B. L'application de règles spécifiques de
protection de la vie privée et de l'image
Dans les affaires impliquant des atteintes à la vie
privée, les victimes invoquent généralement l'article 9 du
code civil pour obtenir réparation de leur préjudice. Toutefois,
l'article 9 n'est pas l'unique remède face aux violations de la
sphère privée. La loi Informatique et Libertés peut
également concourir à la protection des atteintes à la vie
privée dès lors que les informations constituent des
données à caractère personnel.
La diffusion de l'image d'une personne à partir d'un
site Internet ouvert au public est susceptible de constituer un traitement de
données dès lors que la photographie de la personne se rapporte
à une personne identifiée ou identifiable144. Dans
cette hypothèse, les dispositions protectrices de la loi Informatique et
Libertés s'appliquent. La personne représentée sur l'image
pourrait s'adresser « soit au juge (..), soit à la CNIL,
après avoir, en application du droit d'opposition145,
demandé sans succès l'arrêt de cette diffusion au
responsable du site»146.
Cette possibilité de recourir à la loi
Informatique et Libertés est illustrée dans un arrêt
à la motivation confuse de la Cour d'appel de
Besançon147. En l'espèce, une association avait
diffusée sur son site Internet l'image d'une femme citée
nommément portée disparue. Deux membres de la famille de cette
femme avaient demandé sous astreinte le retrait de l'appel à
témoin du site pour violation de leur vie privée. La Cour d'appel
a estimé que cette diffusion sans l'autorisation des membres de la
famille constituait un trouble illicite et a ordonné le retrait de ces
informations sur le fondement du droit d'opposition prévu par la loi
Informatique et Libertés.
144 L'utilisation de l'image des personnes, 28 mars 2005
(disponible sur le site de la CNIL).
145 Article 38 loi Informatique et Libertés.
146 L'utilisation de l'image des personnes, 28 mars 2005
(disponible sur le site de la CNIL).
147 CA Besançon 31 janvier 2007 ; D. 2007 p.2771, A.
Lepage, L. Marino, C. Bigot.
La loi Informatique et Libertés pourrait
également pallier aux insuffisances de l'article 9 du code civil. En
effet, en application de la jurisprudence des faits anodins, certaines
révélations de faits relatifs à la vie privée ne
sont pas protégeables sur le fondement de l'article 9 du code civil. Par
application du principe de finalité148, le traitement
d'informations même recueillies de façon licite, pourrait
être sanctionné dès lors que ce traitement ne serait pas
conforme au regard de sa finalité149. Par exemple, une
personne publiant une information intime sur un groupe Facebook pourrait
s'opposer à la réutilisation de cette information dans un
contexte différent de l'objectif du groupe.
L'exception de divulgation antérieure pourrait
également péricliter face au droit à l'oubli
consacré dans la loi Informatique et Libertés150. Par
application de ce principe, le traitement de données á
caractère personnel doit être limité dans le temps. Ainsi,
une information intime publiée sur Facebook et réutilisée
un certain nombre d'années plus tard alors que la personne s'est
désinscrite du site pourrait s'opposer à cette utilisation en
invoquant le droit à l'oubli.
Sur Facebook, les exceptions relatives au droit au respect de la
vie privée et à l'image auraient donc moins de force que sur les
supports traditionnels.
Toutefois, la loi Informatique et Libertés ne pourrait
totalement évincer l'article 9 du code civil dans la protection de la
vie privée151. Le traitement de données relatives
á la vie privée aux seules fins de journalisme ou d'expression
artistique n'est pas soumis par exemple aux principales dispositions de la loi
Informatique et Libertés152. Par ailleurs, le consentement de
la personne peut etre évincé si le responsable de traitement
poursuit la réalisation d'un « intérêt légitime
»153. Cet intér~t légitime n'est cependant admis
que « sous la réserve de ne pas méconnaitre
l'intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la
personne concernée »154. Dans ces deux
hypothèses, l'article 9 du code civil retrouverait sa plénitude
d'action.
Les dispositions pénales de la loi Informatique et
Libertés peuvent également servir d'adjuvant aux articles
226-1 et suivants du code pénal155. L'article 226-19 du code
pénal incrimine le fait de mettre ou de conserver en mémoire
informatisée, sans l'accord de
148 Article 6-2° de la loi Informatique et
Libertés.
149 L. Marino Les nouveaux territoires des droits
de la personnalité, GP 19 mai 2007 n°139 p.22.
150 Article 6-5° de la loi Informatique et
Libertés.
151 L. Marino Les nouveaux territoires des droits
de la personnalité, GP 19 mai 2007 n°139 p.22.
152 Chapitre 11 de la loi Informatique et
Libertés.
153 Article 7-5° de la loi Informatique et
Libertés.
154 Article 7-5° de la loi Informatique et
Libertés.
155 A. Lepage liberté et droits
fondamentaux à l'épreuve de l'Internet, litec, 3e
édition p113.
l'intéressé, des données dites sensibles.
Un jeune homme a été condamné sur ce fondement pour avoir
stocké sur sa page d'accueil des images pornographiques de son ancienne
petite amie, accompagnées de commentaires relatifs à ses
moeurs156.
Sur Facebook, la publication de données sensibles
telles que des informations relatives aux opinions politiques de la personne,
à sa vie sexuelle sans l'accord de la personne pourrait être
sanctionnée sur le fondement de l'article 226-19 du code
pénal.
Comme le fait remarquer Madame Laure Marino157, les
nouvelles technologies pourraient servir de vecteurs à la mutation des
droits de la personnalité. En effet, d'un coté le droit au
respect de la vie privée pourrait devenir « un droit de
contrôle sur des informations personnelles »158 , de
l'autre, l'utilisation de la loi Informatique et Libertés pour
protéger les droits de la personnalité pourrait se transformer en
un nouveau droit subjectif : le droit au respect des informations
personnelles.
Sur les réseaux sociaux, des atteintes inédites
voient également le jour (II).
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