà le meurtre d'un étranger au clan est
considéré comme un acte normal, surtout s'il y a quelque avantage
à en tirer. A fortiori le meurtre d'un offenseur, qui a
causé un dommage au clan, sera-t-il un acte juste et moral.
La vengeance est même un devoir qui incombe de
façon particulière à un proche parent de la victime. C'est
une charge lourde, mais impérieuse et imprescriptible et les membres du
clan veilleront à ce que le vengeur ne se dérobe pas à son
devoir ; ils lui apporteront d'ailleurs leur aide, surtout à
l'origine.
Si le devoir de vengeance obéit à des
préceptes moraux sacrés et minutieux, l'exécution de cette
vengeance contre le clan adverse se fait sans aucune restriction
imposée par la morale : aucun être du clan adverse n'est
épargné quels que soient son âge ou son sexe, le mal peut
être rendu au centuple, la ruse et les moyens les plus déloyaux
sont honorables dès qu'il s'agit d'exterminer les ennemis. Le
caractère sacré de la fin justifie tous les moyens.
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