4.4.1.1. Le haut du panier
Commençons par un Directeur de l'information,
Stéphane ROSENBLATT. Pour lui, il y a << Une liberté
éditoriale qui permet d'inviter qui on veut. Pour peu qu'on estime que
c'est quelque chose de significatif dans l'actualité politique
».
Interviennent alors les << jugements éditoriaux,
qui sont faits par les rédactions, en conscience ». Et d'ajouter
que, assumant une certaine subjectivité : << C'est tout à
fait critiquable, mais c'est notre choix ». Des choix << en
conformité », à reprendre les termes de Jacques LE BOHEC
?
En tout cas, << sans rappels à l'ordre » :
<< On me croit ou on me croit pas, je travaille depuis 25 ans dans cette
maison, et je n'ai jamais subi la moindre pression directe me demandant de
couvrir, ou de ne pas couvrir » 212.
Pareil avec les rédacteurs en chef. Ainsi, Philippe
WALKOWIAK déclare : << Je suis responsable du service politique
depuis des années, je n'ai jamais eu un seul coup de fil d'un parti
politique me disant qu'il fallait dire ça plutôt que ça. Je
n'ai jamais eu mon administrateur général qui m'a dit qu'il ne
faut surtout pas inviter telle personne, pas interviewer telle autre. Jamais
» 213.
Quant à Johanne MONTAY : << Je n'ai jamais eu
l'impression d'être muselée, censurée, hormis les
espèces de balises d'autocensure qu'on se met en disant Quelles sont
mes limites dans ce que je pense qu'on peut se permettre ? » 214
Même son de cloche chez Christian CARPENTIER : <<
Ca fait 15 ans que je fais du journalisme politique, et dieu sait si c'est une
matière sensible potentiellement pour un éditeur ». Or,
<< On ne m'a jamais demandé d'écrire un article, ou
interdit d'écrire un article, ou fait une remarque sur le contenu d'un
article, tant que c'est fait de façon honnête ».
Nous lui avons même demandé, à Christian
CARPENTIER, ce qu'il pensait de cette théorie de promotion des
bien-pensants, si cela s'appliquait à lui : << Ce n'est pas
très gentil pour moi, ni pour mon rédacteur en chef ». Car,
dit-il, << J'ai été promu dans toute ma carrière
à des postes supérieurs parce que j'étais efficace et que
j'ai fait mes preuves. Mais surement jamais,
212 Entretien avec Stéphane ROSENBLATT, Op.
Cit.
213 Entretien avec Philippe WALKOWIAK, Op. Cit.
214 Entretien avec Johanne MONTAY, Op. Cit.
connaissant mon caractère en plus, parce que j'avais une
souplesse par rapport à des influences >>
215.
Ce qu'on note, c'est que les journalistes restent
braqués sur la dimension consciente de la censure (avec un Carpentier
qui parle d'influences). Et la dimension inconsciente, opérant par un
écrémage, semble quant à elle leur échapper.
Citons encore deux journalistes. De << simples >>
journalistes politiques, de renom tout de même.
Du côté de La Libre Belgique, avec
Francis VANDEWOESTYNE, cela donne : << On a la chance de vivre dans une
rédaction indépendante de ses prises de positions par rapport aux
gens qui nous dirigent >>, ce qui << n'empêche pas que nous
ayons des conversations tout à fait saines et sereines sur des sujets
d'actualités >>. Ceci dit, << A aucun moment on est venu me
dire ce que je devais écrire avant une élection, après une
élection >> 216.
Pour David COPPI, << La rédaction en chef imprime
une certaine tendance ou ligne politique générale >>. Et
<< Comme dans toute vie sociale, dans un journal il y a une forme
d'autocensure marginale, avec laquelle il faut vivre >> 217.
Tout au plus donc, certains journalistes reconnaissent une
certaine autocensure (en l'occurrence, Montay et Coppi).Mais un
écrémage, évidemment non.
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