L'accès de l'extrême-gauche aux médias en période électorale( Télécharger le fichier original )par Gilles Simon Université Libre de Bruxelles - Master en Sciences Politiques 2008 |
4.4.1.2. Inconnus au bataillonNous continuons notre descente des échelons, tentant toujours de voir si les médias sont conscients d'opérer << sans arrêt des censures, des sélections qui vont à contre-pente de la vérité >> (pour reprendre les termes de Pierre BOURDIEU, mentionnés plus haut). Et à ce niveau, nous répondrons en deux temps. 215 Entretien avec Christian CARPENTIER, Op. Cit. 216 Entretien avec Francis VANDEWOESTYNE, Op. Cit. 217 Entretien avec David COPPI, Op. Cit. Tout d'abord, en examinant les profils sociologiques des étudiants en journalisme. S'ils sont identiques au reste de l'enseignement supérieur, on notera qu'ils sont sans grande diversité sociale : les origines familiales sont la plupart du temps élevées. D'après Serge HALIMI, cela << permet de comprendre un peu le racisme social qui imprègne bon nombre de médias, et qui fait qu'on ne redécouvre la classe ouvrière que pour lui imputer toutes sortes de tares supposées ». Des tares telles que << le populisme, le racisme, le vote Front National ». Et que, << Le reste du temps, on ne s'en soucie pas » 218. Et quand lutte sociale il y a, le traitement journalistique se veut assez singulier. Car ça ne leur est pas très familier, explique Alain ACCARDO : << Le recrutement bourgeois et petit-bourgeois largement majoritaire de la population journalistique entraine que les journalistes non seulement répugnent à s'engager dans des luttes sociales et sont hostiles à l'action syndicale, mais encore qu'ils sont incapables de percevoir le bien-fondé de ces luttes quand elles sont le fait d'autres salariés, ce qui se ressent clairement dans la couverture médiatique des mouvements sociaux » 219. Exemple avec un témoignage de Raoul HEDEBOUW : << Action pour le maintien des bureaux de poste. On vient avec 100 citoyens devant l'hôtel de ville. RTC [NDLR : Radio Télévision Culture] vient. Micro, première question dans ma vie que RTC me pose : Est-ce que c'est pas finalement un peu récupérer le mécontentement citoyen que de faire une telle action ? ». Comme quoi, conclut Hedebouw, << Mobiliser aujourd'hui le citoyen sur des points politiques...Récupération » 220. En outre, toujours de par les origines familiales élevées, l'Extrême-Gauche, on ne connait pas très bien non plus. Une méconnaissance d'ailleurs largement assumée. Ainsi, Frédéric CAUDERLIER lâche : << C'est quoi le PTB ? Quelle est la ligne du PTB ? Quel est le visage du PTB ? Qui est le leader du PTB ? Je n'en sais rien, franchement » 221...Alors même qu'il tient, on l'a vu, des propos très durs sur l'Extrême-Gauche. Contradiction ? En tout cas, il n'est certainement pas le seul 218 HALIMI S. in MERMET D., << François Ruffin : Les petits soldats du journalisme » in Là bas si j'y suis, France Inter, 18-19 Février 2003, 108 minutes, http://www.la-bas.org, Articles 318-319, consulté le 4 août 2009. 219 ACCARDO A., Journalistes précaires, journalistes au quotidien, Agone, Collection << Eléments », Marseille, 2007, pages 13 & 886. 220 Entretien avec Raoul HEDEBOUW, 13 mars 2009, Liège. 221 Entretien avec Frédéric CAUDERLIER, Op. Cit. journaliste politique à être dans le brouillard : Pour sa part, Isabelle PHILIPPON confesse : << Moi je ne sais même pas qui c'est, le président du PTB » 222. Dans le même registre, on a aussi Francis VANDEWOESTYNE. Morceaux choisis : << J'ai vu, récemment, une petite liste : Parti Socialiste...Unifié, c'est ça ? » (au sujet du PSL). Ou bien, sans ironie aucune : << Est-ce qu'il y a toujours un parti communiste en Belgique ? » 223 Entre le Cercle de Lorraine, l'écrémage et les origines familiales élevées, il reste déjà peu de place que pour que des pensées hétérodoxes se déploient dans les médias. Mais ce n'est pas tout, puisque si un journaliste << tendance gaucho » réussit tout de même à se faufiler entre les mailles du filet, son travail et son évolution dans le milieu sont rendus assez difficiles. |
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